
Entrer à l’ENAM (École nationale d’administration et de magistrature) est à la fois facile et compliqué pour quiconque ne sait pas lire dans la ciboule des correcteurs dans un pays comme le Cameroun. La responsabilité, les droits et les devoirs.
Samedi 12 novembre, les candidats au Cycle A, Division des Régies financières (Impôts, Douanes, Trésor) ont eu droit à une épreuve de droit constitutionnel controversée.
En quatre heures d’horloge ces candidats ont donc discuté cette affirmation « subversive » de l’avis d’un citoyen internaute : « Critiquer l’État, c’est ton droit ; mais n’oublie pas que l’État c’est toi ».
Cette épreuve n’a pas une formulation sentencieuse, il lui manque le point d’exclamation, mais elle est controversée en ce qu’elle vise à détourner la critique constructive mais rageuse que pourraient formuler les citoyens contre leurs dirigeants. Un candidat qui a abordé le sujet pour soi-même s’en sortirait haut la main, contrairement à un autre étudiant qui l’analyserait sous le regard peuple qui désigne des représentants pour gouverner et gérer les affaires de l’État.
L’État n’existe que parce qu’il y a un peuple qui choisit en son sein par élection, concours, cooptation, des personnes pour le servir et le représenter. Un candidat libre aurait saisi l’occasion pour remettre l’État à sa place tout État dérivant et déviant. Car ces personnes que le peuple a choisies pour gouverner en son nom se transforment en véritables monstres ambulants dès qu’elles ont reçu tous les atours du pouvoir.
En vérité, le peuple qui est composé des usagers n’a aucun problème contre l’État en tant que institution régie par des lois démocratiquement votées pour assurer les affaires et réguler la vie en son nom, mais il est plutôt préoccupé par l’attitude de ces dirigeants qui une fois au pouvoir non seulement roulent en sens contraire des missions pour lesquelles ils ont été mandatés, violent les lois fondateurs, ignorent l’existence des citoyens dans leurs prises de décisions.
Ces représentants violent ainsi les principes l’État de droit (la primauté du droit, l’égalité devant la loi, la responsabilité au regard de la loi, l’équité dans l’application de la loi, la séparation des pouvoirs, la participation à la prise de décisions, la sécurité juridique, le refus de l’arbitraire, la transparence dans les procédures et des processus législatifs*) sans lequel aucun peuple de dignité ne se reconnaitra en ses dirigeants qui le considèrent plus comme un marche-pied que comme un employeur. Ils exigeant de lui plus qu’ils ne lui rendent des services à la taille de ses attentes. Des exigences qui butent sur des soulèvements dans le sens de la dénonciation pouvant déboucher sur le renversement de ces représentants abjects.
J’entends souvent dire, avec un sourire en coin, qu’ « avant de te demander ce que l’État fait pour toi, demande-toi d’abord ce que tu as fait pour l’État ». Ainsi les droits et devoirs sont réciproques. Si un candidat prend, par exemple, la crise de la carte nationale d’identité au Cameroun, pensons-nous qu’il puisse faire des concessions à un État qui est incapable d’assumer le basique de ses missions à son peuple ? On ne parlerait plus du problème de Carte d’identité depuis l’avènement des nouvelles technologies. Car il suffirait de créer un poste au niveau de chaque chef-lieu de département pour la signature et la délivrance, et des postes secondaires au niveau communal pour les enregistrements. Sachant qu’il y a une base de données départementale reliée à la base de données régionale reliée à son tour à la base de données nationale; et sachant que nulle ne doit avoir deux numéros de carte nationale d’identité. Le numéro qui vous est affecté dès votre première occasion est enregistré dans ces bases et sera reconduit en cas de renouvellement de la carte.
Si nous prenons le cas de l’incapacité pour l’État d’assurer un approvisionnement constant en électricité et eau au peuple, pensons-nous que ce dernier puisse avoir de l’estime pour ses gouvernants ? Pourtant il suffisait qu’au moment où l’État décide de construire des grandes infrastructures de production de l’énergie électrique, qu’il concède le droit et appui les collectivités territoriales décentralisées disposant des cours d’eau exploitables à réaliser leurs système de production et de distribution d’électricité ; et il en est de même pour l’eau potable.
Si nous prenons le cas d’un État qui, à la moindre dénonciation de la mal gouvernance, jette les forces de défense et de sécurité aux trousses du peuple, pensons-nous qu’il soit possible pour ce peuple d’être en état de sainteté avec ses gouvernants ? Pourtant il suffirait que l’État libère la justice et que la justice se mette effectivement à l’ouvrage, pour interroger les missions des représentants du peuple, le train de vie des gouvernants, le niveau de vie du peuple. Ainsi les trains de vies suspects, les actes contraires à la loi, les cas d’indélicatesse dans la gestion de la fortune publique seraient sanctionnés par cette justice libre et qui ne se compromet ni ne se montre arrogante.
Si nous prenons le cas des dirigeants qui, une fois élus décident unilatéralement de modifier la constitution pour conserver le pouvoir, pensons-nous que le peuple ne regarde pas ses gouvernants avec un air de défiance et de mépris ? Pourtant il aurait suffi que le peuple soit assez courageux pour se faire entendre, sans entraves, chaque fois que ses représentants de manière unilatérale projettent de se réunir au parlement pour modifier la loi fondamentale. Comment est-ce compréhensible que le peuple qui confie son pouvoir à quelques individus ne puisse pas être capable de rappeler ces mêmes individus à l’ordre ? Les enjeux politiciens ont pris le dessus sur les lois et trainent les États vers le gouffre.
Si nous prenons le cas d’un entraineur national qui, pour aller à la Coupe du Monde, sélectionne des joueurs peu compétitifs en lassant au pays ceux dotés d’une expérience certaine pour les compétitions de haut niveau, pensons-nous que les supporters de l’équipe nationale de football ne vont pas le pointer du doigt ? Pourtant il lui aurait fallu un peu de bon sens pour comprendre que parfois, pour préserver la cohésion sociale et même d’un groupe, il est important de prendre des joueurs assez expérimentés et capable de tenir un discours rassembleur et non de division.
Alors, que chaque maillon de l’État (les élus, les fonctionnaires, les citoyens) fasse son travail dans le respect des droits et devoirs de l’autre, et il y aura cohésion au sein de l’État. Que les citoyens paient leurs impôts, mais que les dirigeants n’utilisent pas cet argent pour assouvir leurs rêves de prédateurs affamés, alors que leur peuple n’ a ni eau potable, ni routes, ni énergie électrique, ni accès aux soins de santé primaire, ni carte d’identité, ni…
Le jour que les représentants de l’État, c’est-à-dire ceux qui gouvernent, intégreront dans leur mémoire et leur agir que le peuple c’est l’État, alors il n’y aura plus de peuple en déphasage avec l’État.
Augustin Roger MOMOKANA
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