Boniface Romain Anangue (Chef Bafou) à Sinotables.com : « Enlevez aux jeux universitaires les fans clubs et ils se seront plus qu’une coquille vide. »
Il est le précurseur et l’inspirateur du fan club qui, au fil des ans, est devenu une des articulations phares des Jeux Universitaires du Cameroun. Depuis 1998, il a été de toutes les éditions. D’abord en tant qu’animateur, et aujourd’hui en tant qu’encadreur.
Notre reporter s’est entretenu avec lui. Il nous parle de la genèse du fan club, du porc comme mascotte de l’Université de Dschang, de la rencontre avec le Ministre Jean Marie Atangana Mebara, de son recrutement à l’université de Dschang, et de bien d’autres sujets.
Présentez-vous à nos lecteurs.
Je m’appelle Anangue Boniface Romain. On me connaît beaucoup plus sous le sobriquet Chef Bafou. Je suis en service au Centre multimédia de l’Université de Dschang.
D’où vous est venue l’idée du fan club ?
En 1998 je crée le fan club. Comment ? Tout part de mon amour avec DUC, l’équipe mythique de handball de l’Université de Dschang. Elle ne bougeait jamais sans moi. Et comme la majorité des filles étaient étudiantes elles devraient être impliquées dans les jeux universitaires qui se tenaient pour la toute première fois, et à Dschang. Tout en suivant mes filles je n’ai pas lésé les autres sportifs. J’avais des couvercles de marmites pour faire le maximum de bruits possible. Je passais partout, je tapais les couvercles, sans savoir en fait qui jouaient. La seule équipe que je maitrisais c’était mes filles de DUC. Pourtant je supportais tout le monde. Je pense qu’il y avait six universités seulement.
L’année qui suivait les jeux ont été accueillis par Yaoundé 1. Les filles ont décidé de ne pas partir sans moi. Elles avaient pris l’engagement de me loger. Je me retrouve donc avec elles à Yaoundé. Je me faisais difficilement saluer. Parce que je portais un arbre de paix haut de quatre mètres. Les gens ont pris ça pour je ne sais pas quoi. Mais j’ai animé dans tous les ateliers.
L’année d’après, à Buea, en amenant Eriko Ekouma que j’avais jugé très vaillant à l’université, malgré son handicap, Thalès qu’on appelle aujourd’hui expert en Fans Club nous a rejoints. Le ministre de l’enseignement supérieur, le professeur Jean Marie Atangana Mebara nous a invités à son hôtel. Nous y sommes allés et il nous a exprimés toute sa satisfaction de ce que nous faisons pour animer les jeux universitaires. Comment faire pour viabiliser cette initiative. C’était la question posée. Mais à la fin il nous a dit : « En tout cas je vais y réfléchir ».
Immédiatement après, une décision a été pris instituant le fan club. Il s’agit en fait pour chaque université de faire accompagner ses athlètes par une équipe de 50 supporters réunis au sein du fan club. Mais malgré la décision du ministre, les fans clubs ne jouissaient d’aucun respect. C’était le bénévolat. Contrairement à aujourd’hui où ils bénéficient du même traitement que les athlètes.
Quel était votre sentiment au sortir de la séance de travail avec Monsieur le Ministre Atangana Mebara ?
Puisqu’il a dit qu’on doit voir… on s’est dit que c’est la ministre qui a parlé. Le fait de nous avoir déjà invités signifiait quelque chose dont nous ne pouvions pas imaginer la portée. J’ai compris qu’il a été touché par nous. Puis il a dit « en tout cas je vais y réfléchir. On reste en contact. On verra ce qu’il y a lieu de faire ». Je me suis dit que le ministre est un homme de parole, et pour cela nous devions tout simplement attendre pour voir ce qui va suivre.
Quel regard portez-vous sur la compétition des fans clubs telle qu’elle est partie depuis le 4 mai ?
La première chose que je dois dire c’est que plus le temps passe plus elle subit des modifications dans le sens de l’améliorer. C’est devenu un festival des fans clubs. Ce n’était pas mon objectif à sa création. Disons que plus le temps, les choses deviennent plus denses et plus compliquées. Je suis content de toutes ces innovations qui font la beauté de ce festival.
