Ma personne,
A cette allure nous n’inventerons jamais notre par de satellite.
C’est vrai ! De nombreuses personnes parlent de l’université sans savoir ni à quoi cela renvoie ni de quoi cela est constitué.
Ils sont également nombreux-très nombreux d’ailleurs- ces étudiants si condescendants et jaloux de leur filière qu’ils ignorent l’existence d’autres filières.
J’ai eu la malchance, mardi, de croiser sur mon chemin un garçon qui, m’a-t-il dit, est doctorant en droit pénal à l’université de Dschang. Je dis bien doctorant en droit pénal à l’université de Dschang. Ce jeune homme nous a trouvés, quelque part, entrain de commenter l’actualité de Dschang dominée par un sujet d’examen aux gars de Master I Science politique dans la même université. Nous étions un, deux, trois, quatre pas les seuls à débattre.
Le gars que j’ai rencontré de dont les paroles me hantent encore, est brun et petit de taille. Le Cameroun doit s’estimer malheureux d’avoir enfanté certaines personnes hein.
Voyons la question posée par le professeur, un Maître des Conférences en Science politique, major de sa promotion au Concours CAMES, à ses étudiants:
Master 1 Science politique
Analyse des comportements politiques
Sujet unique : L’électeur camerounais est-il imbécile ?
Is the Cameroonian voter stupid?
Voilà, ma personne, le sujet qui fâche. J’ignore en quoi il met le Cameroun en péril. Surtout-et ne l’oublions pas- le sujet n’a pas été balancé à la rue, mais aux étudiants de master 1 en science politique. Dans la cadre de l’ « Examen de rattrapage du Premier Semestre 2018/2019 ». Je ne veux pas savoir ce qu’en pense le recteur –il a demandé des explications à l’enseignant qui les lui a sans doute servie à bonne dose-. Je ne veux pas me substituer à la cible de cet exercice car n’étant pas étudiant.
J’en parle en tant que Ma Personne et citoyen d’un pays où il devient dangereux d’exister, d’éternuer ou de péter, c’est-à-dire que je suis un Camerounais ordinaire qui s’étonne du cancer qui ronge et gagne la société qui l’a vu naitre et grandir.
S’il est deux choses que je doive dire avant tout, c’est que ce sujet de dissertation n’est pas, à mon avis, extraordinaire. Il doit être traité conformément à la théorie thèse et antithèse. Cela veut dire quoi ? Que le candidat doit élaborer une introduction, démontrer que l’électeur camerounais est ou serait imbécile, puis démontrer que l’électeur camerounais ne saurait être imbécile. Et de tout cela tirer une conclusion pertinente. A mon avis, c’est cette conclusion qui m’intéresserait le plus si j’avais à corriger ce devoir. Je vais t’aider aussi un peu. Avant de se lancer dans traitement du sujet tu dois souligner et expliquer clairement les mots : ELECTEUR-CAMEROUNAIS-STUPIDE. Ahahahahaha ! C’est comme ça !
Je vais vous dire une chose. Un enseignant n’invente pas le programme de ses enseignements. Son programme c’est sa part de cahier de charges donné par son institution où il travaille pour gagner sa vie. On lui dit tu vas enseigner telle et telle choses aux enfants-ci. Bats-toi pour qu’ils assimilent bien ton cours. Bats-toi pour que demain ils soient de meilleurs spécialistes ou experts. La personne qui a conçu le programme n’est pas un enseignant. Il ne peut pas venir enseigner à la place des enseignants. Alors, qu’il s’appelle président de la république, ministre, recteur, il n’a aucun droit- je parle ici du contrat qui lie l’enseignant à son employeur- de juger de la qualité de tester les connaissances des étudiants s’il n’a intervenu dans la déclinaison du programme, ou pour recadrer la manière d’enseigner, réprouvée par les enfants, de son employé. Je dis bien personne, si ce ne sont les étudiants. Et même dans le cas ou les étudiants dénoncent l’ « incompétence » de leur enseignant, ils doivent le faire de manière constructive, c’est-à-dire identifier clairement ce qu’ils reprochent à l’enseignant ou à son cours. Ceci de manière à ce que l’incriminé puisse se corriger si possible. Je pense que c’est clair et que jusqu’ici nous nous sommes d’accord.
Pourquoi je suis contre mon jeune compatriote doctorant en droit pénal ? Il me dit qu’il est Camerounais. Qu’il a voté. Il n’est pas stupide. Par conséquent il peut ester le professeur qui a formulé le sujet en justice.
Je lui demande de prendre le sujet dans l’autre sens, c’est-à-dire je suis camerounais, j’ai voté, je ne suis pas stupide.
