Certains étudiants des débuts de la décennie 90 se souviendraient encore de ces gendarmes envoyés dans le campus de Ngoa Ekellé pour réprimer la grève des étudiants. Ils faisaient dire aux étudiants tombés dans leur filet de répéter que « le CEPE dépasse le BAC ». C’était une affirmation honteuse et fausse. Mais l’étudiant été obligé de la reprendre pour obtenir en retour sa liberté.
Ce n’est pas assez d’affirmer qu’une épée de Damoclès pèse sur la tête de l’enseignant. Des faits ici et là démontrent, à suffisance, que les campus, les salles de classe sont infiltrés et les enseignants cibles de certaines autorités administratives.
L’on n’a pas encore tourné la page du désastre survenu à Abeve Esse où un enseignant, a été convoqué et placé en garde à vue pour avoir mis en application l’APC (approche par compétence lors d’une leçon sur la VIE FAMILIALE ET SOCIALE, et plus précisément sur TOO YOUNG FOR WAR, page 52 (Très jeune pour la guerre) du livre « STAY TUNED ») ; qu’une autre menace d’un sous-préfet secoue le département du Moungo, dans la région du littoral, qui met en garde « tout enseignant surpris en flagrant délit de dénigrement de l’État, de ses institutions.»
La mise en garde adressée aux enseignants, via les chefs d’établissement scolaires ne peut pas être le fait d’une fonctionnaire zélé. Il pourrait s’agir d’une instruction gouvernementale dans l’objectif de semer la peur dans les esprits. Mais au fait, c’est quoi « Le dénigrement de l’État et de ses institutions ? » Quel est la loi qui le règlemente ?
Si cette pratique est déjà dans les établissements scolaires, elle pourrait un jour envahir la rue. Mais ces sous-préfets ont-ils les moyens et les capacités d’enseigner les valeurs républicaines aux enseignants ?
Le Sous-préfet de l’arrondissement de Manjo, Mfomo Modo Martin Fabrice, tout comme son camarade de Sangmélima viennent de rappeler, par leur acte, que les libertés individuelles aux Cameroun relèvent de l’imaginaire, et qu’il suffit qu’un administrateur civile craque le doigt pour qu’un citoyen se retrouve en prison, sans que les gens du droit ne puisse lever la tête face à une décision administrative aussi controversée.
Les parlementaires, les organisations de défense des droits des enseignants et celles luttant pour le respect des libertés doivent prendre position, dénoncer ce type de décision qui concourt à mettre en dégradation la qualité de l’enseignement dans les établissements scolaires au Cameroun.
Augustin Roger MOMOKANA