
Mais je m'interroge quand même: Si toutes les vies ont le même prix...
“Tous les hommes naissent égaux en droits”. C’est la substance de l’article 1 de la déclaration des droits de l’Homme. Mais tous les Hommes naissent-ils aussi égaux en chances? Visiblement, Non!
La récente polémique de l’admission à l’école la plus prestigieuse du Cameroun (ENAM) à relancé le débat. Outre la question sensible de la présence dans les listes d’admis des progénitures des hauts dignitaires du pays, c’est la problématique de la “Justice sociale” qui est remise au goût du jour.
LES INÉGALITÉS: UNE BOMBE SOCIALE…
Les “inégalités” traduisent des différences d’accès aux ressources rares et/ou socialement prisées (revenus, patrimoine, postes de rente, santé, éducation et formation professionnelle, etc.)
Les inégalités sont particulièrement ressenties en période de crises économiques.
En Afrique, la quasi-totalité des crises socio-politiques (Boko Haram, crise anglophone, coup d’États, guerres, etc.) ont pour causes principales, les inégalités.
QUEL MODÈLE DE JUSTICE SOCIALE?
La solution aux inégalités reste la “Justice sociale”. Et il existe selon Toqueville, 3 modèles de justice sociale.
- LE PRINCIPE DU MÉRITE
C’est le modèle le plus facile à mettre en place en place. La “méritocratie” (très réclamée sur les médias et réseaux sociaux) consiste à permettre l’accès des plus talentueux aux richesses et au pouvoir selon le principe du mérite individuel. La sélection se fait sur la base des dons et capacités de chacun indépendamment de son origine sociale. Le problème de ce principe réside dans le fait que tous les groupes sociaux ne sont pas avantagés par la nature ou le rapport de force éducatif ou économique. D’où le maintien des inégalités et le risque de tension sociale (Cf crise anglophone)
- LA DISCRIMINATION POSITIVE
Ce principe qui prend au Cameroun le nom “d’équilibre régional” consiste à favoriser une catégorie de groupes sociaux d’une population pour tenter de rétablir l’égalité des chances.
Ce principe est critiqué pour son manque d’efficacité soit au nom de l’égalité républicaine, ou encore en raison de la stigmatisation sociale qu’il pourrait susciter. Il n’est pas rare de voir un individu brillant issu d’un groupe social “positivement discriminé” se faire taxé de “coopté”, “favorisé” ou de “repêché”
- L’ÉGALISATION DES SITUATIONS
Pour ce principe, une société est bien ordonnée et même juste, quand elle est organisée de manière à maximiser la somme totale des satisfactions pour l’ensemble des individus qui en font partie. L’égalisation des situations est inhérente aux progrès économiques. En France, après la 2eme guerre mondiale et la forte croissance économique qui a suivi (“trente glorieuses”), l’État providence qui a été mis en place a permis une “moyennisation” de la société française avec par exemple un accès universel aux soins de santé et un coût d’accès très faible à l’éducation.
CONCLUSION
Les niveaux économiques des pays africains n’ont pas beaucoup changé depuis plus de 50 ans. Pour inverser le poids des inégalités, nous devons travailler très dur pour implanter un progrès économique durable dans nos pays. C’est même une urgence ! Seule cette voie pourra “égaliser les situations” et réduire durablement les inégalités.
En attendant, l’équilibre régional reste le moindre mal. Mais pour autant, il présente de nombreux défis qui accentuent en ce moment son rejet par une grande partie de la population. À titre d’exemples :
– Sa méthodologie de calcul est dépassée. Les paramètres (taille des groupes sociaux, taux de scolarisation, PIB régionaux, etc…) qui ont prévalu lors de sa conception après les indépendances sont aujourd’hui quasi-obsolètes.
-Son application sur le terrain est teinté de mal gouvernance et de forts soupçons de manipulations personnelles (affaire ENAM) ou politiciennes (Affaire ENS de Maroua).
Il est donc grand temps de recréer un grand consensus national autour de cette question. Comment? Un débat à l’assemblée ? Une conférence des forces vives nationale ? Autre(s) proposition(s)?
Roger ETOA