
lancement du projet de recherche SNIS
En marge de l’atelier de lancement du projet de recherche SNIS sur la problématique alimentation-déchets-agriculture, du 09 au 13 mars 2020 à l’Université de Dschang, sinotables a eu un entretien avec Dr Rolande Makamté kakeu-Tardy , chercheure à l’Université de Lausanne en Suisse.
Dites aux lecteurs de sinotables, qui est Dr Rolande Tardy ?
Je suis Dr Rolande Makamte Kakeu-Tardy. Je suis chargée de recherche à l’Université de Lausanne.
Quelles sont les raisons de votre séjour à l’Université de Dschang ?
Je suis venue à l’Université de Dschang pour présenter ce projet sur le compostage et l’agriculture urbaine. Il faut parler ici du cycle consommation, déchets et agriculture urbaine.
Quel est l’intérêt général de ce projet ?
Ce projet a un intérêt assez large. Il vise déjà à promouvoir l’utilisation du compost dans l’agriculture urbaine. Dans deux villes du Nord et du Sud, c’est-à-dire à Dschang au Cameroun et à Lausanne en Suisse. Ce projet vise également à ouvrir un dialogue entre les académiciens, les praticiens qui sont sur le terrain, les décideurs qui définissent la politique à l’échelle des villes. Il s’agit d’un projet qui vise à produire des résultats et à les diffuser à une très large échelle. Il est financé par le SNIS – Swiss Network for International Studies- qui est un fonds qui finance les recherches internationales pluridisciplinaires.
Un mot sur les acteurs de ce projet ?
L’Université de Lausanne est porteuse de ce projet international et dont le responsable est le Professeur R. Veron. Ses partenaires sont des institutions et des Ong/OI dont l’Université de Genève, URBAPLAN et AIMF en Suisse; Vous avez l’Université de Dschang et ERA-Cameroun au Cameroun. Dr Makamté kakeu-Tardy appuie la coordination internationale tandis que le Professeur Aristide Yemmafouo assure la coordination locale au Cameroun.
Par ailleurs, l’équipe du projet est constituée de chercheurs (Prof. R. Veron, Prof. M. Sahakian, Prof. A.Yemmafouo, Dr. R. C. Makamte Kakeu-Tardy, Dr S. Grand, Dr Moye Kongnso, C.), d’ingénieurs et d’experts (Dr C. Mumenthaler, M. J.Granjux, et M. J. Sagne Moumbe); vous avez enfin des membres associés dont l’AIMF à travers la Commune de Lausanne.
Nous parlons de l’usage du compost dans l’agriculture. Comment est-ce que vous regardez la pratique de gestion des déchets au Nord et celle et ici au Sud ?
Les deux systèmes de gestions sont assez différents. Il sera question au cours de l’atelier de voir exactement ce qui se fait au Nord et de chercher des éléments qu’on pourrait appliquer à d’autres villes similaires. Il est difficile de comparer deux villes assez différentes du point de vue socio économique. Nous avons vu qu’à Dschang il s’agit d’un système formel qui est soutenu par des partenaires étrangers, contrairement à ce qui se fait à Lausanne où la Ville encourage la pratique du jardin partagé dans le cadre de sa politique « Ville Verte ».
Qu’avez-vous relevé de particulier dans la présentation de l’atelier de la commune de Dschang ?
La précollecte participative a attiré particulièrement mon attention. J’en ai discutée, en tête-à-tête, avec le directeur de l’agence municipale de la gestion des déchets [Amged]. J’ai trouvé que c’était un aspect à creuser. Parce que je suis à me demander comment est-ce qu’on pouvait faire payer à certains ménages et pas à d’autres. Comment est-ce qu’on arrive à faire une gestion équitable des déchets ? N’a-t-on pas besoin d’un soutien spécifique pour mettre tous les ménages au même pied d’égalité ? Il s’agit d’un système qui est assez différent de celui de la Lausanne. Il demande à être étudié. Parce que nous ne sommes encore qu’au début du projet.

Parlons de l’enjeu de la gestion des déchets en rapport avec la lutte contre les changements climatiques. Un participant a dit ne pas croire en cette lutte au nom du climat.
