Agenor Peter TCHAGOP est un acteur averti de la filière cacao-café. Après une première lettre ouverte à Luc Magloire MBARGA ATANGANA, ministre camerounais du commerce, il revient à la charge, cette fois-ci avec une seconde lettre sur les maux qui minent la filière.
Les lettres d’Agénor Peter TCHAGOP sont des contributions professionnelles à la solution de la crise qui plombent la filière cacao-café.
Monsieur,
Je viens respectueusement auprès de votre très haute personnalité plaider la cause des exportateurs locaux, donc la fin est déjà programmée si rien n’est mise en place dans l’immédiat pour sauver cette filière cacao café.
Monsieur le ministre, savez-vous, toutes les sociétés 100 % Camerounaises d’exportations de cacao café au Cameroun créés il y a 20-30 ans ont toutes fermées ou n’existent que de nom à l’exception de la société SBET. Les sociétés existantes actuellement sont nouvelles et leur sort est déjà scellé si rien n’est fait pour réinventer la filière.
Monsieur le ministre, pensez-vous que tous ces gérants sont ou étaient des incompétents ? Si votre réponse est NON ? Pourquoi aucune réflexion n’a été mise en place sur la question ?
Monsieur, permettez-moi de vous expliquer ceci :
Lorsque l’on pénètre le monde de l’exportation au Cameroun, il est naturel de se dire : « D’accord, d’autres ont fait faillite, mais moi, j’ai une meilleure stratégie. Mon plan est infaillible. » En réalité, vous avez raison, mais ce que vous ignorez, c’est que le problème est structurel, conjoncturel et même étatique. Il ne dépend pas de vous. Le système est conçu de manière à vous mettre en difficulté avant même de commencer. Vous pourriez demander : « Eh bien, comment font les Camerounaise qui réussissent ? » Il est vrai que quelques-uns ont réussi à résister, mais ils ne représentent qu’une infime fraction des exportateurs qui ont mis la clé sous la porte créée il y a 20 ans. À ma connaissance, je ne connais pas deux et vous, Monsieur, avez-vous les statistiques ?
Dans notre secteur, les exportateurs sont souvent stigmatisés dans les milieux bancaires, financiers, etc., perçus comme des malhonnêtes. C’est le plus gros des mensonges. Aucun exportateur ne crée une entreprise dans le but de faire faillite quelques années plus tard. Comme je l’ai mentionné précédemment, le problème réside ailleurs, et je vais vous expliquer pourquoi.
Contrairement à la Côte d’Ivoire ou au Ghana, qui ont mis en place une politique de stabilisation des prix et définis des quotas, le Cameroun a tout libéralisé. Et quand je dis tout, je veux dire tout, sans exception. Une multinationale exportatrice peut acheter toute la production aux vues de la puissance de ses ressources financières et logistiques, sans que l’État se soucie de la situation des nationaux. Pour survivre et se maintenir à flot, les acteurs locaux doivent acheter à des prix plus élevés aux producteurs en espérant équilibrer les comptes à long terme. Et aujourd’hui le ministère du Commerce contribue à cela en allant organiser des ventes groupées qui font flamber les prix.
Vous pourriez demander : « Et comment font les multinationales ? »
Eh bien monsieur, elles se lancent également dans cette course effrénée aux prix, mais la différence réside dans leur capacité à diluer leurs coûts grâce à leur volume de production, ainsi que dans la confiance des banques qui les soutiennent, leur permettant de rouler pendant de nombreuses années sans rembourser immédiatement. En fin de compte, elles disposent également de la garantie de leur maison mère pour laquelle le FCFA n’est que de la monnaie de singe.
Un deuxième problème à prendre en compte concerne les impôts
Au Cameroun, il existe l’impôt sur les sociétés (IS) avec un seuil minimum de perception, qui, pour les exportateurs, représente généralement 2,2 % du chiffre d’affaires. C’est là que le problème se pose avec le cacao. Le chiffre d’affaires n’a rien à voir avec la marge. Ainsi, 1000 tonnes de cacao aujourd’hui peuvent générer 2 milliards de FCFA en CA (chiffre d’affaires). Pensez-vous sérieusement qu’un exportateur puisse gagner 44 millions de FCFA en exportant 1000 tonnes ? C’est quasiment impossible. Et ce n’est pas tout. Vous devez aussi payer 78 FCFA par kilogramme en taxes d’exportation, ainsi que 1000 FCFA par tonne en droits de sortie pour la fève brute (cacao non transformé).
Un troisième problème majeur concerne les acteurs malhonnêtes de la filière
Pour acheter du cacao dans les régions reculées, vous devez travailler en étroite collaboration avec d’autres acteurs tels que les planteurs, les coopératives, les groupements d’intérêt économique, etc. Cependant, le cacao a cette particularité que vous devez avancer de l’argent et attendre la livraison, tout en maintenant votre système pendant les périodes creuses pour garantir les futures productions. Malheureusement, de nombreuses personnes prennent votre argent et disparaissent pour travailler avec vos concurrents.
Un quatrième problème concerne les fournisseurs, les coopératives et les groupements d’intérêt économique malhonnêtes
Monsieur, savez-vous que plusieurs coopératives sont devenues des «coxeurs ».
Dès que vous entrez dans cette filière, le temps de comprendre tous ces phénomènes, les dettes s’accumulent et toutes les banques vous déclarent la guerre pour récupérer leur argent.
Cependant, il existe des solutions, à court et à moyen terme. Je les aborderai dans ma prochaine lettre. Par contre, permettez-moi de revenir et de discuter de l’importance de restructurer et d’organiser cette filière de manière optimale.
En effet, Monsieur le ministre, je dirais que la solution la plus efficace, THE BEST, serait que le Président de la République, Son Excellence Papa Paul BIYA, passe une nuit paisible, se relaxant grâce à un massage prodigué par Maman Chantal. Puis, au petit matin, il déguste un délicieux petit-déjeuner accompagné d’un jus d’ananas naturel provenant des plantations de Nvokmeka’a. En dessert, une tasse de café 70/30, mélange d’arabica de Mbouda et de robusta de Yola, non loin de Yokadouma. Une fois son repas terminé, le Président sourit, prend son stylo et signe un décret visant à nationaliser (retour à l’ONCPB) la filière en créant une nouvelle entité par la fusion de l’ONCC, du @Cicc cameroun, du Fodecc Cameroun et de la SODECAO. Bref, c’est la solution la plus pratique et la plus efficace en tout cas ! C’est le conseil que je donnerai à la présidence si j’étais à votre place de ministre du Commerce.
Je vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations les plus distinguées et mon amitié la plus sincère.
Agenor Peter TCHAGOP