Ma personne,
Comment peut-on être Camerounais sans être tribaliste ?
Avant toute chose je voudrais te prier de bannir de ton langage quelques expressions dont voici des spécimens : « Tu es d’où ? On va faire comment ? Le cul de ta maman ! Le Cameroun, c’est le Cameroun ! Allez faire ça chez vous ! Vous les anglos là ! Les bami ! Vois-moi un nkwa comme ça ! C’est un tontinard. Ce monsieur est un sardinard. » Tu pourras en énumérer des centaines ou un millier.
Pour quoi le faire ?
Au cours d’un échange que j’ai eu ce jour avec un commerçant à D. j’ai tellement appris que je lui ai posé la question de savoir : « qu’est-ce-que cela signifie être Camerounais ? Je t’informe que mon ami, titulaire d’un Master 2 en sciences, m’a répondu que s’il devait refaire sa vie, il n’irait pas à l’université. L’école lui a fait perdre du temps. Si après le baccalauréat il s’était jeté dans la vie active, il ne serait plus un petit commerçant. Après quoi il me donne quelques explications:
Un : pendant les cinq années passées à l’université, mon ami a observé qu’il n’existe pas un sentiment nationaliste forgé, mais des sentiments communautaristes. La primauté c’est le village, le département, et dans une large mesure la tribu. Ce n’est qu’un degré supérieur de l’expression du sentiment tribal qui coule dans nos veines. Celui-ci est un Bamoun. Cet autre est un Bamiléké. L’autre un nkwa, celui-là un haoussa. A un plus haut niveau on a Bamiléké, Béti, Haoussa, un Bassa, etc. Le vivre ensemble dont parlent les gens d’en haut est sans ressorts.
Deux : dans la vie politique locale, en période électorale il y a ce qu’ils appellent les Foto, les Foréké-Dschang, le Centre urbain (pour désigner les autres). Cette classification fait en sorte que nul ne peut prétendre accéder l’exécutif municipal s’il n’est soit Foto soit Foréké-Dschang. Le régime l’a voulu. Il a aidé les agents publics à déserter leur lieu de résidence pour aller s’inscrire sur les listes électorales dans leur village d’origine, pour exprimer leur suffrage dans une circonscription électorale où ils ne sont généralement que de passage.
Trois : lorsque Monsieur X est promu à un poste important, une carapace voit jour autour de lui. Elle est essentiellement composée des gens de son village ou de sa tribu. Voilà pour quoi en pareille circonstance nous entendons des expressions telles « notre proviseur, notre maire, notre député, notre sénateur, notre ministre, notre Directeur général, notre préfet, notre gouverneur, etc. »
Quatre : Ces comportements se concrétisent par la mendicité. Elle s’est généralisée et a pu bâtir des barrières d’exclusions qui sont le favoritisme, la médiocrité et le tribalisme, le laxisme et la fainéantise. Ce sont des plombs que le Cameroun porte depuis des décennies, incapables de s’en débarrasser malgré leurs ravages.
Cinq : Être Camerounais signifie être Bamiléké, Béti, Anglophone, Francophone, Haoussa, etc. Cela signifie surtout. Ce n’est pas être, comme je vois les gens écrire partout sur les réseaux sociaux « je suis Camerounais », irréprochable. « Être Camerounais « dans le sens actuel de l’histoire de notre pays c’est de la manipulation, c’est diversion capable d’entraîner l’Homme naïf dans les nuages de la mort. Ce grand brasier que les hommes politiques attisent va faire plus du mal encore à notre pays.
En gros, mon ami résume qu’il n’y a pas un type Camerounais mais des types de camerounais. Ils se caractérisent par leurs positionnements situationnels, en rapport avec les enjeux sociétaux. Être Camerounais signifie qu’on est fortement tribaliste, que l’on est extraordinairement cupide, égoïste, tricheur, médiocre, insensible aux douleurs d’autrui, hypocrite à souhait; cela signifie que l’on est corrompu ou corrupteur jusque dans les os. Le seul point positif relevé chez le Camerounais c’est son sens de l’hospitalité très élevé. Si cela est vrai, nous devons faire un effort pour…
Je déjeune demain avec Daniel.
Momokana