Par Augustin Roger MOMOKANA
Le 3e comité de pilotage (COPIL 3) de la 2e phase du projet d’insertion des personnes déplacées internes dans le département de la Menoua suite à la crise sécuritaire dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest s’est tenu le 19 mars 2024 au siège de TOCKEM à Bafou, dans l’arrondissement de Nkong-Ni, département de la Menoua.
Les rapports des différents responsables : la coordonnatrice du projet, les chefs des sites (Fongo-Tongo et Santchou), les responsables des associations partenaires de l’exécution du projet, suivis les débats, rapportent que rendu à 3 mois de sa fin, cette 2e phase du projet dont les bons points et les difficultés ont été passé au peigne fin et des recommandations faites, est réalisé à un taux de 85%. Le projet porte sur trois volets : le volet éducation : réinscription et cours de soutien scolaires aux enfants déplacées internes et les enfants des populations hôtes ; le volet santé : consultation générale, pris en charge des patients, le transfèrement des cas compliqués vers des hôpitaux adaptés (Centre Médical d’Arrondissement de Fongo-Tongo, Hôpital Saint Vincent de Dschang, Hôpital de District de Santchou, Hôpital régional Annexe de Dschang, règlement des frais de transfèrement, de soins, d’alimentation du malade et du garde malade); le volet formation : formation en couture et coiffure hommes et femmes. 80 bénéficiaires qui ont reçu des kits composé de machine à coudre, mètre, ciseaux, etc. et de tondeuse, casques pour les coiffeurs. Formation en agriculture et élevage. Avec mise à disposition des parcelles de terre.
Saisissant la parole en sa qualité de président de TOCKEM, Dr Pierre Marie METANGMO a plutôt dressé un plaidoyer qui interpelle les administrations, les collectivités territoriales décentralisées, les élites et les chefs de village, afin que le projet soit une opportunité pour lever les financements locaux au lieu de toujours tout attendre des bailleurs de fonds.
« Nous regardons ce projet, il est beau. Mais en réalité l’objectif n’était pas de vous faire venir pour regarder un projet qui est beau. Nous sommes entrain de regarder un modèle pour se poser la question : pourquoi le projet a-t-il été fait ? Si aujourd’hui nous sommes entrain de regarder un modèle, la question c’est qu’est-ce qu’il nous faut pour pouvoir répliquer ce modèle ? Le plus important pour moi c’est de se demander : ‘’Et si ceci était une semence ? ‘’ ‘’Est-ce qu’elle est plantée dans un terrain fertile ?‘’ ‘’Est-ce que les fondations sont suffisamment solides pour que les personnes qui participent à cet atelier puissent porter l’exemple ailleurs ?’’ »
«En réalité ce que je voulais faire, c’était comme on amorce une pompe, comme on plante une graine, de dire que tous ces projets que j’ai initiés que maintenant le moteur peut tourner par soi-même. Le moteur tournera par soi-même au moment où je verrai que l’administration se tournant vers les organisations de la société civile comme les nôtres disent : ‘’Ah ! Ça c’est des partenaires sérieux, nous allons commencer à les financer, à les soutenir et à les encadrer ‘’. Quand les municipalités ici représentées commenceront à dire : ‘’Mais ça c’est un chemin à suivre. Nous avons déjà le modèle. Nous savons que ça peut marcher. Nous savons que la technicité y est. Nous savons que le professionnalisme y est. Nous savons que les bénéficiaires sont vraiment impactés par un tel projet. Il va donc nous falloir un peu mettre de notre investissement.‘’ Quand ces structures administratives ou électives vont commencer à y mettre la main, quand nos élites au lieu de simplement venir faire la fête, les funérailles, les festivals, etc. diront : ‘’enfin il y a quelque chose d’important ici où nous pouvons mettre de l’argent, où une partie de l’argent collecté que ce soit pour le Lemoû, pour le Leghouo-lah, pour le Ndwet Tooh…’’
La culture c’est très important. Il faut qu’on montre notre culture. Mais la culture qui s’arrête à la culture et qui ne permet pas aux gens d’être un peu plus éduqués, qui ne permet pas aux gens d’avoir une meilleure santé, qui ne permet pas aux gens de pouvoir s’épanouir et , qui ne permet pas à chacun là où il est de pouvoir réaliser son potentiel c’est du folklore. Nous ne sommes pas là pour du folklore. Nous ne sommes pas là pour nous éterniser sur des choses qui se répètent et se répètent, mais où la pompe ne s’amorce pas.
Le développement arrivera quand ensemble nous dirons : ‘’si ceci est un modèle, comment nous le finançons ? Comment nous le portons ?‘’ Quand vous dites que les bailleurs de fonds sont venus, ont vu, étaient très satisfaits et on est content… Mais non ! J’aurais tellement aimé entendre que les maires, l’administration, les sous-préfets, que les élites sont venus, ont visité et on dit : ‘’Ça c’est ce que nous attendions. Ça c’est ce qu’il faut porter ! Ça c’est ce qu’il faut faire.’’ Ce moment-là pour y arriver nous tous nous devenons des ambassadeurs. Nous tous devenons des porteurs de cette bonne nouvelle. Je voudrais que chacun de nous en sortant d’ici se dise : ‘’J’ai une mission à annoncer. J’ai une mission de dire que les choses sont possibles, c’est déjà prouvé. J’ai une mission de dire puisque c’est déjà prouvé, et comme on dit chez nous, petit à petit l’oiseau fait son nid, c’est chacune des gouttes d’eau qui fera que le grand vase soit plein.’’ J’ai envie de dire à chacun d’entre vous, vous les participants, nous l’administration et les élus, que l’on reparte en s’engageant à parler autour de nous, à faire le plaidoyer pour que l’administration prête une oreille plus attentive aux organisations de la société civile.
En France, aux Etats-Unis, quand les mairies organisent des festivals, les mairies paient cher pour les artistes qui viennent prester gratuitement. Donc la gratuité est payée par quelqu’un qui trouve que cette chose est importante. En fait, ce projet nous y sommes pratiquement dans une gratuité aussi. Parce qu’il a fallu que quelqu’un paie. Et celui qui trouve que c’est important doit pouvoir payer.
Que nous repartons d’ici étant prêts à dire à nos élites, étant prêts à dire à nos chefs de village, étant prêts à dire à nos amis que si nous pensons que ce genre d’approche que TOCKEM a de retrouver les démunis, de travailler avec eux… nous voulons que ces handicapés, nous voulons que ces déplacés internes puissent se lever et marcher. On leur donne un apprentissage et des outils pour qu’ils ou elles deviennent autonomes et s’épanouissent parce que leur développement fait le développement de leurs familles, fait le développement de leurs communautés ».
Il est important de souligner que le projet d’insertion des personnes déplacées internes dans la Menoua est porté et coordonné par l’association TOCKEM avec le concours technique de trois partenaires : Cameroon Debate Association (CDA), Alima Demtou, et le CFPEEM de Mbouda. Les partenaires financiers sont l’ambassade de France au Cameroun et la cellule de crise du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères.