Du laboratoire que constitue la crise du coronavirus en Chine proviennent de nouvelles perspectives sur son concept de pouvoir dont pourront s’inspirer d’autres pays émergents ou en développement. Le succès de la Chine dans la gestion de la crise liée au Coronavirus repose en effet en grande partie sur un système administratif efficace qu’elle peut mobiliser en cas de menace, couplé au consentement du peuple chinois à se soumettre à des procédures de santé publique contraignantes. Bien que de nombreux autres États ne disposent pas d’un tel pouvoir de contrôle sur l’économie ou même l’administration de leurs pays, les gouvernements peuvent tirer des leçons importantes de l’expérience chinoise.
Néanmoins, il faut garder à l’esprit que succès chinois est dû en grande partie aux hôpitaux de pointe et les machines ultra-modernes dont elle dispose et qui ont été primordiaux pour ralentir et limiter la contagion. La riposte chinoise sera difficile à reproduire à l’état. Il faudra de la rapidité, de l’argent, de l’imagination et du courage politique.
Sur le plan politique, là où les gouvernements peuvent tirer des leçons importantes de l’expérience chinoise, dans sa stratégie, Pékin a joué à fond la carte du soft power. L’échec de la première vague des tests a conduit à une réévaluation du bilan des actions entreprises par le gouvernement chinois. Plusieurs médias, ainsi que plusieurs commentateurs ont depuis souligné comment « la Chine a gagné et devient désormais un modèle ».
Le Gouvernement épaulé par le Parti communiste chinois (PCC) a su gérer la crise du coronavirus en s’appuyant sur les ressorts d’un État paternaliste, capable d’ouvrir une brèche dans une population prête à se mobiliser en masse, à exécuter des ordres si elle les considère justes, corrects, visant à l’harmonie, à une forme de stabilité économique et sociale. D’autant plus en période de crise qui présente une menace vitale.
À condition de dépasser le moment des critiques, une crise comme celle du Coronavirus qui débouche sur un état d’urgence peut créer dans nos pays à la démocratisation hésitante, l’espace politique pour uns solidarité nationale basée sur une cause commune si les destinataires en comprennent le bien fondé et l’urgence jusqu’à faire oublier les carences initiales de la machine politico-administrative.
La mobilisation a toujours été un concept fondamental de la politique chinoise. Il serait heureux que nos dirigeants s’en inspire et optent fermement pour l’utilisation du système idéologique pour encourager ou forcer les membres de la société à participer à certains objectifs politiques, économiques ou sociaux afin d’obtenir des résultats et un déploiement correct des ressources et des personnes à grande échelle pour dans les cas d’espèce, venir à bout du coronavirus. Chacun contribue à son échelle. Dans ce contexte, un rôle important peut être joué par les comités de développement des villages, les comités de vigilance des quartiers, les tontines, les comités résidentiels, etc. qui concentrent la majorité des acteurs de terrain pour la détection, les contrôles d’identité, l’application des quarantaines à domicile…
La participation à la «mobilisation» des nantis et autres milliardaires et des entreprises les plus importantes ou de l’État est aussi à espérer et ne peut découler que d’un exposé clair et précis des stratégies et objectifs à atteindre.
Les dirigeants doivent faire tout ce qui est possible pour mobiliser les communautés, en particulier les communautés rurales, afin que tous les efforts soient concentrés sur l’arrêt de la propagation du virus.
Dans nos contrées, malgré les hésitations et les hérésies passées, il est certain que les populations seront disposées à soutenir les décisions qui viennent des instances supérieures (d’en haut) si elles sont légitimes et justes. En effet si afin d’éviter le chaos, la population suit les directives des dirigeants et se mobilise, face aux abus et à l’injustice, elle est aussi à même de se rebeller.
Définitivement, et c’est sans doute ce que redoutent nos instances dirigeantes, nous resterons confrontés à une dialectique : l’obéissance et la rébellion au pouvoir, qui ne s’annulent pas mais créent un nouveau champ de confrontation, de dynamisme politique en évolution continue.
Nos gouvernants sont appelés à faire preuve de créativité politique de façon pertinente, vivante, active, changeante, garantie par la possibilité de concevoir des politiques adaptatives, évolutives, selon les situations, même si elles peuvent sembler contradictoires au premier abord.
Il s’agit de mettre en place un dispositif sophistiqué de gestion du pouvoir qui montre de facettes subtiles, une grande capacité d’adaptation, d’expérimentation et de vision particulièrement pertinentes.
Il s’agira également d’apprendre à donner de l’importance aux forces vives, aux personnes ressources que sont les experts et les chercheurs, garantir la croissance et la possibilité de faire de la recherche avec des fonds et dans des lieux ad hoc. Pour cela, il faudra que l’État fixe les enjeux fondamentaux de sa politique économique et sociale. Cela pourrait se faire en réservant un rôle central à la science, ce qui induirait par exemple d’amorcer le passage d’un modèle économique axé sur les rêves ou illusions d’exportation ou sur la paresse des importations des produits finis à celui d’un marché intérieur qui réunit tous les atouts pour être prospère et compétitif voire ambitionner d’exporter des innovations (en NTIC par exemple) et de produits de grande valeur(produits agricoles de niche, etc.).
Derrière la réalité brutale de la pandémie, notre société est appelée à s’organiser ou à se réorganiser non seulement pour être plus proche de la réalité, mais surtout pour être plus à même de faire face aux crises à venir, qu’elles soient politiques, économiques, sociales ou sanitaire comme celle en cours. Il faut en effet que de la crise découle des opportunités. Par conséquent, la crise ne devrait pas pénaliser le pays dans son développement. Certes certaines usines, services et les marchés sont à l’arrêt, mais les populations se sont organisées, souvent via Internet, pour travailler à distance, se faire livrer les produits de premières nécessités à domicile et suivre des cours académiques par l’usage des MOOC (Massive online open courses). Il faut comprendre que les populations, quelles que soient leurs origines et leurs lieux de vie, sont capables de saisir chaque opportunité de changement. Un tel arrêt des activités représente une opportunité unique qu’il faut absolument saisir. C’est cela l’esprit entrepreneurial commun à tous les peuples laborieux du monde. C’est pourquoi la transformation économique et sociétale est en marche. Les entreprises du Net, petites ou grandes, sont en partie les acteurs de cette transformation. Mais elles ne sont pas seules. Tout le monde propose instantanément des solutions… Il s’agit de copier l’exemple des chinois et de savoir transformer les crises en business.
Il est clair que ces changements vont se prolonger pour toujours pas seulement en Chine mais dans le reste du monde aussi, et le Cameroun ne sera pas épargnée. Le e-commerce prendra définitivement le dessus sur le commerce traditionnel mais aussi le e-delivery, tout comme la remise en question des voyages de masse, les grands rassemblements comme les foires internationales vont disparaître au profit des «Road Show» (plus orientés vers le UX: User eXperience), le «télé-travail», la «télé-médecine», les MOOC, etc. Le monde va devenir un grand «streaming» et la 5G est au rendez-vous pour donner de la puissance à l’ensemble.
Bertrand Roger JIOGUE