
Il existe des affaires qui ne devraient pas se limiter aux remontrances des belligérants. Elles ne doivent pas être classées sans suite. Elles doivent interpeler l’attention de l’État. Elles doivent contribuer à bouleverser notre considération et notre rapport avec notre histoire.
Le sultan roi des Bamoun, Nabil NJOYA n’a pas supporté que le chef Tikar de Magba l’appelle « Mon fils ». Il s’est senti frustré, outré, offensé et chosifié. Ainsi sa sécurité et sa suite se sont ruées sur le pauvre chef Tikar à qui ils ont administré la correction de sa vie. Non seulement ils l’ont déshabillé, brutalisé, mais plus grave et humiliant ils l’ont fait s’asseoir à même le sol, près de leur sultan-roi. Ils ne lui ont même pas permis de dérouler son propos jusqu’à la fin.
Appeler le roi Bamoun « Mon fils » ne relève pas d’une erreur, même si le roi est plus puissant que son père, encore moins d’un mépris. Oui ! Car l’histoire du Cameroun nous enseigne que le pays Bamoum a été fondé par un prince Tikar. Oui ! D’après l’histoire des civilisations du Cameroun, les Bamoum, les Bamilékés et les Mbamois sont tous les enfants du chef Tikar. Le royaume Tikar se trouve à Bankim, dans l’Adamaoua. Certains même prétexté que le chef tikar en question est un chef de 3e degré établi à Magba qui est le territoire Bamoum pour justifier qu’il n’est pas le chef tikar en personne. C’est méconnaitre la chaine des traditions. Le chef de la communauté est le représentant du chef, comme on dit que le sous-préfet est le représentant du gouvernement-et non du président de la république- au niveau de l’arrondissement dont il a la charge.
Selon l’histoire le fondateur de la dynastie Bamoum, Ncharé Yen, est venu de Rifum (actuel Bankim) en 1394. Parce qu’à la mort de leur père, Nguonso, Morunta et Ncharé Yen lui-même n’ont pas été désignés pour lui succéder. C’est ainsi que ces princes déçus ont pris le chemin de l’exil. Ils vont ainsi fonder les royaumes Banso, Bafia et Bamoum. Il va sans dire qu’à Magba s’est installée depuis des siècles une minorité Tikar qui rivalise avec les Bamoum pour le contrôle de la chefferie supérieure Magba.
Mais comme dans le pays Bamiléké où un enfant ne devient adulte aux yeux de son père que lorsqu’il s’est fait asseoir par son père sur la chaise, Nguonso et Ncharé Yen sont rentrés voir leur père. Dans son livre, « Le Royaume Bamoum », Claude TARDITS explique comment le père a reconnu le pouvoir royal de ses enfants exilés : « ce matin-là, le sultan de Bamoum et le chef de Banso étaient tous deux assis par terre sous un arbre de la chefferie, tandis que le chef des Tikar occupait, lui, une chaise. – Je ne peux vous donner de siège, leur dit-il, car vous n’êtes encore que des fils du roi : je vais vous placer sur le trône. » Après cette interpellation suivi d’une courte allocution, il fit approcher les hautes dignitaires qui avaient accompagné les souverains, les sept conseillers de chaque royaume et les grands officiers de leurs palais auxquels il déclara : « voici les eux enfants qui ont quitté le pays et sont partis en tant que princes. » On apporta alors des sièges ; le chef tikar prit alors par la taille le souverain Bamoum considéré comme l’ainé et esquissa le geste de l’aider à s’asseoir. Il en fit autant avec le souverain Nso puis leur annonça : « vous voici maintenant roi !» Le lendemain, les hôtes étaient amenés devant les tombes des rois défunts afin d’y boire de l’eau puisée dans un lac à quelque distance en forêt, au bord duquel se rendaient les monarques tikar lors de leur intronisation. Le porteur verse le liquide dans deux pots. Le chef des Tikar but, puis ce fut le tour de celui des Bamoum, enfin de celui des Banso qui prirent chacun un récipient. Ils appelèrent les officiers du palais- il s’agit de ceux que l’on désigne titamfon-qui burent également. On coupa ensuite deux bâtons, les « bâton du pays » et chacun en reçut un. Les hôtes prirent alors place devant la résidence du chef Tikar pour assister à un spectacle de danses. Ce dernier appelait les deux rois « mes enfants », tandis que ceux-ci lui donnaient son titre traditionnel “Roi de Rifum” (Mfô Rifum). » Ça se passe ainsi le 12 avril 1964 dans le village Bankim, arrondissement de Banyo.
Nous relevons dans l’attitude de la sécurité royale et des proches du sultan roi des Bamoum une animosité gratuite. Puisqu’elle écorne la réputation et la majesté du sultan.
Augustin Roger MOMOKANA
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