Il me répond qu’en droit pénal il n’a pas besoin de cela parce qu’il comprend déjà l’intention de l’enseignant. Puis il lâche : « ce sujet peut porter atteinte à l’ordre public ».
Je lui demande c’est quoi l’ordre public ?
Il me répond que je soutenir le professeur parce que je suis ignorant des dégâts que son épreuve peut causer à la société.
Je lui rappelle qu’il ne s’agit pas de la société, mais d’une minuscule tribu de la société.
Il me répond que je ne peux pas apporter les preuves que l’électeur camerounais est imbécile. « Êtes-vous en mesure de prouver que l’électeur camerounais a reçu des cartons de savons, comme quelqu’un l’affirme ? »
Je lui réponds que j’ai pris des images pendant la campagne électorale où on remettait des tôles aux parents d’écoles, de l’argent aux militants et autres pour rafraichissements.
Il me dit que les photos ne sont pas des preuves. Que pour qu’elles le soient je dois prouver que ce sont des images prises dans ce cadre-là exactement. Comble de malheur, monsieur le doctorant en droit pénal me dit que le professeur devait avant de proposer ce sujet se rapprocher des spécialistes du droit pénal pour que ces derniers examinent le concept « imbécile » pour lui dire les répercussions que cela pourraient avoir sur la communauté.
Je lui ai demandé s’il était conscient que ce sujet avait été proposé par un professeur agrégé et à une cible bien précise.
Il m’a répondu que seuls les gens du droit pénal ont la capacité de connaître les mots, d’en mesurer le ou les éventuels impacts sur la société.
Je lui ai posé une autre question de savoir s’il est au courant d’une discipline appelée « sémiologie », ou bien d’une autre appelée « linguistique ».
Le futur magistrat pisse dessus. Puisqu’il maintient qu’il n’y a que les gens du droit pénal pour comprendre la portée des mots lorsqu’on parle du droit pénal.
Je lui ai demandé de ne pas apprendre le droit comme s’il s’agissait d’un coupe-coupe pour trancher les têtes, mais plutôt comme un instrument de construction d’une société juste et équitable. Parce que sinon il fera un très mauvais juriste.
Le ton montait de plus en plus, les gens ont commencé à se rapprocher, à ’arrêter pour suivre la discussion. Si je lui applique une gifle il va me faire coffrer et puis… parfois il arrive que les gens fassent usage de leurs muscles pour arranger un différend, sans que cela provoque une émeute. Tu me répondras que la justice va s’en prendre à eux dans la mesure où ils se sont battus, n’est-ce pas ?
Ce n’est pas que je prenne le parti de l’enseignant, mais parce que je suis partisan de la liberté. Et en tant que tel je suis absolument pour que nous laissions le professeur former ces enfants qui, une fois leur parchemin en poche, compteront parmi les lumières qui éclairent la société sur les questions de gouvernance et comportements politiques.
Ce n’est pas parce que le mot « imbécile » apparait dans un sujet d’examen que les gens doivent exposer leur animosité. La science demeure la science, jusqu’à ce que les politiques décident qu’elle change de fonction pour devenir ce qu’ils auront.
Telle que je voyais mon ami-là fâché fâché, je me demandé ce qu’il aurait fait si le professeur avait formulé son sujet d’une autre façon : « Le président de la république du Cameroun est-il un bon président ? » « Maurice Kamto est-il est bon opposant politique ? » « La cour constitutionnelle est-elle juste ? » « Le Cameroun est-il un pays de corruption ? » Et on pourrait multiplier autant d’exemples que l’on ne ferait aucun mal à la société, dès lorsqu’il s’agit des sujets d’évaluation de la capacité d’analyser de nos jeunes politologues.
Évitons, pendant qu’on enseigne à nos enfants à devenir des spécialistes et des experts, de tirer les ficelles vers le bas. A causes de notre égoïsme, de notre pédantisme, de notre manque de grandeur d’esprit, de notre asociabilité.
Si nous comme opposés à ce que nos étudiants puissent faire de la sociologie politique, soyons sûr que le Cameroun ne construira jamais ni de fusée ni de bombe atomique. Il ne trouvera jamais le remède contre le cancer ou le Vih/Sida.
Mais j’ai dit à mon jeune compatriote que dans un lycée bilingue de Yaoundé, l’enseignant de philosophie demande à ses élèves : « Existe-t-il des peuples supérieurs à d’autres » ? Je pense qu’ici encore les gens vont aller se baigner dans les cacas pour comprendre cet enseignant, quoiqu’on puisse dire, est dans son droit d’amener ses étudiants à étudier la question du racisme qui ameute le monte, ou celle du tribalisme qui fait des ravages au Cameroun.
Quand je vois la révolution qu’a provoqué internet, je me dis : « et pourtant ça n’a pas été inventé ni nommé par un professionnel du droit pénal ».
Momokana