
La crise que traverse le Sénégal est un remake de la crise politique de 1988 qui avait fait vaciller le pouvoir du président Abdou Diouf. Cette fois-ci c’est l’opposant Ousmane Sonko et Ndeye Khady Ndiaye qui sont condamnés à deux ans de prison ferme non pas pour « viols » et « menace de mort », mais pour « corruption de la jeunesse ».
2021
14 manifestants dont 3 mineurs avaient perdu la vie dans les manifestations populaires contre l’arrestation d’Ousmane Sonko. Les jeunes estimant que Macky Sall instrumentalise la justice afin d’écarter tous les éventuels challengers à la présidentielle 2024 sont déterminer à « mourir » pour celui qu’ils considèrent comme leur candidat. Les « régulateurs sociaux », c’est-à-dire les marabouts et des leaders de la société civile réussirent à faire plier la coalition M24 et le pouvoir de Dakar.
Sweet Beauty
Sweet Beauty est un salon de massage dont le propriétaire est Ndeye Khady Ndiaye. Adji Raby Sarr, une employée de ce salon de massage a accusé Ousmane Sonko de l’avoir violée à plusieurs reprises, entre décembre 2020 et février 2021, et de l’avoir menacée de mort en cas de dénonciation. Ousmane Sonko est député à l’époque des accusations.
Ousmane Sonko
Ousmane Sonko est un inspecteur des impôts et domaines qui a embrassé la politique. Il reconnait avoir toujours fréquenté Sweet Beauty pour ses problèmes de santé. Il souffre de problèmes lombaires. Mais il rejette les accusations d’Adji Raby Sarr contre sa personne. En 2019, lors de la formation de son nouveau gouvernement, Macky Sall se débarrasse de ses dauphins politiques (« Mimi » Touré, Makhtar Cissé et Amadou Ba) et coopte des membres de la coalition de l’opposition. Ousmane Sonko perd alors une bonne partie de ses alliés. Mais le corps judiciaire peine à trouver des arguments factuels probants pour admettre les accusations. Non seulement Ousmane Sonko nie les accusations, mais comme en 2014 il fustige le gouvernement la prédation de l’économie par les élites, la captation de l’économie sénégalaise par des capitaux étrangers, en particulier français », les collusions entre cercles du pouvoir et cercles maraboutiques.
Adji Raby Sarr
Cette jeune fille de 20 ans issue d’une classe sociale modeste porte des accusations contre le député Ousamane Sonko pour plainte pour viols et menaces de mort. Macky Sall et les siens sautent sur l’aubaine. Les différents membres de la coalition au pouvoir la soutiennent dans sa quête de justice. Ainsi, en février 2021, l’immunité parlementaire d’Ousmane Sonko est levée et plusieurs membres de son parti sont interpelés et placés en détention préventive. Curieusement, lorsque le verdict du procès est prononcée, la jeune dame regrette d’être la perdante : « C’est lui qui a gagné, j’ai perdu ».
Politisation
Alors que la quote d’Ousmane Sonko ne cesse de grimper dans les milieux de la jeunesse, des acteurs politiques au pouvoir, via les médias acquis à leur cause, l’accablent de complicité avec la rébellion du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) pour le diaboliser. Entre temps, l’on se rend compte que le rapport du gynécologue et le rapport de la police judiciaire ont été manipulé par l’ancien procureur de Dakar. Touba de Seydina Oumar Touré, l’un des deux capitaines enquêteurs s’enfuie et sera radié du corps de la gendarmerie quand bien même il retourne finalement à Dakar.
Testament
Alors que les deux parties mettent la pression sur la justice Ousmane Sonko, lors d’un grand meeting à Keur Massar en janvier 2023, annonce avoir déjà rédigé son testament et appelle à la « gatsa-gatsa », un back to sender politique. En réponse, le pouvoir de Dakar dénonce des « appels à l’insurrection et promet de « défendre la République ». Ainsi naissent des affrontements entre les partisans d’Ousmane Sonko et les forces de police. L’ouverture du procès de Sweet Beaty est annoncée. Sonko annonce qu’il se rendra à Dakar et sollicite à ses partisans réunis devant sa résidence de l’y accompagner. La distance qui sépare Ziguinchor dont il est le maire à Dakar où il va être jugé est de 500 km. Le cortège s’ébranle et des heurts se produisent dont ceux de Koungheul le 27 mai qui ont fait un mort. Ousmane Sonko est conduit chez lui à Dakar placé « résidence surveillé ».
Le verdict
Le 1er juin, lorsque le délibéré du procès tombe alors que les manifestants ont pris possession de principales rues de Dakar, Ziguinchor, Kaolack et Pout. Ils dénoncent l’iniquité d’un verdict qui risque de compromettre le « projet ». Comme conséquence de ces manifestations, l’on dénombre 15 morts tués par balles. Plusieurs bâtiments publics et biens privés avaient été détruits. Pour bon nombre de sénégalais et d’observateurs, la condamnation de Sonko est un « complot politique » destiné à l’écarter de la course à l’élection présidentielle prévue en février 2024.
Augustin Roger MOMOKANA