Une Institution budgétivore de plus.
Un grand notable (Ministre) et des serviteurs supplémentaires (Secrétaire Général, Inspecteurs Généraux, Directeurs et assimilés, et consorts) pour renforcer l’armada politico-institutionnelle destinée à s’investir çà et là pour l’éternisation à vie de l’Empereur au pouvoir. De nouveaux manœuvriers et corrupteurs électoraux pour une « victoire » d’office assurée par tous les moyens.
En gros, une illusion optique soi-disant pour traduire la volonté manifeste de la mise en œuvre effective de la décentralisation et confirmer/justifier l’option de non-négociation de la forme de l’Etat. En fait, il ne s’agit que de nouveaux symptômes de l’obsession de conservation des PLEINS POUVOIRS. (Ne jamais oublier que le débat sur « le fédéralisme ou la décentralisation? » s’identifie à un duel ayant pour enjeu capital la conservation ou non des pleins pouvoirs dont jouit actuellement le Président de la République, et qui sont la cause fondamentale de tous les abus et dégâts dont souffrent le pays et la nation).
En réalité, c’est quoi la finalité d’une vraie décentralisation, telle que nous puissions la tolérer comme palliatif, à défaut du fédéralisme sur lequel je reviendrai?
Une vraie décentralisation est censée se traduire concrètement, pratiquement et effectivement par l’autonomisation de l’administration de certains démembrements de l’Etat, en l’occurrence les Collectivités Territoriales (Régions et Communes), par le transfert des compétences et des moyens adéquats en vue de leur libre gestion par des élus (Présidents des Conseils Régionaux, Maires). Bien entendu sous un contrôle (notamment à posteriori) et qui doit essentiellement porter sur la régularité et non sur l’opportunité des actes. Entendu que cette opportunité relève de la compétence de l’organe délibérant (conseil régional ou municipal) qui déjà chez nous délibère en présence (valant caution) du représentant de la tutelle. A préciser que lesdites délibérations sont encore par la suite soumises à l’approbation préalable de la même tutelle, cette fois à un plus haut niveau.
Malheureusement, à la manière où fonctionne jusqu’à présent cette décentralisation qui est bel et bien présente au Cameroun depuis des décennies à la faveur de la loi N° 74/23 du 05 décembre 1974 (portant organisation communale …) remplacée entre-temps par celles N°s 2004/17, 2004/18 et 2004/19 du 22 juillet 2004, toutes régissant la décentralisation, c’est la tutelle (les Préfets) qui régente la vie et le fonctionnement des communes, s’illustrant par des injonctions et autres abus de toutes sortes, toutes choses pour en tirer le meilleur profit (recrutement des proches, voyages à l’étranger aux frais des municipalités, aliénations intempestives du domaine public et des réserves domaniales d’utilité publique avec la complicité des maires, réclamations incessantes d’appuis soi-disant pour « prêter main-forte » à l’autorité administrative pour le maintien de l’ordre et autres besoins, …). Sinon, blocage et asphyxie des Maires résistants ou “récalcitrants” (entendez opposants) qui n’obtempéreraient pas aux ordres du maître (Préfet). Ce schéma illustre bien ce dont présage la mise en place des régions (entendez conseils régionaux) actuellement attendues et où c’est le Gouverneur qui jouera le même jeu. Et « Bonne santé » au monopole de tous pouvoirs par l’Etat au sommet ou le régime-parti au pouvoir.
Pourtant, une réelle volonté de décentralisation, sans que cela ne procure les bienfaits du fédéralisme (séparation constitutionnelle des pouvoirs et par conséquent vraie autonomie) devrait se traduire par un transfert effectif de compétences SUBSTANTIELLES aux collectivités décentralisées avec les moyens les plus appropriés. Exemple : transfert de la gestion des services sociaux de base (établissements scolaires primaires et maternels, centres de santé, postes agricoles….) aux Communes. C’est-à-dire que la création, le recrutement et la gestion du personnel desdits services (salaires, avancements, nominations, retraite, licenciement, …) devrait relever de la compétence des Maires. Il devrait en être de même de l’enseignement secondaire qui relèverait de la compétence du Conseil Régional, les programmes d’enseignement étant bien entendu fixés par l’État, ceci pour des raisons d’uniformité et de concordance avec les standards internationaux. Dans ce cas, il ne serait plus question pour un fonctionnaire subalterne (instituteur, infirmier, …) ou cadre moyen d’abandonner le service pour aller à Yaoundé suivre son dossier d’intégration ou d’avancement, il n’y aurait plus de congestion dans les services centraux favorisant ainsi des monnayages et rackets, l’on constaterait une célérité remarquable dans le traitement des dossiers, et bien d’autres changements des plus agréables.
Dans le même ordre d’idées, et s’agissant des moyens, ceux financiers seraient directement mis à la disposition des collectivités décentralisées par voie de recouvrement direct (impôts locaux) ou par virement automatique, et non via un certain FEICOM (autre interface budgétivore et prédatrice). Il y aurait également diverses autres ressources humaines particulières et spécialisées telles que les techniciens d’hygiène, des domaines, urbanisme et cadastre…) outre le personnel administratif d’usage ; en somme tout un micro-gouvernement local (local governement ainsi que les anglophones l’appellent).
A défaut d’un tel dispositif ou de quelque chose de similaire, de quelle décentralisation parle-t-on exactement avec tant d’autorité ou d’emphase, et ce avec quels changements considérables attendus ? Et quelle est la place de la Justice et du Sénat, ainsi que leur impact (comme l’on en voit sous d’autres cieux) dans ce genre de contexte plutôt caractérisé par l’invisibilité ?
E. SONKIN/Ancien Maire