
Beaucoup a été dit et se dit encore, beaucoup a été entendu. « Sa mère a fait ça », « sa mère n’est même pas du village ». « Il n’est pas le fils du chef ». On ne peut pas accepter ça. Les gens ont parlé, mais la roue n’a pas arrêté de tourner : C’est à un enfant de 8 ans, NANDJOU ATEMKENG Clément Miguel, que Sa Majesté DJOUSTSA II Pierre Marivau a confié les rênes du groupement Fotetsa. Il a été « arrêté » mercredi 1er février, au cours des obsèques de son défunt père.
Arrestation du futur chef du groupement Fotetsa.#Dschang #Communautés #Traditions #Chefferietraditionnelle #Cameroun pic.twitter.com/AAAD4GMyk8
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« Ça c’est la coutume. Le roi a choisi. Nous ne pouvons que respecter son choix. On ne change pas la parole de celui qui est déjà mort. Tout le monde ne peut pas être content pour un choix. La décision prise est irrévocable. Elle a déjà été entérinée. En ce qui me concerne, je suis très fier de continuer le travail que nous avons commencé » : Ndi NKEMTONG DJITIA Dieudonné, Vice-président du Comité d’organisation des Obsèques du défunt chef supérieur du groupement Fotetsa, Sa Majesté DJOUATSA II Pierre Marivau.
Jamais contestation n’aura été ouverte et pourtant les dés sont jetés : NANDJOU ATEMKENG Clément Miguel a été « arrêté » en présence des autorités administratives sous la houlette du préfet du département de la Menoua, ITOE Peter MBONGO qui a aussitôt pris acte de la décision des notables du groupement Fotetsa.
Selon les contestataires, « personne ne s’attendait à ce que ce soit lui ! » Parce qu’ils ne croient pas que leur défunt père et chef supérieur du groupement Fotetsa a jeté son dévolu sur un enfant de 8 ans au lieu de choisir son successeur parmi les « bons prétendants ».
Le roi des Bafou a arrêté le futur chef du groupement Fotetsa.#Dschang #Communautés #Traditions #Chefferietraditionnelle #Cameroun pic.twitter.com/zJkvs46kpL
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« C’est normal que les gens manifestent leur mécontentement. Quand je passais à côté des gens, ils pensaient que c’est eux que je venais arrêter. Il n’y avait pas une seule personne qui espérait cela. Mais la vérité revient au chef défunt qui a dit qui doit être son successeur. Nous nous sommes concertés avec les notables en présence des autorités administratives. Il y a eu des youyous et des applaudissements. Si les gens pensent qu’ils doivent contester, ils n’ont qu’à aller voir le préfet,» Sa Majesté Fodong KANA III Victor.
La contestation ou l’intimidation n’a pas ébranlé ni Sa Majesté Fodong KANA III Victor, rois des Bafou et parrain de Fotetsa, ni l’autorité administrative qui ont tenu à rassurer la communauté sur le fait que l’arrestation de ATEMKENG Miguel émane du respect de la dernière volonté du feu Fô DJOUATSA II Pierre Marivau arraché à la terre des hommes le 23 novembre 2022.
NDI KEMTSA TCHOUFACK le Président du Comité d'organisation des obsèques de Fô Djouatsa II Pierre Marivau à Fotetsa.#Dschang #Communautés #Traditions #Chefferietraditionnelle #Cameroun pic.twitter.com/ZefBR8Z23X
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D’ailleurs, « les gens applaudissent et d’autres non. Nous acceptons le verdict, le préfet a pris acte. Si les enfants de la chefferie pensent que celui qui a été désigné est celui qu’il ne fallait pas, ils ont le droit de contester devant l’autorité. Le chef était mon ami, un frère, mais il ne m’a pas laissé un testament. Ainsi je ne suis pas capable de dire ce que je n’ai pas entendu ou ce que je n’ai pas lu. Le testament de notre chef n’a été écrit», regrette NDI KEMTSA TCHOUFACK, président du comité d’organisation.
A Sinotables, le président du Comité d’organisation a expliqué la séance du dévoilement du testament du défunt roi des Fotetsa. Sa Majesté DJOUATSA II Pierre Marivau n’avait pas rédigé de testament. Cependant il avait choisi sa manière à lui pour indiquer lequel des princes occupera son siège une fois qu’il se sera définitivement retiré.
Le confident, porteur du testament oral du défunt chef supérieur Fotetsa#Dschang #Communautés #Traditions #Chefferietraditionnelle #Cameroun pic.twitter.com/DGAOJuKgjb
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L’ami et confident, a courageusement porté de la dernière volonté du défunt. Il témoigne : « Je ne suis pas un notable. Je suis un ami porteur d’un message que j’ai reçu. Dans un royaume comme celui-ci n’importe qui veut être chef. Mais tout ce qu’on dire est la volonté du défunt chef. Vous changez, c’est votre malheur que vous prenez à la chefferie. Le défunt m’a tout dit par trois fois. La dernière fois, quand il était malade il a demandé qu’on m’appelle. Je suis venu et il m’a réitéré ce qu’il m’avait déjà dit par deux fois déjà. Ce que je demande aux enfants c’est qu’ils se calment et s’aiment. Leur papa m’a dit qu’ils ont eu des problèmes et je leur dit que les problèmes ne sont pas bons. Il se plaignait et il faisait pitié parfois. Tout le monde doit contribuer à la renaissance de cette chefferie. »
Selon nos sources, le défunt chef s’était fait accompagner par cet enfant au palais royal de Bafou où il aurait pris la peine de faire arborer par cet enfant un de ses chapeaux traditionnels.De même, il se serait fait accompagner par le même enfant lors d’une visite au sous-préfet de l’arrondissement de Dschang. Puis à son meilleur ami il avait clairement dit qu’il portait son choix sur NANDJOU ATEMKENG Clément Miguel pour lui succéder à la tête du village.