Pourquoi supportiez-vous inconditionnellement DUC Handball ?
Ma décision de supporter DUC Handball était en quelque sorte une façon de rendre à l’université ce qu’elle m’avait donné. Mon père a travaillé à l’ITA [Institut des Techniques Agricoles, ndlr] puis à l’Université de Dschang. Après son décès, ma mère a pris la relève. Vous comprenez qu’en supportant DUC Handball je rends, à ma manière, ce que je dois à l’université de Dschang. Mais y avait aussi qu’en tant que natif de Dschang, c’était pour moi l’expression du patriotisme. Voilà les raisons pour lesquelles je me jette dans cette aventure. Je ne sais pas s’il s’agit d’un défaut ou d’une qualité honorable lorsque je m’engage, je vais jusqu’au bout. Je n’aime pas déposer. Et je suis par nature optimiste.
Votre père et votre mère ont travaillé à l’Université de Dschang. Vous-même y êtes. Comment justifiez-vous votre recrutement ?
Je me dis que même si j’ai écris une demande d’emploi, j’ai quand même eu cette chance d’avoir autour de moi des gens qui pensaient à mon devenir. Avant que le professeur Fomethe Anaclet ne me recrute à l’Université j’avais déjà refusé trois recrutements proposés par ses trois prédécesseurs. C’est quand il me dit « j’ai vu ta demande d’emploi. Mon fils il faut comprendre que tu prends de l’âge » que je mesure l’enjeu. Ce propos m’a touché et m’a fait beaucoup réfléchir. Je salue donc ces recteurs qui se sont préoccupés de mon avenir.
Quelle en est la grande innovation que vous auriez observée à ce jour ?
Nous faisions beaucoup plus dans l’animation générale. Mais aujourd’hui il y a tellement d’innovations que je ne puis vous les énumérer sans mon bord. Mais on a ce carnaval qui est tout à fait spécial. Vous savez, la chose la plus mauvaise c’est de voir la réalisation que tu as faite mourir pendant que tu es encore là. Je constate que le fan club parti d’une seule personne et devenu une compétition qui réunie le plus de personnes qu’aucune discipline sportive.
Quelle est la spécificité des fans clubs par rapport aux athlètes ?
Les fans clubs sont devenus la plaque tournante des jeux. Ils abattent le gros du travail. Ils n’ont pas de repos. On doit danser de 7heures à 18heures. On leur a demandé de ne plus danser dans la nuit. Contrairement aux athlètes, ils doivent être présents pendant toute la compétition, parcourir les sites des compétitions pour animer. Ils doivent être présents. Le fan club ne connait pas ce qu’on appelle quartier libre, comme c’est le cas pour les athlètes. C’est pour cela qu’un vrai membre de fan club ne voyage pas avec des tenues de ville. Il aura quelle occasion pour les porter ? Vous ne pouvez pas établir une quelconque comparaison entre les fans clubs et une compétition sportive quelle qu’elle soit. Enlevez aux jeux universitaires les fans clubs et ils se seront plus qu’une coquille vide, sans fards.
Et quand cela a été réglementé, vous avez poursuivi votre activité ou vous avez arrêté ?
Pendant les trois ou quatre années qui suivirent, le contrôle n’était pas aussi rigoureux qu’il l’est aujourd’hui. On ne vous demandait pas votre badge, vos reçus de paiements des droits universitaires, etc. Voilà pour quoi j’étais toujours aligné et je dansais dans le fan club de l’Université de Dschang. Mais lorsque c’est devenu stricte, je me suis replié en encadreur.
22 ans après, vous demeurez présent aux Jeux Universitaires.
Les Jeux Universitaires ont 22 ans d’âge et me voici à la 22e édition. Je peux dire que j’ai 22 ans et quelques mois, ces quelques mois étant ceux d’entrainement avec les filles. Mais aujourd’hui il s’agit d’une révolution, d’une véritable carte magique. Et ce n’est pas parce que ça se passe chez moi. Le professeur Tsafack Nanfosso porte cela. Quand il projette tu te dis qu’il rêve. Mais j’ai constaté d’une, deux et trois choses qu’il a essayées d’esquisser sur papier qu’il réalise au moins à 80 pour cent.
Vous dites que le professeur Tsafack Nanfosso a révolutionné les Jeux Universitaires ? Parlons-en !
