La lutte contre la pandémie à coronavirus impose aux Camerounais des mesures barrières dont les plus en vue sont le confinement, le lavage des mains, la distanciation sociale et le port obligatoire du masque de protection.
Mettre en pratique l’ensemble des mesures barrières n’est pas une mince affaire. Surtout dans le contexte camerounais où plus de la moitié de la population active exerce dans le secteur informel ou encore « la débrouillardise » comme cela se dit couramment.
A Sa’a, un quartier de la chefferie de 3e degré Batsengla, dans le groupement Bafou, arrondissement de Nkong-Ni, dans le département de la Menoua, les filles et fils vivant à l’extérieur ont, à l’initiative de l’un des leur Docteur Assadio Assadio, lancé une campagne de collecte de denrées de consommation courante pour soutenir les familles contraintes au confinement.
Ainsi plus d’une dizaine de sacs de riz, de cartons de savon, des masques de protection, un sac d’oignon, un sac de gingembre, des cartons de Maggie cube, d’allumettes, des sacs de sel de cuisine, des cartons de savon en poudre, des tines d’huile de palme, etc.
« Ce n’est pas la maladie qui va nous tuer, mais la famine. Depuis que les enfants sont en vacances forcés, nous ne savons plus où donner la tête. Les greniers sont vides. Les cultures poussent à peine » : Fonang Donfack Léopold est le chef du quartier Sa’a.
Ce projet initié par Dr Assadio Assadio, président du CLIRAP, une organisation œuvrant pour l’accompagnement et de l’encadrement des jeunes désirant poursuivre leurs études en Italie, en Allemagne et en Chine, a été favorablement accueillie par la diaspora et l’élite extérieur du quartier Sa’a.
« Ce qui m’a le plus touché c’est que l’OMS et le gouvernement veulent que les gens restent à la maison. On veut les confiner. Mais pour quoi peuvent-ils être tentés de sortir du confinement ? Parce qu’ils ont faim. Raison pour laquelle j’ai pensé que nous pouvions faire quelques chose pour ce qui concerne Sa’a. Au départ je voulais tout simplement leur remettre un sac de gingembre afin qu’ils en consomment pour renforcer leur système immunitaire et apprennent aussi à en cultiver. Lorsque j’en ai parlé à quelques frères et sœurs, cela a déclenché la chaine que vous voyez », Dr Assadio Assadio.
Cette belle leçon de solidarité des filles et fils de Sa’a mobilisés via un groupe WathsApp ne peut susciter que de l’admiration. D’ailleurs, la caravane du Pipad, soutenue par le réseau des femmes de la Menoua, la World Students of Medecine, la Fondation Kana, la Sansa Night Club et Vision Channel Africa n’ont pas hésité à venir sensibiliser cette heureuse population qui, après Sa’a s’est poursuivie à Toula Dizong et à Lefatsa dans le groupement Foto.
« On a souvent parlé de la solidarité africaine. Montrons donc aux yeux du monde entier cette solidarité africaine. Nous appelons les uns et les autres qui sont dans les villes afin que s’ils envoyaient souvent un carton de savon à leur maman, qu’ils lui envoient cette fois-ci trois ou quatre cartons», a lancé Dr Sanou Sobze, le président du Pipad et par ailleurs Vice-Doyen de la Faculté de Médecine de l’Université de Dschang.
Effectivement, en l’absence des mesures d’accompagnement du gouvernement, la riposte communautaire s’impose. Raison pour le Chef du quartier Lifatsa, dans le groupement Foto, d’inviter ses populations à se montrer moins avares et égoïstes par ce temps de confinement : « Nous devons apprendre à vivre comme au temps de nos parents. Donner à notre voisin quand nous en avions n’était pas un tabou. Nous avons copié des cultures avec lesquelles nous n’avons rien en commun. Il faut que cela s’arrête. Nous devons revenir à nos traditions. »
La solidarité doit redevenir le ciment des liens sociaux. Car elle évite de parler du riche et du pauvre. En offrant au voisin, au frère ou à la sœur, on le met à l’abri du besoin. On dira, par rapport à notre contexte, que cela évite de sortir du confinement auquel nous sommes astreints.
Pendant le confinement, le besoins sont énormes. Aucun don ne sera de trop. Sa Majesté Tagnang, chef du village Toula Dizong a lancé un vibrant appel à sa diaspora. « Ne vous fatiguez pas tant que vous avez la possibilité d’envoyer votre appui au village. Si une femme n’a pas du sel, elle sera obligée de se rendre au marché. Et en se rendant au marché elle pourra se faire contaminer. Quand on demande aux gens de rester chez eux c’est à dessein. Mais à l’absence des mesures d’accompagnement, nous devons avoir les coudes soudés et la main tendue ».
Si les populations n’ont rien à manger pendant le confinement, comment peuvent-elles respecter cette obligation. Pour preuve, dans la ville de Dschang, face à l’enceinte du marché fermée et placée sous haute surveillance de la police municipale, les populations ont envahi les abords de la route principale. Ils devenus un gigantesque marché de vivres. Une situation qui complique la stratégie du gouvernement.
Augustin Roger MOMOKANA