Les réseaux sociaux relayent l’interpellation et la détention au secret de l’écrivain et activiste politique camerounais Patrice Nganang. Il a été enlevé mercredi soir 06 décembre 2017, à l’aéroport de Douala alors qu’il s’apprêtait à embarquer dans un vol de la Compagnie Kenya Airways pour se rendre à Harare au Zimbabwe via Nairobi où réside son épouse et leurs enfants.
« Il y a deux jours, Nganang démontrait à travers son « carnet de route » publié sur le site du journal panafricain JEUNE AFRIQUE que seul le départ Paul BIYA pouvait mettre fin à la crise que traversent les régions anglophones du Cameroun.
Selon Christian Djoko, « Nganang est un personnage clivant, corrosif, baroudeur, polémiste, intransigeant et quelques fois caustique. Il est parfois dans l’arrogance, l’excès, la démesure, un peu à l’image du genre romanesque qu’il enseigne aux quatre coins de la planète depuis plusieurs années. Il s’attaque aux dogmes inféconds, aux lieux communs tyranniques, au statu quo nihiliste. Il emmerde, bouscule. Sans fioritures, il écrit pour combattre la peur et chasser les injustices en pestant. Non sans nonchalance, il revendique une forme insubordination permanente à l’égard de l’ordre établi.
En réalité, tout ceci ne saurait surprendre ceux et celles qui le lisent, le connaissent et osent aller au-delà du moyen pour découvrir ce dont le signifiant est porteur, c’est-à-dire le sens éthique et politique. L’un de ses multiples ouvrages, « L’apologie du vandale », est de ce point de vue éclairant.
Au fond, Nganang veut congédier ce destin nabot dans lequel le Cameroun enfermé depuis 1955. Il est profondément épris de justice sociale. Son baromètre d’appréciation, l’étalon de mesure à l’aune duquel il apprécie le réel et juge l’action n’est ni plus ni moins que l’option préférentielle pour la figure sociale de la veuve, de l’orphelin et de l’étranger. Il ne cherche pas être aimé, adulé, adoré. En revanche, il se veut constamment proche du faible, de l’exclu, du pauvre et de l’opprimé. C’est sa marotte, le mantra de cet iconoclaste engagé.
Eu égard à ses rapports quelques fois polémiques avec ses aînés intermédiaires comme il les appelle ; en dépit des propos outrageants qui peuvent à juste titre susciter l’émoi et la réprobation, il n’en demeure pas moins que Patrice est un intellectuel organique au sens lumineux que lui conférait si bien Antonio Gramsci ou Eboussi Boulaga.
Aussi généreux que subversif, Patrice n’en est pas moins amoureux de justice, de liberté et d’égalité. Sa colère à l’égard du régime en place, celle-là qui éclate constamment en accents pathétiques, en réflexions rebelles et abrasives, est un puissant cri de cœur, une déclaration d’amour pour le Cameroun.
Vous pouvez enfermer l’homme, mais vous ne pourrez enfermer cet amour insoumis ; cette liberté de pensée et d’action qui caractérise l’homme. Ici, le répète-t-il si souvent, le « lock chou » n’a pas plus droit de cité. Immanquablement!
Vaines sont les prisons humaines si tristement sourdes au message de liberté et de justice qui en émane. Viens le grand jour où les sécurocrates les plus zélés chercheront en vain une prison pour se cacher. Tachons d’être du bon côté de la barrière. L’histoire est un juge implacable. »
Augustin Roger MOMOKANA