
« L’État doit être fort mais l’État ne peut plus être le plus puissant », dixit Grégoire OWONA, Ministre du Travail et de la Sécurité Sociale. Ne dites surtout pas qu’il s’agit d’un manque de respect vis-à-vis de son interlocuteur.
Le bouillonnant dossier du redressement fiscal du Groupe l’Anecdote expose les travers d’une société camerounaise en déliquescence terminale où les réseaux et les clans se tirent dessus, sans aucune réserve ni brin de patriotisme. Compromettant le renforcement du partenariat public-privé, gage du succès de la marche vers l’émergence du Cameroun.
Ce qui se passe dépasse de très loin le souci qu’ont les acteurs pour le Cameroun dont ils sont les délicats serviteurs. Si ce n’est pas un cadre de la Direction générale des impôts qui recadre le ministre des Finances, c’est le peuple du septentrion qui se ligue en soutien au DGI et contre le Minfi.
Dans un pays sérieux, le président de la république sort de sa réserve. Parce que l’intérêt de l’État doit toujours primer sur celui des individualités, sur les rapports que les individus entretiennent entre eux. Ainsi, lorsqu’une décision engage le gouvernement, les institutions subjacentes doivent se ranger, peu importe leur cran, leur chair et leurs os.
Le redressement fiscal –le fameux redressement fiscal- s’avère être plutôt une gangrène pour l’économie camerounaise. Les opérateurs économiques n’ont cessé de crier qu’elle est devenue un prétexte et un plaisir que prennent des fonctionnaires du fisc pour racketter les contribuables. Au mépris du droit humain dont la liberté d’entreprendre et des lois fiscales.
Souvenons-nous très bien, avant l’affaire qui oppose aujourd’hui la Dgi au Groupe L’Anecdote, il y a eu celle d’avec le patronat, notamment au sujet du redressement fiscal de 40 milliards de francs CFA du Groupe de la Société anonyme des Brasseries du Cameroun (Groupe SABC). Le Gicam reprochait à la Dgi de se cacher derrière le redressement fiscal pour détruire le tissu économique national. Finalement, Pierre Castel a été reçu le 20 décembre 2019 par le président de la République et le dossier a été clos pour éviter un procès contre l’État du Cameroun.
Le Groupe SABC a eu plus de chance parce qu’il dispose une influence des palais. Ce qui n’est pas le cas pour le Groupe L’Anecdote. Son existence peut commander les moucherons sans que cela fasse bruits. L’investisseur est un opérateur national. Il ne dispose pas de soutiens d’État pour espérer sortir la tête haute de cette affaire. Le Gicam avait écrit au président de la République pour dénoncer l’inconscience de la Dgi. Avant de déposer sur la table, par la suite, sa proposition de réformes fiscales.
Tous sont conscients que si l’État vit de l’argent des contribuables, il est tout aussi normal et nécessaire que cet État soutienne les contribuables afin qu’ils soient davantage productifs en termes de chiffre d’affaires et donc d’impôts. Le climat des affaires ne sera sain que si les relations entre les clients et les services fiscaux ne sont pas réciproquement vivables.
Ainsi, le gendarme commis par l’État pour recouvrer ses taxes et impôts, qui a des objectifs globaux à atteindre, ne devrait pas se constituer en criminel économique. Parce que les théoriciens de l’économie ont su imaginer qu’en cas de difficultés avérées d’un contribuable ou client, l’État puisse accepter de l’aider à se maintenir pour ne pas lui-même s’asphyxier en précipitant le malade dans la morgue.
Dans le dossier Dgi contre Groupe L’Anecdote, l’on ne saurait se fonder, seulement, sur les théories fiscales et administratives, mais il devrait prendre en compte le contexte social et le régime du mis en cause. Ainsi cela permettrait d’envisager une sortie de crise pour le salut du Cameroun.
Pour ce, le fait que les filles et fils du sud et du septentrion prennent position, chacun en faveur de son ressortissant, est une indice que les individus, quel qu’ils soient, ne travaillent plus pour l’État, mais pour leur tribu. Le vivre ensemble est alors où ? Le Cameroun se trouve à quel niveau dans cette bataille ethnique ? Chacun pourra répondre à ces questions, selon sa sensibilité et ses convictions.
Augustin Roger MOMOKANA
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