
À quoi pouvait servir le 20 mai dans les mémoires et les actes quotidiens des Camerounais?
Le 20 mai devrait être une opportunité pour le Cameroun d’évaluer les performances de leur pays. Malheureusement, elle est le couronnement de la vulgarité.
Chaque année, au Cameroun, le 20 mai se célèbre avec faste et solennité. Au nom de l’unité nationale. Ce triomphalisme ostentatoire n’a jamais empêché que cette unité nationale s’effrite de façon chaque jour davantage.
Conscient de ce que l’unité nationale est un chantier en continue, le 20 mai devrait être l’occasion d’examiner et d’évaluer l’effectivité de cette idéologie nationale. Ce qui, depuis la précédente édition, a donné à croire qu’il y a eu consolidation de l’unité nationale. La mal gouvernance, la corruption, le clanisme et l’injustice sociale ont-elles baissé ?
En mémoire du référendum du 20 mai 1972 qui permit que la République fédérale du Cameroun devienne République unie du Cameroun, les Camerounais célèbrent le 20 mai de chaque année la fête nationale de l’unité. Elle est le plus souvent impulsée par les plus hautes autorités du pays et est censée renforcer le lien patriotique, l’attachement à la mère patrie.
Cependant, des divisions n’ont cessé de se faire sentir d’une façon de plus en plus considérable. Outre des conflits opposant des communautés comme ceux de Sangmélima (octobre 2019, mai 2023), du Logone et Birni et de Zina (2021), de Magba (février 2023), de Bare-Bayon (avril 2023), il y a la crise de Boko Haram ainsi que le conflit qui sévit dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest depuis 2016.
Dans chacune de ces expressions de l’inimitié, les valeurs de la République sont foulées aux pieds. Des Camerounais sapent la patrie et ses idéaux. Ce qui laisse croire que le vivre ensemble harmonieux camerounais loin de se consolider, se dégrade avec le temps.
À bien observer, toutes ces crises ont leurs causes profondes dans la mal gouvernance et l’injustice sociale. Celles-ci, en plus de faire exister deux tribus notamment celle des gens qui mangent seuls ce qui appartient à tous et celle des gens qui sont privés de leurs droits fondamentaux, ont fait que des Camerounais voient leurs concitoyens avec qui ils partagent le même espace vital comme les causes des malheurs qui s’abattraient sur eux.
Cette situation ne suggère-t-elle pas une analyse profonde des germes de la constante désunification ? Mieux, ne faut-il pas trouver chaque année un moment solennel pour évaluer tout ce qui encouragerait des Camerounais à éprouver de l’antipathie envers les idéaux de la République ? Si l’on se soucie du bon vivre ensemble entre les citoyens et d’un fort attachement de ces derniers aux institutions et ceux qui les incarnent ainsi qu’aux valeurs de la République, il va s’en dire qu’il le faut.
Le 20 mai, bien qu’objet et source de polémique dès ses fonds baptismaux, peut servir de prétexte. À cet effet, durant la vingtaine des jours qui le précède, les plus hauts responsables devront faire le diagnostic des écarts de gouvernance et de justice sociale et les rectifier solennellement. Car, les discours seuls ne suffisent pas à renforcer le patriotisme ou le nationalisme. Dès lors, je pense que le 20 mai au Cameroun devrait être le point d’orgue des états généraux de l’unité nationale.
Blaise TAGNE