
André Blaise Essama Condamné à 6 mois d'emprisonnement ferme
André Blaise ESSAMA. Voilà un activiste et un nationaliste qui fait parler de lui au Cameroun. Son problème : décoloniser les rues et les édifices publics. Notre reporter s’est entretenu avec lui jeudi dernier, en marge de la cérémonie de passation de commandement entre les préfets entrants et sortant du Département du Wouri. Il parle de ses combats et de sa vision de l’avenir de l’Afrique.
Il se dit partout qu’ESSAMA s’est finalement rangé derrière le pouvoir !
ESSAMA est dans la lecture de la jeunesse qui se rend compte, par exemple, qu’on a à la communauté urbaine de Douala alloué une ligne budgétaire n° 209 dédiée à l’aménagement de l’esplanade devant recevoir le monument UM NYOBE à l’Avenue UM NYOBE. Et, je crois que pour un nationaliste patriote c’est l’occasion de féliciter le nouveau chef de terre et surtout de savoir quels sont les conseils qu’il peut, peut-être nous donner pour, par exemple, nous débarrasser de ces monuments de colons. Je crois qu’il est un homme de dialogue. Savez-vous qu’à chaque peuple ses héros, à chaque nation sa fierté ? Le Cameroun n’a pas à faire la fierté de la France, par exemple. Nous n’avons pas à avoir les noms des colons sur nos rues. On doit avoir les noms de nos nationalistes. Pour quoi est-ce que le Général SEMENGUE n’a pas été choisi pour avoir le Lycée au Général LECLERC ? Il est le premier Général Cameroun. Je voudrais au moins qu’on mette son nom au lieu de mettre celui de Leclerc qui était un général français qui, en plus, était un xénophobe ; il faut désormais que l’Afrique ne donne plus des honneurs à ceux qui nous mettent mal à l’aise. On voit très bien ce qui se passe du côté de la République Centrafricaine où les Centrafricains ont été divisés par l’armée française. Et je crois qu’il est encore temps pour nous de véritablement valoriser nos propres héros et martyrs. Le président de la République a sorti une loi qui est brodée derrière mon dos ; et dans cette loi qui date de 1991 le Chef de l’Etat a établi qu’il y avait lieu d’honorer nos propres héros notamment Ruben UM NYOBE, Ernest OUANDIE, Félix Roland MOUMIE. Il est impossible que le Chef de l’Etat vienne à Douala pour le faire. Il est temps pour les exécutants, notamment les préfets, les gouverneurs, les exécutifs municipaux de faire le travail que le chef de l’Etat est entrain de demander.
Votre premier forcing –le monument John NGU FONCHA- a été renversé et détruit par la police. Pour quoi n’allez-vous pas vers les autorités municipales au lieu de vous ériger en « justicier » ?
Je pense qu’il est temps pour moi de dire que le monument John NGU FONCHA, pour ceux qui pensent qu’il n’a pas de place-Il est le premier Vice-Président du Cameroun- et c’est une honte de ne pas enseigner l’histoire du Cameroun à tous ceux qui sont aux ordres. Il s’agit bien de la police, par exemple. Ce monsieur qui a détruit ce monument devait être sévèrement puni, lui qui ne connaît pas qui est John NGU FONCHA. On doit enseigner la morale, on doit enseigner le civisme et surtout l’histoire du Cameroun aux Camerounais. Raison pour laquelle un maladroit-je dois l’appeler ainsi- est venu détruire le monument de John NGU FONCHA. Bien c’est notre pays. Et on peut laver le linge sale en famille. Maintenant il faut dire que je fais jurisprudence. Le monument de Samuel ETO’O à Nkongmondo n’a pas été déposé avec l’autorité. C’est pour dire que quand on fait jurisprudence dans une ville on ne devrait pas venir le casser le monument d’une autre personne. Ça c’est du vandalisme de la police.
Si la Communauté urbaine a effectivement pris une délibération pour construire un monument UM NYOBE, cela signifie que les autorités commencent à vous écouter non ?
Aujourd’hui nous gagnons plus en respect. Les étrangers qui viendront visiter Douala-il est temps que Douala attire énormément d’investisseurs, énormément de visiteurs. Moi, je souhaite qu’à travers les monuments que nous allons poser, que Douala soit la ville la plus touristique ; et que même Kribi ne voie pas le carreau.