Les princes et princesses lors de l'étape fatidique de l'arrestation du futur chef supérieur Fotetsa#Dschang #Communautés #Traditions #Chefferietraditionnelle #Cameroun pic.twitter.com/JC8xTOD8c3
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Mais à la vérité, la contestation s’explique par plusieurs raisons toutes plausibles. D’abord le chef défunt a décidé de confier le trône a un innocent. Ainsi Menkem ATEMKENG sera le chef que la communauté aura voulu. A travers cette option l’on comprend aisément que les autres princes n’ont pas mérité de porter cette charge pour un groupement qui a tout à bâtir.
Ensuite, le fait que la mère de NANDJOU ATEMKENG Clément Miguel ne soit pas de Fotetsa est un argument pour que les princes dont les mamans sont du groupement manifestent leur mécontentement. Confier sa succession à un prince dont la maman est d’un autre groupement est, par ailleurs stratégique au plan diplomatique. Cela participe à construire des partenariats bénéfiques.
Également, les porteurs de la contestation ne sont pas des princes de la lignée de Fô DJOUATSA II Pierre Marivau, ne sont pas issus de son lit. Ils avaient prétexté qu’il y avait eu manigance pour que le défunt accédât au trône en qualité de 10e chef de la dynastie Fotetsa. Pour cela ils s’attendaient que le nouveau chef soit le issu d’une lignée autre.
De nombreux chefs supérieurs de la Menoua et des Bamboutos présents aux obsèques de Sa Majesté DJOUATSA II Pierre Marivau à Fotetsa.#Dschang #Communautés #Traditions #Chefferietraditionnelle #Cameroun pic.twitter.com/sD59T82N8A
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Enfin, de sources concordantes, les princes n’auraient pas été aux côtés de leur père pendant ses moments de souffrances. Il en aurait énormément souffert de constater que tout ce qu’ils attendaient c’est son départ afin que l’un d’eux accèdent au trône. Ils auraient masqué leur rejet de leur père sous le prétexte que ce dernier continuait à garder au palais une femme autoritaire et parfois violente.
La preuve qu’il n’y aurait pas eu de trahison : après l’arrestation de Menkem, aucun appel n’a été lancé aux princes de regagner leur place afin que les trois autres arrestations (Kuété, Maffo et Saa) se poursuivent comme prévu dans la programme officiel de la cérémonie. Cela se comprend. Le fait de donner juste le nom de son héritier était en lui-même chargé de symbole : le roi grandira, observera parmi les princes et princesses qui choisir pour l’accompagner pour conduire les affaires de la communauté.
Face à la contestation, Sa Majesté Fodong KANA III Victor, parrain de Fotetsa, a décidé d’emmener le futur roi à Bafou. Il le placera soit dans son palais, soit le confiera à une fils Fotetsa digne de confiance qui se chargera de son éducation. Une fois la majorité atteinte, NANDJOU ATEMKENG Clément Miguel sera admis au Laakem pour 9 semaines à l’issue de laquelle il sera intronisé comme 11e roi de la dynastie Fotetsa.
Parade de présentation du futur chef supérieur Fotetsa aux autorités administratives et à la population.#Dschang #Communautés #Traditions #Chefferietraditionnelle #Cameroun pic.twitter.com/MHa1Z1ZkcU
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« Il est mon homonyme. Je me doutais bien que ce serait lui. Les gens désignent leurs héritiers. Ce sont leurs volontés. Je n’ai pas de jugement à émettre à ce sujet ».
Ainsi, Menkem NANDJOU ATEMKENG Clément Miguel est l’homonyme de Fô ATEMKENG Clément, chef du village Tsengla dans le groupement voisin Fongo-Ndeng.
Ce qui s’est passé pendant la concertation qui précède l’arrestation du successeur : « On a demandé aux neuf notables qui portent le groupement, en présence des sept notables, de se décoiffer. Ils l’ont fait et il a juré dedans. Et quand il jure dans les chapeaux des neufs ça veut dire que s’il ment il va mourir. Pour cela je ne peux pas dire qu’il s’agit d’une arrestation contesté parce qu’il s’agit de la dernière volonté du roi. Un procès-verbal a été établi séance tenante par le sous-préfet, que les sept et les neuf ont signé. Nous avons accepté cela. Notre préoccupation c’est comment on va faire pour élever ce nouveau futur roi », explique Fo’o Tchouafi NGUEFACK SOB.
En tout cas la contestation n’ébranle ni les notables ni les autorités administratives. Le porteur du message du défunt a juré sur sa tête et sa parole a été prise telle quelle. Le préfet du département de la Menoua, tout en transmettant à la communauté éploré les condoléances de Monsieur le Ministre de l’administration territoriale, n’a pas manqué de marquer son indignation face à l’ambiance surchauffé suite à l’arrestation du successeur de Sa majesté DJOUATSA II Pierre Marivau :
Le Préfet du département de la Menoua rassure le futur chef supérieur Fotetsa du soutien des autorités administratives#Dschang #Communautés #Traditions #Chefferietraditionnelle #Cameroun pic.twitter.com/t5071sok5T
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« C’est un honneur pour moi d’assister pour la toute première fois, et je souhaite vivement que ça soit la dernière fois, à la cérémonie d’arrestation du nouveau chef. Comme vous le savez, et le président du comité d’organisation l’a dit, nous sommes dans une cérémonie purement traditionnelle. Nous sommes là pour constater et prendre acte de ce que les garants de la tradition de ce groupement ont prévu », a-t-il déclaré.
Augustin Roger MOMOKANA
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