Au Cameroun, une bataille peut susciter ou étouffer une autre. De sorte qu’à la fin personne ne sache plus à laquelle accorder son attention. Ainsi le Koki(photo sur Facebook) s’invite sur la scène de l’actualité dominée par une affaire de meurtre. Les camerounais troquent-ils l’assassinat de Martinez Zogo pour du Koki ? cet autre problème, espérons-le, ne va pas faire des morts.
Pendant que l’Affaire de l’assassinat de Martinez ZOGO fait son chemin, voilà que surgit le Koki. Le dossier oppose le Moungo, région du littoral, à Bazou, région de l’Ouest. Si le Koki est un mets, l’ékoki quant à lui est les graines de cornille qui permettent d’obtenir le mets. Même si les principaux ingrédients (graines de cornille, huile de palme) sont les mêmes, il va sans dire que la différence peut intervenir au niveau de l’assaisonnement (kanwa, grevettes, épices pour relever le goût) et l’accompagnement (plantain, banane, manioc, macabo, etc.)
De quelle que région que l’on soit originaire, le Koki fait partie des recettes gastronomiques réputées à l’échelle nationale. D’ailleurs le Cameroun l’a identifié parmi tant d’autre comme élément de son patrimoine culinaire. Ainsi l’enjeu n’est pas des moindre : le koki est une source de richesse, de paix et de cohésion sociale, de brassage. En ce sens, il est un élément identitaire du peuple camerounais avec comme aire socio-culturelle d’attache le grand littoral. Pourtant il fait partie des habitudes alimentaires de plusieurs autres régions dont de les grassfields et le grand Centre-Sud.
Selon les chefs traditionnels du Moungo, le Koki est un plat protégé à l’OAPI (Organisation africaine de la propriété intellectuelle). Le produit est donc protégé. Et qui dit protection signifie respect des droits. En clair les Bazou ont eu tort de baptiser leur manifestation « festival Kekoua ». Ce qu’ils s’abstiennent de dire, c’est qu’ils n’ont entrepris aucune initiative pour ce faire. De même que la protection dont il est question repose simplement sur l’indication géographique du fait de l’appellation.
Parce que nous parlons du Koki comme patrimoine culinaire du Cameroun, seul le ministère des arts et de la culture doit arbitrer le combat que se livre le Moungo (grand ensemble) et Bazou (entité). Il s’agit de remonter aux origines du Koki, c’est-à-dire mener une étude spécialisée sur les aires culturelles en vue de déterminer, à partir des pratiques culturales ou agricoles, les spéculations et les traditions culinaires et leurs spécificités. Ce qui semble avoir été fait par le ministère du tourisme et des loisirs dont la mission est de valoriser, de promouvoir et non d’assurer la protection du droit d’auteur.
La table ronde organisée le 7 décembre 2021par le ministère du tourisme et des loisirs en partenariat avec l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle), à laquelle, semble-t-il, le ministère des arts et de la culture n’a pas été convié avait pour vocation de déterminer l’origine des certains éléments du patrimoine culinaire camerounais dans la perspective de la bonification de la gamme des plats devant composer l’offre gastronomique du Cameroun à l’échelle nationale et internationale.
Ainsi le Ndolè, le Mbokko bè le Ngniiri, le Kilichi, le Ndomba de chair, le Mbongo’o Tchobi, le Bitoso Ri Kipen Ki Bazi, le Nnam Ngön, le Kondrè, l’Ekoki et l’Eru ont été retenus par la table-ronde sur la base d’une étude exploratoire conduite le 18 novembre par Dr Monique BAGAL, experte en propriété intellectuelle, en s’appuyant sur les quatre aires socio-culturelles (soudano-sahélienne, Grassfield, Sawa et Fang Béti) qui forment le Cameroun.
L’étude qui concernait les plats parmi les plus consommés a contribué à étoffer la carte du patrimoine gastronomique du Cameroun qui est un élément de la diplomatique à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Si bien qu’en 2022, une nouvelle assise a permis de partager les résultats de l’étude aux participants, et de positionner le Cameroun comme une « destination gastronomique touristique populaire ». Cela d’autant plus que les traditions culinaires identifiées et retenues ont été marquées du sceau de la protection intellectuelle en termes d’indication géographique et de marque.
Pour mémoire, la nomenclature des responsabilités au sein du gouvernement de la république du Cameroun affecte des missions précises aux différents départements ministériels intervenant sur la chaine du patrimoine matériel et immatériel. Ainsi, le ministère du tourisme et des loisirs qui a conduit cette opération dans le cadre du «Projet propriété intellectuelle et tourisme gastronomique au Pérou et dans d’autres pays en développement : promouvoir le développement du tourisme gastronomique au moyen de la propriété intellectuelle » a pour compétence la « Valorisation de la cuisine camerounaise à travers le développement du Tourisme Gastronomique », tandis que le ministère des arts et de la culture s’assure de la «Protection du droit d’auteur, du patrimoine culturel national ». D’autres départements ministériels interviennent dans la chaine. Il s’agit du ministère des mines, le ministère de la faune et des forêts, etc.
Augustin Roger MOMOKANA avec wipo.int
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