
Mais je m'interroge quand même: Si toutes les vies ont le même prix...
Si je vous le demande, vous allez surement me rétorquer: “Dr Etoa c’est quelle question ça? Tu vends déjà les gens ?”. Vous allez surement enchainer en disant: “Ma vie n’a pas de prix; d’ailleurs toutes les vies se valent!”
Vraiment? Ok. Je suis d’accord avec vous. Mais je m’interroge quand même: Si toutes les vies ont le même prix, pourquoi certains crèvent pour un paracétamol dans les hôpitaux du pays alors que certains sont évacués à l’étranger en cas de besoin (ou parfois sans motif sérieux)? Pourquoi 10 morts à “CHARLIE HEBDO” en France créent plus d’émotions que les 2000 morts causés par Boko Haram entre le Nigeria et le Cameroun? Pouvez-vous mettre en jeu toutes vos économies estimés à 10 millions de francs par exemple pour sauver la vie de votre père âgé de 89 ans et atteint d’un cancer du cerveau ou bien de les mettre pour les frais de chirurgie de votre fils de 7 ans atteint d’une malformation cardiaque? Au fait vous-même, comme il y a trop d’accidents de la route entre Yaoundé et Douala, allez-vous continuer à emprunter les cars de transport moins chers, mais dangereux ou bien vous allez maintenant prendre l’avion plus sûr, mais couteux?
Comme on peut le constater, cela semble moralement insupportable de l’avouer, mais dans la pratique de tous les jours, le prix et/ou la valeur des êtres humains sont calculés volontairement ou pas, avant les prises de décisions par des Etats, des organisations ou même par des Hommes! Comment ce calcul se passe dans la réalité ? Quels critères sont souvent utilisés?
LE CAPITAL HUMAIN PERDU…
C’est le 1er critère utilisé. Celui-ci consiste à estimer la perte subie par la société à cause du décès d’un individu. En effet, dit froidement, un mort ne travaille plus et ne consomme plus, si bien qu’il ne crée plus de richesse pour la société. Un exemple; L’Etat doit il construire une autoroute de plus de 300 milliards entre Yaoundé et Douala, ligne qui a déjà généré des centaines d’accidents et de milliers de morts ou bien poser tout de suite cette même autoroute entre Doumé et Nguelemendouka dans les tréfonds de l’Est-Cameroun? Si vous êtes décideur, vos choisirez quoi?
LES REVENUS…
L’économiste américain Ted Miller a calculé que le prix d’une vie humaine équivaudrait à 120 fois le PIB par habitant d’un pays. Exemple: le PIB par habitant en France est de 35 000 dollars. Au Cameroun il est de 1300 dollars. On déduit selon les calculs de Ted Miller que le prix d’un français est de 4200 000 dollars (35 000 fois 120). Le prix d’un camerounais serait donc de 156 000 dollars (1300 fois 120). Avis aux amateurs du “Kong” ou du “Mekouagneu”. Lol! Vous comprenez pourquoi avec cette façon de voir les choses, la dizaine de morts de Charly Hebdo a causé une émotion vive dans le monde (et fait même pleurer certains chefs d’Etats africains, lol) alors que les 2000 morts de Boko Haram au Cameroun sont dans l’anonymat. Tous sont pourtant victimes du terrorisme. Vous voulez crier au racisme? Pas si vite! Remmenons un peu ça à nous ici: Imaginez le volume de la foule qui a assisté aux obsèques de l’ex président du GICAM (patronat camerounais), André Fotso, comparée au groupuscule de personnes qui étaient présentes au deuil de mon grand-père Etoa Ebogo Robert, il y a quelques années à Zilly! Un chanteur ivoirien a dit que “Quand tu n’as rien, on dit que tu es “mort”, mais quand tu as un peu, on dit que tu es “décédé”
L’AGE
La valeur de la vie sous nos cieux dépend aussi de l’âge. Un exemple type. Si on a un rein disponible pour une transplantation, à qui doit-on le fournir en priorité ? A une vielle dame retraitée de 87 ans ou à un jeune étudiant de 20 ans? C’est en prenant en compte ce facteur lié à l’âge, qu’il y a un concept qui est né en santé publique qu’on appelle le QALY (Quality Ajusted Life Year). Ça veut dire que cette fois, on ne compte pas seulement le nombre de vies sauvées, mais aussi le nombre d’années de vie gagnées pour la société!
LE CONSENTEMENT A PAYER…
Tous les critères que j’ai cités plus haut sont sur le plan de l’Ethique inacceptables! C’est pour cela que le critère le plus ouvertement utilisé en ce moment est le “Consentement à payer”, comme le révèle Olivier Schmouker qui tient un blog d’économie (Nespressonomie). Cette approche dit que c’est chaque individu ou groupe d’individus qui déterminent la valeur de sa vie en consentant à payer ce qu’il faut pour la préserver. D’où un de mes exemples plus haut: Si les accidents sont fréquents sur la route, Vous pouvez décider de prendre l’avion par exemple, plus sûr mais plus cher au lieu de cars de transport mortifères. Mais c’est vous (ou les personnes à qui vous êtes cher) qui décidez! Quand vous payer votre prime d’assurance, est ce que vous vous contentez de la prime minimale à payer, à savoir celle concernant la “responsabilité civile” (qui permet juste de dédommager la personne à qui vous causer du tort) ou bien vous payer des options supplémentaires qui vous permettent d’être pris en charge vous-même, de remplacer votre véhicule, voire même bénéficier d’une évacuation sanitaire à l’étranger ?
Même cette dernière approche présente des limites morales, parce que tout le monde aimerait payer très cher pour préserver sa vie, mais en a-t-on toujours les moyens?
En attendant de trouver l’approche parfaite, je vous le redemande encore: Combien vaut votre vie?
Roger ETOA