
7 milliards de journalistes ?
Un rappel sur les fondements des funérailles était attendu. Dr Étienne Tayo Demanou vient de défoncer une porte qui siffle à tous vents, sans que les uns et les autres puissent comprendre ce qui se passe. Obsèques-funérailles, ou obsèques puis funérailles ? C’est la bataille que mènent certains chefs traditionnels contre des tendances modernistes très poussés.
Avant, avant on parlait de funérailles autrement appelé « Grand deuil » pour désigner l’une des plus grandes manifestations funéraires dans la cosmogonie Bamiléké. Traditionnellement, il s’agit d’un rite impliquant tous les membres d’une famille et permettant aux descendants d’une personne qui a vécu et qui a fait son monde ou pas de lui ouvrir les portes du royaume des ancêtres. Il doit y accéder parce que c’est à partir de ce royaume et étant devenu lui-même un ancêtre qu’il peut intercéder auprès du Dieu créateur au profit des membres de sa famille. Cette charge des funérailles incombe en priorité aux descendants directs du défunt conduits par le chef de famille et qui doivent être assistés pour la circonstance par les autres membres de la famille. Si le défunt n’a pas de descendant connu alors toute la famille doit se charger harmonieusement de l’accompagner sur les chemins du royaume des ancêtres.
La condition principale de déclenchement des funérailles est que le crâne du défunt ait été au préalable enlevé au cours d’une cérémonie rituelle particulière. Ce crâne doit être désormais entreposé dans la maison des crânes. Techniquement, scientifiquement et moralement, le crâne d’un défunt ne peut pas être « coupé » (c’est l’expression consacrée) avant une durée de 4 à 5 ans. Ce qui veut dire que les funérailles au sens où le comprend la civilisation Bamiléké ne peuvent pas avoir raisonnablement lieu avant une période de 5 ans. Il faut préciser qu’avant les funérailles proprement dit, il faut prendre une période de 6 mois au moins pour accomplir un ensemble d’obligations rituelles sans lesquelles on court vers un échec assuré.
En fonction de la nature de la famille dont est issu le défunt, de la taille du défunt dans la hiérarchie sociale de son village et en fonction de la taille de sa progéniture, un certain nombre de cérémonies s’imposent. On doit d’abord réunir la famille pour « piquer le deuil » (arrêter la date des funérailles de commun accord). Par la suite on doit donner à manger à tous les dieux du village. Ceci permet de régler de façon symbolique toutes les dettes (financière ou morales) qu’il pouvait avoir et qui n’ont pas été revendique, il est aussi question de convoquer et nourrir tous les beaux fils du défunt qui ont une part importante dans l’organisation des funérailles ; il en est de même des membres de toutes des associations et sociétés secrètes auxquelles à appartenu le défunt, l’occasion leur est ainsi donnée de venir le jour du funérailles pour s’exhiber pour la dernière fois au nom de leur membre. C’est seulement après que toutes ces opérations rituelles ont été conduit dans une parfaite harmonie familiale (condition nécessaire et suffisante de réussite des funérailles), que la phase festive des funérailles est lancée et s’achève souvent en apothéose avec les réjouissances populaires.
Mais le capitalisme est arrivé et ses adeptes ont trouvé d’après la religion de l’argent qu’ils servent, que les funérailles coûtent cher en temps et en argent, les deux concepts se renvoyant chez eux à une même réalité c’est-à-dire l’accumulation. Ils ont donc inventé le « taper deuil » comme les autres on inventé le « taper dos ». On les entend dire Lorsqu’ils ont perdu un parent : « on va l’enterrer et taper le deuil une fois. Comme ça on ne reviendra plus dessus ». Ce qu’ils ne savent pas c’est que, pour avoir refusé par cupidité, de conduire le rite funéraire selon les règles de l’art de la civilisation Bamiléké, ils contribuent à abandonner leurs défunts sur le chemin du royaume des ancêtres. Il ne sera jamais un ancêtre et donc ne pourra pas intercéder en leur faveur auprès du Dieu créateur. Par la suite, pris dans les tourments de la vie et sans réelle connexion ancestrale, on retrouve souvent les adeptes du « taper deuil » dans toute sorte de combinaisons religieuses où ils recherchent un intercesseur ayant abandonné leur parent dans le brouillard à cause des contraintes du capitalisme.
Dr Étienne TAYO DEMANOU