Quand il a démissionné du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) dont il était le coordonnateur départemental de la Menoua, Christian FOUELEFACK s’est abstenu de toute déclaration. Du coup, des supputations lui ont collé des confidences et des critiques. Près de deux ans après, il revient sur la scène politique nationale avec un nouveau parti politique : le Parti du Triangle National. Quel génie ! Le Cameroun est encore appelé triangle national. Christian FOUELEFACK veut-il se poser en grand rassembleur des idéologies éparses ? Sinotables dévoile l’intention cet enseignant d’histoire à l’Université de Dschang.
Qui est Christian FOUELEFACK ?
Christian FOUELEFACK est maitre de conférences au département d’Histoire à l’Université de Dschang. Il est spécialiste de l’histoire économique et à, à ce titre, produit des ouvrages sur des grands pionniers de l’économie au Cameroun. Au plan politique, l’ancien du lycée général Leclerc est un foudre de guerre. Un irréductible lorsqu’il s’agit de réaffirmer ses convictions. L’on se souvient des insomnies qu’il a causées au RDPC dans la commune de Dschang dans la perspective des élections municipales et législatives de février 2020. Il voulait la mairie ! Malheureusement pour lui, Maurice KAMTO, le président national du MRC dont il est le départemental, a décidé que son parti n’irait pas aux élections. Une décision vécue de l’intérieur comme un sabotage de la hiérarchie, peut-être un deal avec le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) au pouvoir.
« Ceux qui me connaissent savent que je suis resté le même. Je suis cohérent. On m’a prêté beaucoup d’idées au moment où je quittais mon ancien part. Il fallait quitter et partir n’est pas toujours facile. Mais j’ai toujours pensé qu’il fallait partir pour pouvoir construire quelque chose de plus fort. »
C’est quoi le Parti du Triangle National (PTN) ?
Le fondateur du Parti du Triangle National est formel : le PTN a pour ambition d’avoir une envergure nationale. Le fait que les responsables soient installés pour ce qui est du président national dans la ville de Dschang, du vice-président dans la ville de Douala, du secrétaire général dans la ville de Yaoundé, du trésorier dans la ville de Bafoussam, cela pose les jalons pour nous permettre de nous étendre davantage. Son activité quotidienne consiste à implanter le parti à une échelle nationale. Le PTN a été déclaré le 13 août 2021. L’autorisation d’exister légalement nous a été délivrée le 9 novembre 2023 par le ministre de l’administration territoriale.
La reconfiguration de la scène politique camerounaise est en marche. Après la génération de Fru Ndi, Adamou Ndam Njoya, Dicka Akwa et puis Frédéric Kodock qui ont fait leurs preuves dans la décennie 90, la scène politique connait une impasse. « Ceux qui sont encore là n’ont plus rien à prouver. Ce sont Paul Biya, Issa Tchiroma, Bello Bouba sont des gens d’un certain âge qui n’ont plus rien à prouver. Pour cela nous parlons de la reconfiguration de la scène politique. Il s’agit des jeunes qui ne vont pas sortir des terres comme des champignons, mais des jeunes qu’on a vus se déployer depuis un bon bout de temps, des jeunes qui ont été cohérents sur le long terme et à qui on devrait donner une chance de démontrer de quoi ils sont capables. »
Christian FOUELEFACK appartient à cette génération de jeunes qui veulent tenter leur chance. Ils sont conscients que la jeunesse camerounaise a besoin de nouveaux leaders, ceux-là qui connaissent bien leurs problèmes pour être tous les jours à leur côté. « Il y a un combat générationnel que nous voulons mener à travers notre engagement politique. »
Ces vieillards que la nouvelle génération veut envoyer en retraite ont pourtant de bras suffisamment longs pour retourner ces rivaux à leur charge à travers des pactes d’alliances souterraines. Christian FOUELEFACK prend le peuple camerounais à témoin : « on dit qu’il y a plus de 300 partis politiques. N’importe quel parti peut nous tendre la main. Nous ne voulons pas faire une fixation. L’objectif c’est de travailler de sorte que nous soyons justement de bons partenaires à qui des partis politiques qui ont une véritable ambition pour le Cameroun aient envie de tendre la main. Nous travaillons et nous sommes en contact avec un certain nombre de partis politiques avec qui nous échangeons parce qu’il y a des échéances locales qui ne nécessitent pas que les partis se mettent ensemble, mais il y a l’échéance présidentielle qui nécessite que les forces soient mises ensembles pour pouvoir atteindre le plus grand objectif. »
Quelle est l’idéologie politique du PTN ?
Nous centrons notre activité sur l’éducation des masses. Il s’agit d’une activité qui impose une certaine proximité. Nous avons commencé par des personnes bien ciblées, des têtes qui sont bien connues. Ceux qui ont fait leurs preuves sur le champ politique, d’autres pas encore mais qui ont une notoriété connue ou un dynamisme manifeste. Et dès janvier nous allons engager des meetings.
