
Cette publication est la troisième et dernière d’une série de chroniques sur le thème de la « protection des terres agricoles ». Elle est une réflexion de CHEUTEU Jean Marie. Il est Ingénieur Général d’Agriculture, spécialiste du Développement rural, Délégué départementale du Ministère de l’Agriculture et du Développement rural (MINADER) de la Menoua.
Les espaces réservées aux constructions et autres usages doivent tenir compte des exigences du présent et du futur. Pourtant nous devrions le préciser, il existe des sols propices à l’agriculture et d’autres pas du tout.
Le champ d’expérimentation et de recherche de plus de 11 hectares de l’Institut de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD) de Dschang qui a été le socle de la Recherche Agronomique au Cameroun et en Afrique Centrale depuis l’époque de LAGARDE Marcel dans les années 1920 vient d’être transformé en 2022 en lots par des prévaricateurs pour être vendus aux privés.
Ces acquéreurs vont faire édifier des constructions sur un sol au socle alluvionnaire et marécageux essentiellement propice à l’agriculture dont il a servi depuis plus d’un siècle.
Que deviendraient les milliers d’Etudiants de la Faculté d’Agronomie et des Sciences Agricoles, des autres Facultés de l’Université de Dschang et tous les Chercheurs du monde entier qui ont besoin d’expérimentation et de recherche agronomique pour leur parcours académique et professionnel ?
Des questions fondamentales se posent : Qu’adviendrait-il si toutes les terres agricoles sont entièrement occupées par des constructions et des habitats de toutes sortes ? La nourriture qui est l’élément essentiel de la vie des êtres humains se produira dans les chambres, sur les toits des maisons ou sur la route ?
Pendant que la réglementation camerounaise a classé et protégé les réserves de forêt, de faune, les zones d’habitation et toutes autres zones d’utilité publique, rien n’est fait par rapport à la protection des terres agricoles.
De même, les quelques terres agricoles qui existent actuellement ont perdu leur fertilité agricole de suite de surexploitation ou de mauvaise gestion.
Les engrais et autres matières fertilisantes aujourd’hui exagérément chers ne favorisent plus la restauration ou le maintien de la fertilité des terres agricoles. Le sac de 50kg d’engrais NPK 20-10-10 est passé de 800F en 1972 à 1750F en 1987 ; puis de 14.000F en 2007, à 25.000F voire plus en 2008 pour revenir à 14.000F en 2009 malgré les efforts du gouvernement. Le sac de NPK 20 10 10 est à 35.000FCFA et l’urée à 45.000FCFA en 2022 dans le Département de la Menoua et ailleurs.
Que pouvons-nous faire pour garantir la sécurité et la souveraineté alimentaire du Cameroun si les terres agricoles ne sont pas protégées et leur fertilité préservée ?
Cameroun: la protection des terres agricoles, un défi à relever (3). https://t.co/te9GMwnOfR pic.twitter.com/gapRsteaNh
— Momokana Augustin Ro (@ARMomokana) August 14, 2022
Les terres agricoles au Cameroun, principales mamelles nourricières des camerounais et des peuples de la sous-région ne bénéficient d’aucune protection alors que le besoin vital des êtres humains reste et restera la nourriture qui a besoin d’espace pour sa production. A cet effet, il est important d’interpeller les pouvoirs publics dans l’ensemble et le gouvernement de la République en particulier sur la réforme foncière, sur le principe de protection des terres agricoles et de la préservation ou de l’amélioration de leur fertilité pour fixer les bases solides de la bonne gestion de l’espace afin de combattre efficacement la crise alimentaire.
Les pouvoirs publics devraient adopter une réglementation visant la protection et la préservation des terres agricoles ainsi que l’amélioration de la fertilité au même titre que les forêts et autres espaces d’utilité publique. A ce niveau, deux instances sont interpellées : les Collectivités Territoriales Décentralisées (Communes), qui doivent au travers de leurs conseils municipaux et de leurs services compétents, procéder à l’adoption des plans d’occupation et d’utilisation des sols et classer les terres en fonction de leurs potentiels pédologiques, environnementaux, écologiques et économiques d’une part, l’Assemblée Nationale quant à elle doit adopter des lois à l’échelle nationale allant dans le sens de la protection et de la préservation des terres agricoles d’autre part.
Dans les Communes, la délivrance des permis de bâtir ou d’exploitation doit tenir compte du plan d’occupation et de mise en valeur des terres. La ville d’avenir ne saurait être que du béton, c’est aussi les exploitations agricoles urbaines, les fermes d’élevage, les réserves de forêts urbaines, les parcs d’animaux ou zoo et d’autres exploitations que les constructions des habitats humains.
Aucune terre réservée pour l’agriculture même si elle reste une propriété privée avec titre foncier ne doit être utilisée pour un usage autre que l’agriculture, à moins que le parlement n’adopte une autre loi pour déclasser cette terre pour d’autres usages d’utilité publique. L’avenir de notre agriculture et de notre souveraineté alimentaire sera étroitement lié à la préservation et la protection des terres agricoles au Cameroun, en Afrique et dans le monde.
CHEUTEU Jean Marie
Ingénieur Général d’Agriculture
Spécialiste du Développement Rural
Email:kueticheuteu@yahoo.com
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