Vous parlez maintenant du monument UM NYOBE. Et après ?
Après celui de UM NYOBE nous avons déjà réalisé le monument de NDE TUMAZA, celui de NJOYA, celui d’Emmanuel ENDELEY. Il est questions de réaliser les monuments de toutes les personnalités qui aujourd’hui nous rappellent. Je crois que pour ce qui est d’ESSAMA, la plus belle des choses c’est de faire un aéroport, ou un établissement scolaire qui portera le nom de ce héros. Parce qu’on en a marre d’avoir des hôpitaux Laquintinie. Il faut débaptiser cet hôpital pour lui donner, par exemple, le nom Hôpital Félix Roland MOUMIE. Parce que les édifices publics rappellent aux jeunes comment ils doivent travailler pour mériter les honneurs. Pour quoi on ne peut pas donner à une université le nom Paul BIYA ? Vous croyez que moi je serai content tant que je verrai les édifices publics porter les noms des colons ?
Vous passez un message à toutes ces personnes qui vous soutiennent dans votre combat ?
Le message, je reprends encore une petite phrase : à chaque nation ses héros, à chaque peuple sa fierté. Le peuple d’Afrique doit reconquérir les honneurs qui lui ont été arrachés. Et je crois que rien ne s’obtient facilement. Pour obtenir la dignité, les peuples africains-surtout les intellectuels-doivent accepter de se sacrifier. Et lorsque je parle d’intellectuels, peut-être que c’est par abus. Ceux qui aiment la nation doivent se sacrifier. C’est pour cela que j’encourage les jeunes à ne pas avoir peur d’affronter les idées de ceux qui sont là et que j’appelle « les colons ». Parce qu’on a toujours les colons ici parmi nous. Le gouverneur, le préfet veulent me serrer la main. Il y a un monsieur zélé du protocole qui dit « Monsieur ESSAMA ! Vous n’êtes pas digne de serrer la main du préfet ». Et c’est le gouverneur qui leur intime « laisser ESSAMA venir me saluer ». Nous disons qu’il faut changer la mentalité de ceux qui pensent qu’il y a un complexe du Noir sur le Noir. Donc il faut vraiment atteindre un niveau de sensibilisation, d’affirmation du Noir, de la fierté du Noir, qui va dépasser être consommateur de ce qui vient de l’étranger. Bientôt les Chinois vont nous faire ça dur hein.
De quoi ESSAMA tire-t-il sa témérité et son audace ?
Déjà il faut lire beaucoup. Il faut lire l’histoire. Il faut aimer les textes de SANKARA. Il faut aimer aller sur internet taper www.peuplesawa.com. Il s’agit des livres qui vous rappellent les combats qu’UM NYOBE menait. Vous y trouverez les influences de la diplomatie. Il était très fort. C’est mon professeur. Je suis descendu aussi à Boumyebel où j’ai rencontré les veuves des héros nationaux UM NYOBE. Je suis allé à Bonabéri avant que Marthe OUANDIE la veuve de Ernest OUANDIE ne décède. Je suis très content de dire qu’il ne faut pas pratiquer le nationalisme de bouche. Il faut descendre sur le terrain. Il faut aller à la rencontre des veuves, causer avec elles. Demandez qu’on vous raconte l’histoire de ces hommes qui ont fait l’histoire. C’est important pour les jeunes générations. Il y a encore des survivants des ceux-là qui ont fait l’histoire du Cameroun. Je peux vous dire que j’ai partagé un cadeau avec la veuve de UM NYOBE. Il a parlé de UM NYOBE. Il a parlé de MOUMIE.
Le fait aussi d’avoir été régulièrement derrière les barreaux et dans les geôles a contribué à votre forte personnalité ?
Au contraire. Je crois que le fait d’être incompris – ESSAMA a été toujours incompris ; même lorsque je faisais mes secondaires au lycée technique et plus tard lorsque je faisais mes études supérieures. Vous pouvez aller demander à mes amis. C’est quelque chose que j’ai toujours su surpasser. Je me suis toujours mis au-dessus de la mêlé.
Qui est ESSAMA ?
ESSAMA est un enfant du Cameroun qui aime bien son pays. On le retrouve sur google, en tapant Essama André Blaise. Il apportera certainement de bonnes choses, si Dieu lui donne l’occasion de vivre encore longtemps.
Propos recueillis par Augustin Roger MOMOKANA