
Ancien Conseiller et trésorier au Conseil de l’Ordre des Avocats, Maître Penka Michel est un avocat au Barreau du Cameroun ; un Barreau actuellement en proie à une crise sans pareille après les échauffourées entre avocats et forces de maintien de l’ordre au Palais de justice de Bonanjo. La réunion du Conseil de l’Ordre à l’issue duquel une décision du Barreau sera prise est imminente.
« J’ai lu avec intérêt les échanges relatifs à l’affaire de nos confrères mis sous mandat de dépôt. J’ai aussi lu l’interpellation faite aux aînés. Il s’avère (sauf avis contraire) que je suis un des aînés actuels au Barreau. Sous réserve des tenants et aboutissants qui m’échappent, mais juste sur la base de mes lectures et des images dans les réseaux sociaux et dans la presse, voici ma modeste contribution au débat. »
1/ LES AVOCATS SONT DES JUSTICIABLES À PART.
Les Avocats sont certes des justiciables, mais ce sont des justiciables à part. La loi (pénale) les sanctionne de circonstances d’aggravation. À contrario, la même loi devrait leur être appliquée avec toutes les pondérations procédurales dont jouissent les autres citoyens. Les Avocats sont membres de la famille judiciaire ; celle appelée à aider à l’équilibre et à la justice sociale au travers de la recherche et de la manifestation de la vérité.
Les Avocats par la toge qu’ils portent, devraient être RESPECTÉS afin de jouir de la crédibilité sociale nécessaire auprès des citoyens. Sinon comment pourront-ils défendre les droits et libertés des citoyens si aux yeux de ces derniers, ils ne peuvent même pas défendre les leurs? En conséquence, s’empresser de les mettre sous mandat de dépôt alors même qu’ils présentent toutes les garanties de représentation, c’est agir avec un empressement puéril et une légèreté blâmable de nature à avoir un relent provocateur vis-à-vis d’un corps de métier.
Il est donc tout à fait normal qu’il y ait une réaction d’ensemble en vertu de la règle de SOLIDARITÉ du corps. Ce ne sont pas les forces de l’ordre qui savent si bien appliquer cette règle qui doivent en faire le reproche aux Avocats. Je vous invite donc à beaucoup d’humilité et de respect mutuel dans les débats. Les aînés se gardent parfois de réagir parce que la contradiction manque souvent des égards. Et de peur d’avoir l’air de perdre leur temps (de plus en plus réduit d’ailleurs), de peur de paraître arrogants ou donneurs de leçons (ce qui n’est pas toujours leurs prétentions), alors ils se taisent.
En somme, ceux qui ont pris la rapide décision de mettre des Avocats sous mandat de dépôt, alors même que leur représentation en justice est certaine, auraient pu anticiper sur cette réaction de solidarité confraternelle. Or la rapidité mieux l’empressement de priver de liberté ceux même qui ont vocation à la défendre a pu paraître comme une provocation justifiant la réaction spontanée des Avocats.
2/ LES AVOCATS NE SONT PAS AU-DESSUS DE LA LOI.
D’aucuns pourraient nous reprocher cela et arguer que nous ne sommes pas au-dessus de la loi. Mais les Avocats ont-ils dit le contraire? Nombre de nos confrères ont été jugés et condamnés devant nos juridictions, sans un soulèvement populaire ni un zeste de solidarité confraternel. Justement parce que les procédures ont été respectées, la vérité a eu le temps de se manifester et la toge s’est pliée face à la VÉRITÉ
4/ L’AVOCAT EST UN MAÎTRE.
L’adversité est le quotidien de l’Avocat. Il doit garder à l’esprit le but final de sa défense et ne doit céder ni aux émotions, ni aux agressions de toutes sortes, ni aux provocations. L’Avocat ne doit pas céder à la démagogie de ceux qui, pour des raisons inavouées, veulent absolument le voir dans la rue. L’Avocat ne doit pas non plus rester impassible devant la violation des droits et des libertés. Il doit toujours UTILISER LA LOI POUR COMBATTRE LA LOI, LA JUSTICE POUR DEMANDER JUSTICE. Faire le contraire c’est prêter le flanc et donner des prétextes à ceux qui n’attendent que l’occasion pour le mater.
5 / FORCE DEMEURE À LA LOI
LA LOI EST DURE MAIS C’EST LA LOI. Les Avocats le savent encore mieux que quiconque. Le seul endroit pour réparer les fautes ou les erreurs de la Justice, c’est encore devant la Justice. Dès lors que la demande de mise en liberté provisoire a été plaidée et mise en délibéré, les Avocats devraient s’y soumettre. UN POINT C’EST TOUT. Nous sommes des procéduriers, nous savons pouvoir demander des rabattements ; sinon, dites-moi quelle était la finalité de la réaction de nos confrères à la barre?
6/ LA SOLIDARITÉ CONFRATERNELLE reste notre dernier rempart contre toute forme d’injustice. Là ou il y a injustice restons soudés et solidaires, dans l’intérêt même de la JUSTICE.