L’éclatement des jeux, le fait que les jeux se déroulement à Dschang, Foumban et Bandjoun est une chose. Le marathon de la dynamique collective en est une autre. Et vous allez peut-être constater que nous avons mis en place un système de sécurité extraordinaire. Tout est tracé. Tu ne perds pas du temps pour retrouver un atelier. C’est une force de l’organisation. Nous l’avons suivi dans ce qu’il appelle Dynamique Collective. Cette expression a sa place dans notre université. Je la respecte.
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Vous devez avoir glané de nombreuses médailles, Chef Bafou ?
J’en ai. A l’époque on ne remettait pas les médailles, mais le fait de te dire que tu es premier ou le vainqueur de la compétition valait une médaille d’or. Si on les remettait, où pensez-vous que je devais aller trouver de la place pour les classer.
Et pourquoi avez-vous choisi le porc comme mascotte de l’université de Dschang ?
La particularité que Dschang c’est son petit nom : « Dschang Kouna », c’est-à-dire « Dschang le porc ». Quand je devais aller aux jeux à Buea, j’ai décidé d’aller voir le recteur Beban Chumbow Sammy. Il est aujourd’hui le PCA de l’Université de Dschang. Professeur permettez-vous que je prenne la place dans la car ? Il m’a répondu : « Chef Bafou tu voyages avec tes filles » Il était le président d’honneur de DUC handball. Sous lui DUC a été africain à deux reprises. J’ai poursuivi que j’ai besoin de 30 000 francs. Les 30 000 francs en question c’était pour vacciner mon porc. Le porc que j’ai emmené à Buea était vacciné et j’avais son carnet médical dans la poche. En bon père il m’a remis 30 000 francs sans se préoccuper de ce que j’allais en faire. J’ai fait voyager le porc un jour avant. Etant donné que j’avais une famille d’accueil à Buea.
Lors de la cérémonie d’ouverture, toutes les autorités et les invités de marque étaient en place, et pendant qu’on alignait les délégations pour le défilé, j’ai mis le porc devant. Je lui avais confectionné une tenue avec le logo de l’université. Voilà comment le porc devient la mascotte de l’Université de Dschang. L’année qui suivait N’gaoundéré est venue avec un mouton. L’année d’après Douala a fabriqué une pirogue, Buea a symbolisé le Mont Cameroun, Yaoundé I a eu sa mascotte. La mascotte est aujourd’hui obligatoire, car elle est notée.
Qu’est-ce que le porc représente pour toi, comme il devrait l’être pour moi ?
Le porc est un animal fétiche que nous aimons bien et qui symbolise le succès, le rayonnement pour de nombreuses familles de notre département. Si déjà on nous appelle « Dschang Kouna » et que nous acceptons de faire avec, cela veut tout dire. Puisque je suis un bon Dschang, je suis un fervent partisan de la kounatitude qui fait son chemin.
Sortons par un regard général sur les fans clubs.
Le fan club de Dschang, qui a été le fan club mère pendant un temps… quand tu accouches un enfant tout ton souhait c’est de le voir grandir. Cela pour dire que tous ceux qui ont mis sur pied leur fan club après celui de Dschang, après celui de Yaoundé I, après celui de Douala-on ne connaissait que les trois- ont mis les bouchées doubles pour atteindre et peut-être dépasser le niveau. Bamenda nous a damé le pion devant Soa, devant Yaoundé I, devant Douala. Et nous le voyons, Maroua monte en puisse. Les grandes écoles ne sont pas reste. Vous avez l’ENSTP qui fait fort. C’est une compétition en fait. Tout ce que je peux dire aux fans où je suis le précurseur, c’est quand on dit jeux universitaires, il s’agit véritablement d’un jeu, des loisirs. Tu pars gagnant, même si au finish tu n’accroches aucune médaille. Je pars jouer. Jouer c’est s’amuser. Un joueur peut couler les larmes par émotion, mais on ne doit pas gagner à tous les prix. 22 ans de jeux universitaires je taquine, je blague, mais si quelqu’un vous dit qu’il a déjà giflé Bafou par rapport à un malentendu lié à un score…Non.
Propos recueillis par Augustin Roger MOMOKANA