La Chambre des Comptes de la Cour Suprême a effectué un audit du Fonds spécial de Solidarité Nationale pour la lutte contre le Coronavirus et ses répercussions économiques et sociales. Le rapport publié en février dernier révèle de manquements graves : refus d’engager la dotation spéciale pour les uns et absence de rapport financier et comptable pour ceux qui se déploient.
De ce rapport de 119 pages, il ressort une « absence de transparence » et une « faible redevabilité » des gestionnaires du Fonds spécial de solidarité nationale. Ainsi plusieurs départements ministériels sont dénoncés.
Parmi les départements ministériels épinglés figure le ministère de l’agriculture et du développement rural (MINADER). Il a affecté partie de son enveloppe de 3,239 milliards FCFA pour la réduction de la dépendance alimentaire à « 64 particuliers dont l’éligibilité est sujette à caution, s’agissant en particulier d’un Ministre, de deux députés, d’un colonel et d’un contrôleur financier », soit une valeur totale de 424 499 579 FCFA.
Autre curiosité de ce rapport c’est que 20 départements ministériels n’ont pas dépensé de l’argent reçu à titre du compte d’affectation spéciale. De sorte que sur une enveloppe globale de 76 870 000 000 FCFA, seul 8 512 126 000 FCFA (soit 11% de l’enveloppe) a été dépensée.
Sur ce plan, les MINDDEVEL, le MINESEC, le MINADER et le MINJEC sortent du lot pouvoir avoir dépensé les 8 512 126 000 FCFA susmentionnés. Les 16 autres ministères sont restés les bras croisés en dépit de la situation d’urgence et des directives prescrites par le Premier ministre, Chef du gouvernement.
Par ailleurs et dans la même période trois départements ministériels en première ligne de la lutte contre la pandémie: le MINSANTE, le MINFI et le MINRESI ont engagé 132,9 milliards FCFA.
Ainsi le total des dépenses s’élève à 141,395 milliards FCFA. Toutefois le constat qui se dégage est que « la notion d’urgence ne s’est donc pas traduite de la même manière pour toutes les administrations, » comme le souligne le rapport.
A l’Université de Dschang, l’enveloppe destinée à la lutte contre le Covid-19 a été fixée à 151 888 938 FCFA. Pourtant c’est 91 043 534 FCFA qui ont été « effectivement utilisés ». Qu’en est-il du reste ? Des responsables ont été auditionnés par l’équipe d’enquête.
Pour sa part, le MINJEC qui avait recruté des volontaires pour la campagne de sensibilisation de la population au Covid19 ne les avait pas encore payés jusqu’en août 2022 pour des raisons administratives, notamment l’inexistence des comptes « Trésor » auprès de chaque délégation régionale du MINJEC. Comptes dans lesquelles cette dotation doit être virée par le MINFI. L’enveloppe affectée à cette tâche s’élève à 225 millions FCFA.
Quant à eux, « la DGSN et le MINDEF ont bénéficié des financements directs de la SNH sans en informer le Ministre des Finances. » le fait de recevoir de l’argent d’un organisme national ou d’un bailleur de fonds international sans en informer le MINFI qui est l’ordonnateur de l’État est une infraction pénale.
Outre les manquements ci-dessus relevés, la Chambre des Comptes fait savoir que 11 des 20 départements ministériels qui ont reçu la dotation spéciale de riposte contre le Covid-19 ont refusé de fournir des informations au Cabinet d’audit et de conseils Bekolo & Partners commis par ses soins pour collecter les données devant lui servir pour l’audit. Parmi eux se trouve le MINDEF, le MINADER, la DGSN, le MINCOM, le MINEPAT, le MINT, le MINAT, le MINESUP, le MINAS, le MINPROFF et le MINESEC.
En somme, la Chambre des Comptes de la Cour Suprême a constaté, au terme de l’audit, que le faible taux (11,1 %) d’engagement des crédits « met en lumière les insuffisances de l’organisation des ministères pour répondre à une situation d’urgence.» Pour quoi elle a adressé plusieurs recommandations qui visent à améliorer la gouvernance publique.
Augustin Roger MOMOKANA