
Une série de tableaux représentant le corps de Gabrielle Badjeck
Festin des ténors. Pique-nique urbain. On pourrait trouver des dizaines d’expressions pour qualifier le spectacle de Gabriella Badjeck de samedi 24 février 2018 à l’Alliance franco-camerounaise de Dschang. La performeuse a partagé la scène avec Boogy Dance, Guy Tsopmo et Eric Kamga.
Ce fut effectivement une soirée de haute facture, avec des spectacles (slam, chanson, chorégraphie et performance) haut de gamme, devant un public conquis.
Le public, estimé à plus de 200 personnes, est resté jusqu’à la fin de la soirée. Une grande première pour l’Alliance franco-Camerounaise de Dschang. D’ailleurs, l’Adjoint préfectoral qu’on croyait parti, après que le speaker ait demandé au public de vider (pour 10 minutes) la salle le temps de la mise en place du dispositif avant la prestation de Gabriella Badjeck a regagné, précipitamment, son siège.
Cette soirée où les codes artistiques et organisationnels généralement en vigueur ici ont été brisés retentit tel un nouveau contrat entre l’Alliance franco-camerounaise de Dschang et son public. Des spectacles de bonne facture font forcément bouger les habitants.
Tout a été une grande surprise pour le public venu massivement à cette soirée exceptionnelle. Exceptionnelle parce que consacrée au lancement d’une star up baptisé Djin@. Il s’agit d’une entreprise spécialisée dans l’événementielle.
A la fin de la soirée, notre reporter a demandé aux artistes de porter leur jugement sur le spectacle d’un artiste de la soirée. Lisez plutôt :
Gabriella Bajeck est une artiste performeuse. Elle juge « Afrik’in » de Boogy Dance

« L’Afrik’in » de Boogy Dance est un spectacle qui parle des difficultés des Africains, de cette souffrance dans laquelle on est et qui nous donne l’impression qu’il faut désespérer de l’Afrique et partir ailleurs. De se dire que si on essayait un peu de mieux s’entendre entre nous, de mieux s’organiser on n’aurait pas besoin de fuir notre continent.
L’art performance ne se définit pas dans un code particulier. C’est un art qui a été créé pour bousculer les codes de tous les autres arts. Parce que, à un moment donné les artistes, dans leur processus de créativité, se sentaient coincés avec les codes des différentes disciplines : danse, théâtre, etc. On a essayé de créer une discipline qui va casser les codes et qui va essayer de puiser dans toutes les autres disciplines pour avoir plus de richesses dans la créativité ; pour se sentir plus libre et proposer des créations un peu plus explosives.
Maintenant il y a des danseurs, vous l’avez certainement remarqué dans le spectacle de Boogy Dance, qui prennent dans l’art performance pour l’introduire dans leur chorégraphie. C’est une mouvance populaire ces jours-ci, parce que le public a aussi soif de voir des choses nouvelles, des choses moins codifies, moins réglées comme du papier de musique. Même quand on fait des ateliers d’art performance à Yaoundé avec Christian Etongo qui est notre mentor dans l’art performance, il invite les artistes de tous les bords à venir faire ces ateliers, pour qu’ils comprennent l’esprit de la performance, pas forcément pour qu’ils deviennent des performeurs, mais pour qu’ils prennent un peu l’esprit de la performance pour l’ajouter dans leurs créations. »
Ekouoh Ndjalla Thierry Aubin, alias Junior Boogy (président Boogy Dance) à propos de « Woman’s Print » de Gabriella Badjeck.
Quand une femme décide de vous vendre ça

« C’est la deuxième fois que j’assiste à cette performance « Woman’s Print ». La première était au lors d’un festival, dernièrement. Au niveau du décor je l’ai trouvé un peu plus beau qu’au festival suscité. Ce qui, pour ma part, signifie qu’elle a eu encore à travailler dur pour améliorer son spectacle. Je kiffe ! J’ai vraiment aimé sa performance.
La performance c’est un domaine de l’art que je n’avais pas encore eu à connaitre si ce n’est pas seulement l’année dernière ou il y a deux ans, grâce à mon confrère Snake Zobel de la compagnie Zora Snake. Lui il mélange sa performance avec la danse. Du coup je me retrouve facilement. Là, avec Gabriella Badjeck c’est beaucoup plus compliqué de comprendre, malgré la beauté des gestes. Mais une fois qu’elle se met à expliquer, vous comprenez parfaitement ce qu’est « Woman’s Print ». Dans notre spectacle, il y a un peu de performance, à côté de la danse. Je vous prends, par exemple, où je suis entrain de me battre avec des chaînes. Je suis artiste et Il ne faudrait pas que je reste dans mon monde de danseur. Je dois aussi visiter tous les autres arts. Et cela explique le fait que je fais l’effort d’aller à l’Institut Français du Cameroun, au Goethe Institut, où de rester après mon spectacle comme aujourd’hui pour assister celui de Gabriella Badjeck. C’est pour m’enrichir davantage. Lorsque je regarde un spectacle comme celui auquel nous venons d’assister ça me donne des idées. En tant que danseur j’ai besoin d’élargir mes horizons et mon domaine de définition, pour conquérir le maximum de publics possible. »
Guy Tsopmo, le créateur du « Kopaha » pose son regard sur la prestation du slameur Silver

« Silver nous a présenté une pièce originale. Il est spécial en son genre parce que, à mon avis, non seulement il est créatif, original, mais il est objectif.
Le slam est une musique qui est exactement comme la poésie. C’est de la poésie musicale, dira-t-on. C’est-à-dire qu’à travers ses rythmes un peu classiques, il passe des messages constructifs, des messages éducatifs, à travers une écriture différente. C’est un agencement de sonorités, mais pas totalement. Parce qu’à l’intérieur des sonorités vous avez une mélancolie de messages qui sont en phase avec notre société.
Il a fait un brassage de tout. Dans son numéro vous avez un peu de la mélodie, vous avez des paroles très très éducatives. C’est l’Afrique qu’il a raconté à travers le slam. Je suis très satisfait de ce qu’il nous a servi et lui souhaite bon vent. »
Eric Kamdem, dit Sliber : lauréat du Concours de Meilleur slameur organisé par Djin@. Son jugement porte sur la prestation de l’artiste musicien Guy Tsopmo.

« Guy Tsopmo est un artiste que j’apprécie bien. C’est un grand-frère. On s’est rencontré à plusieurs cérémonies déjà. C’est un grand artiste. Il fait bien son travail et chaque fois, comme vous l’avez constaté, il essaie de soulever le public. Il est fait pour sortir le public du sommeil.
Sa prestation de ce soir a consisté en trois interprétations. Ce sont toutes ses compositions. Mais en ce qui me concerne, j’ai particulièrement aimé la première où il parle de l’Afrique. Il a parlé, en quelque sorte de la paix au Cameroun. C’est ce qui m’a le plus touché, vu la situation que l’on traverse en ce moment. Avec nos frères du Nord-Ouest, ceux du Sud-Ouest, ce n’est pas facile. Il faut des gens comme Guy Tsopmo pour montrer que malgré tout on doit demeurer positif et se mettre ensemble pour sortir de la crise. Ce faisant l’artiste contribue au retour de la paix dans ce pays. »
Augustin Roger MOMOKANA