Le PTN a baptisé son idéologie le « triangulisme ». le triangulisme parce que le Parti du Triangle National est inspiré de la carte du Cameroun. Le triangulisme est une idéologie portée par la philosophie du fondateur du parti. Cette philosophie est le libéralisme national. Il s’agit d’un parti qui veut se concentrer sur le Cameroun qui connait de nombreux problèmes. « Le Cameroun a tellement de problème qu’il faut penser à nous concentrer sur le Cameroun. » Le PTN s’inscrit comme un parti pour la reconstruction nationale, un parti pour le renouveau du Cameroun. « Dans le triangulisme, nous nous disons que c’est focaliser sur le Cameroun pour travailler sur les camerounais eux-mêmes. Pour apprendre un certain nombre de choses au Camerounais, il faut travailler sur le Camerounais pour qu’il cesse d’être un frein à son propre développement. »
Pourquoi avoir établi le siège du PTN à Dschang ?
Le principe est de démystifier l’idée selon laquelle la capitale politique ou la capitale économique ont le monopole des lieux où on doit concentrer les sièges des partis politiques. « Nous avons la faiblesse au niveau du PTN qu’on peut penser le développement du Cameroun à partir d’autres villes et cela sans complexe. La ville de Dschang a une grande particularité, celle d’avoir connue trois « colonisations » : le protectorat allemand, le mandat et la tutelle franco-britannique. Dschang a une charge historique suffisamment importante. Ce n’est qu’à Dschang qu’on a connu par le passé un ministre résidant. Dschang est la première ville où l’UPC a tenu son premier en 1950. Dschang est une ville universitaire qui n’est pas un chef-lieu de région. C’est lieu à partir duquel nous voulons poser des actes qui vont s’étendre sur le territoire national. Nous voulons partir de Dschang pour servir d’exemple de ce que nous voulons faire sur l’ensemble du triangle national.»
Christian FOUELEFACK nous donne rendez-vous en 2025. Il s’agit d’une année charnière pour le Cameroun, à cause de la tenue des élections municipales et législatives. « Nous aurons l’occasion en 2025 de voir de quoi est capable le PTN dans quelques villes du Cameroun. » Mais le PTN a peu de chance de présenter un candidat à l’élection présidentielle. La loi est fermée à ce niveau. La piste est ouverte à toutes les formations politiques légalisées. Ce qui n’est pas le cas pour l’élection présidentielle où seuls les partis ayant des élus au parlement et des sièges dans les conseils municipaux sont qualifiés. La petite ouverture que la loi accorde n’est pas envisageable pour le PTN, compte tenu des mentalités : « il est très difficile d’imaginer un acteur de l’opposition récolter 300 signatures des conseillers municipaux et chefs traditionnels. Pour cela, les partis politiques qui n’ont pas d’élus considèrent que présenter de candidat est infaisable. » Cette clause est discriminatoire car elle élimine toute personnes qui peut s’être préparée, à titre individuel ou dans le cadre d’un parti politique de l’opposition, pour briguer le suffrage des électeurs dans le cadre d’une élection présidentielle.
Le PTN, un parti politique de trop ?
Christian FOUELEFACK ne focalise pas son attention sur le nombre de partis politiques légalisés. Chacun sait ce qu’il veut et doit se donner les moyens pour y arriver. C’est le fondement même de la démocratie qui est un régime fondé sur les libertés. « Chaque Camerounais est libre d’adhérer à une chapelle politique ou d’en créer. » Au PTN, l’on s’en fou de la démarche du MINAT qui a agi comme s’il s’agissait d’un concours où les résultats sont proclamés de manière solennelle. La décision est l’élément essentiel qui permet au parti politique de se déployer. « 40 partis politiques oui ! Mais est-ce que tous ces partis politiques sont actifs sur le terrain? » Ainsi, le nombre ne constitue pas un problème, il n’effraie pas les dirigeants du PTN qui sont convaincus que l’enjeu repose sur le dynamisme des leaders politiques à proposer quelque chose de concret et d’innovant au peuple camerounais. «Le peuple camerounais va être obligé de juger au cas par cas et de sanctionner à travers les échéances qui arrivent. La vie et l’ensemble des activités d’un parti politique sont rythmées par les échéances électorales. Que ce soit 2025 ou l’après 2025, nous travaillons dans ce sens. Ce sont les élus qui permettent d’implémenter véritablement l’idéologie ou la philosophie que le parti vend.»
Croisons les doigts et attendons de voir le Parti du Triangle National en 2025. Son président l’a dit, il s’agit d’une année charnière pour ce jeune parti qui met dans son agenda le combat générationnel, dans la cadre de la reconfiguration de la carte politique nationale. Les jeunes n’ont-ils pas assez vu les vieux ? N’ont-ils pas suffisamment aidé les vieux à jouer le jeu ? Aujourd’hui il est question qu’ils poussent ces vieux encombrants à la retraite, afin de prendre les affaires du pays en main. Ce ne sera pas un voyage à Rome car ces vieux ont de la résistance.
Augustin Roger MOMOKANA