
M. YENE Ernest est par ailleurs animateur socioculturel et consultant formateur sur les questions de développement local et de citoyenneté.
Dschang, 08 juin (Sinotables.com) – YENE Ernest est le secrétaire exécutif de la Fondation Conseil Jeune (FCJ). Le FCJ est une association basée à Yaoundé. Notre invité est par ailleurs animateur socioculturel et consultant formateur sur les questions de développement local et de citoyenneté. Nous l’avons rencontré au Forum ENJEU II, à Dschang du 1er au 08 juin 2018.
Quel est l’objet de votre présence à Dschang aujourd’hui ?
Je suis à Dschang aujourd’hui dans le cadre du Forum ENJEU II. Le Forum ENJEU qui a mis la question du développement durable comme priorité et en insistant que les jeunes doivent être les acteurs de cette question de développement-là. Je suis là pour m’entretenir avec ceux qui sont potentiellement les acteurs de ce développement durable. Parce que lorsqu’on parle des objectifs du développement durable (ODD) à l’horizon 2030, c’est avec les jeunes que ça va se faire. Si on en parle et on ne tient pas en compte que les acteurs et les bénéficiaires de ces objectifs-là sont ceux qui ont moins de 15 ans aujourd’hui.
Parlons des objectifs de développement durable, de quoi s’agit-il ?
Les Objectifs de développement durables (ODD) sont un ensemble d’objectifs qui ont remplacé les Objectifs du Millénaire pour le développement durable (OMD). Ces objectifs visent à améliorer significativement la vie humaine. Vous avez, comme exemple, l’objectif 7 qui concerne l’énergie renouvelable à moindre coût pour tous. Du coup vous vous rendez compte que dans un pays comme le Cameroun on a des problèmes d’enlèvement d’ordures alors que ces ordures peuvent être transformées en charbon écologique, en source de biogaz. Qu’on fait face aux coupures intempestives d’électricité alors que le soleil est abondant, le vent gratuit. Tout cela peut être transformé pour produire de l’électricité. Les organisateurs du Forum ont pensé bien devoir associer les jeunes au forum afin qu’ils puissent prendre conscience de cela.
Et vous avez longuement insisté, dans votre intervention, sur l’engagement citoyen de la jeunesse.
On ne peut pas faire du bien pour vous sans vous. Il faut bien qu’on se le mette dans nos mentalités. Il est question de comprendre que l’humain est au centre de tout. Il est la fin de toutes nos actions. Il est à la fois la cible de toutes nos actions. Il est surtout le moyen pour que toutes les actions que nous voulons mener soient viables. Si l’on veut faire du développement durable une question palpable, notamment à travers les exemples qu’on a cités : transformation des déchets, il faudrait qu’on travaille d’abord sur l’humain. Parce que l’humain est prêt à travailler sur cette voie-là. C’est celui qu’il faut déconstruire le désintérêt qu’il a pour la chose communautaire, le désintérêt qu’il a pour l’intérêt général ; pour le sortir des questions de sa petite personne pour l’amener à s’intéresser aux questions d’intérêt général.
Et quelles sont les caractéristiques de cet humain qu’on doit déconstruire ?
Cet humain qu’on doit déconstruire est celui à qui on doit inculquer la vie associative dès le bas âge. On doit amener le jeune à s’engager pour défendre une cause dès 15 ans. Il peut s’engager pour la forêt. Il peut s’engager pour défendre l’enfant de la rue. Il peut s’engager pour l’épanouissement social des jeunes. On doit inculquer au jeune, dès son bas âge, l’engagement à militer pour une cause, à donner de son temps, de son argent, de son expertise pour une cause. On doit déjà inculquer au jeune à être prêt à se mouiller pour l’intérêt général.
De par vos statistiques, cette mission est un impératif pour la société !
C’est quelque chose d’extraordinaire au Cameroun. Les 60ans et plus qui gouvernent et dirigent le Cameroun ne représentent même pas les 10% de la population. L’âge médian au Cameroun c’est 17 ans, tandis que l’âge médian c’est 20 ans. C’est vous dire que même avec le législateur camerounais on a un problème. Parce que à 17 ou 18 ans au Cameroun vous pouvez entrer dans l’armée, mais curieusement à cet âge vous n’avez pas encore le droit de voter. Comment quelqu’un peut-il être dans l’armée à 17 ans et attendre 21 ans pour être électeurs ? C’est une question qu’il faudrait que le législateur essaie de résoudre. Ce qu’on propose c’est de ramener l’âge électoral à 18 ans qui est l’âge civil-à 18 ans au Cameroun on est déjà pénalement responsable- pour augmenter la capacité de participation des jeunes. L’âge est un frein est un frein à la participation. Si l’on vous dit que vous ne pouvez pas être maire à 18 ans, cela signifie qu’on vous écarte. Et bizarrement les 18 ans constituent plus de la moitié de la population du Cameroun. Faire la politique sans ces jeunes-là c’est faire la politique pour les autres.
Vous faites là des revendications déjà.
Et elles sont pertinentes et très importantes. Nous demandons que l’âge électoral soit ramené à 18 ans si l’on pense qu’on a du souci de l’avenir des jeunes de ce pays. Nous demandons qu’il faille revoir le mouvement civique de la jeunesse. Il faut encourager les initiatives de bénévolat et de volontariat. Il faut institutionnaliser le bénévolat et le volontariat au Cameroun. Il faut décentraliser cela au niveau des communes. Parce qu’on doit avoir tous les 6 mois, une vague de bénévoles et de volontaires qui viennent s’engager pour une cause, sans rémunération.
Avez-vous le sentiment d’avoir été bien écouté par ces jeunes qui ont pris part au forum ?
On n’a jamais la conviction qu’on a été écouté. J’aurais cette conviction quand j’aurais par la suite ce qui va découler du Forum ENJEU. Si plus tard le nombre de ceux qui se sont engagés pour l’atteinte des ODD ici à Dschang augmente, on aura atteint notre objectif. Cela signifiera qu’ils ont été sensibles à notre message. C’est la raison pour laquelle nous sensibilisons les jeunes.
Qu’est-ce qui est prévu pour maintenir la flamme de la sensibilisation une fois le forum terminé ?
Je ne serai pas mort, je l’espère. Mais il faut qu’on multiplie le nombre d’animateurs socio-culturels. Il faut qu’on multiplie le nombre de personne qui peuvent parler à d’autres personnes. Parce que Jésus ne pouvait pas être partout. Il avait des disciples qui pouvaient aller prêcher la Bonne Nouvelle. Ces disciples à leur tour essayaient de convertir d’autres personnes qui puissent aussi parler aux autres. C’est un travail qu’il va falloir faire avec Horizon Jeune à Dschang. Il faut fabriquer les animateurs sociaux qui vont aider les associations à avoir des techniques pour que le message passe. Cela dans le but de faciliter l’implication des jeunes.
Qu’est-ce qui a particulièrement marqué votre attention au cours de ce Forum ?
La remarque particulière c’est qu’il y a beaucoup de talents au Cameroun. Il y a des jeunes qui ont des idées, des rêves, des ambitions ; mais qui parfois ont l’impression de ne pas être suffisamment écoutés ou accompagnés. Accompagner ne veut pas dire financer automatiquement. Non. Parfois on a un problème et on voudrait trouver en face une oreille qui écoute, qui vous rassure, qui vous motive. J’ai été frappé par l’immensité des talents qu’il y a eu dans la salle. On gagnerait à faire les choses ensemble.
Propos recueillis par Augustin Roger MOMOKANA