J’ai compris sa question. Elle m’a déjà été posée. Elle est pertinente. Parce que les changements climatiques sont souvent liés à ces gaz à effet de serre qui sont surtout produits dans les pays du Nord à travers l’économie industrielle. Le projet ne voudrait pas s’intéresser qu’aux généralités. Mais aller dans les localités et souligner même s’il y a de petites contributions aux changements climatiques. Ne rien simplifier et atténuer. Voir ce qu’il faut faire d’un côté comme de l’autre. Parce que les changements climatiques ne concernent pas un seul pays. C’est pollué au Nord mais ici nous sommes affectés parce que nous respirons la même atmosphère. Ça nous concerne. Nous avons à dire. Nous devons être sensibilisés par rapport à ce qui se passe autour de nous, afin que rien ne nous surprenne. Les pays développés sont en majorité responsables, mais nous ne sommes pas indemnes.
Par rapport à la question qui a été posée. Au Nord ils produisent beaucoup de déchets, mais ils ont un système assez efficace pour les gérer. Contrairement au Sud où on produit également beaucoup, mais sans politique de gestion efficace pour les audacieux qui en ont le souci. Ici nous avons des faiblesses institutionnelles qui s’expliquent par la faible capacité financière de la mairie.
Le délégué départemental de l’environnement pour la Menoua a décliné la batterie des textes réglementaires qui régissent l’environnement et la gestion des déchets. Il a voulu minimiser les déclarations de l’agence municipale.
Très souvent on se plaint que la décentralisation n’a pas été suivie du transfert des ressources financières nécessaires. C’est ce qu’il a dit. Ce que nous retenons c’est que les moyens octroyés ne sont pas suffisants pour permettre aux municipalités de gérer leurs déchets comme cela se doit. Et comme je l’ai souligné lors de la présentation du projet, si les déchets sont mal gérés ils vont contribuer à l’augmentation du méthane dans l’atmosphère.
A quel niveau se trouve la Ville de Lausanne dans la pratique de l’agriculture urbaine ? Est-ce par manque de vastes espaces cultivables ou c’est pour des raisons de santé ?
C’est par souci de rendre la ville durable, d’associer non seulement l’économie, mais aussi l’environnement et le social. C’est par souci de réunir tous ces éléments dans le même panier qui déterminent, tous ensemble, la ville durable. Il y a le culturel qui s’y ajoute déjà. Nous avons déjà l’économie développée. Mais en termes d’environnement il est nécessaire d’avoir des arbres qui vont absorber les polluants. A Lausanne nous avons à faire aux jardins partagés, c’est-à-dire à une agriculture associative. Ça tend à réunir les gens, à créer des liens sociaux.
Quelles sont vos attentes du porteur de ce projet ?
Les attentes sont nombreuses :
Premièrement ce projet vise à briser l’isolation des chercheurs, c’est-à-dire des chercheurs qui font des recherches qui n’aident pas la communauté. Il ouvre le dialogue avec les autorités de la ville. Le maire de Dschang [Premier Adjoint, ndlr] a pu échanger avec les agriculteurs, les chercheurs. Pour comprendre quelles sont les opportunités, les limites et les menaces. Qu’est-ce qu’on apprend ailleurs ?
Deuxièmement, le projet favorisera des publications scientifiques pour faire évoluer la science. Pouvoir publier sur le lien alimentation-déchets-agriculture urbaine. Nous avons constaté dans la littérature qu’il manque des études sur ce cycle-là. Nous attendons que les étudiants de Master développent davantage le sujet, qu’ils utilisent les axes de ce projet pour produire des résultats.
Troisièmement, il s’agit de contribuer à l’atteinte des objectifs du développement durable (ODD) de façon plus large. Nous avons plusieurs axes que nous avons pu cibler : la ville durable, la sécurité alimentaire, parmi tant d’autres.
Quatrièmement, nous entendons diffuser les différents résultats à différents niveaux utiles et nécessaires. Et ce afin que le projet ne reste pas sur du papier. Qu’on arrive à le pratiquer sur le terrain. Qu’on arrive à dire que grâce à ce projet on a pu intégrer tel nouvel élément dans l’agriculture à Dschang où dans une ville similaire à Dschang. Et pareil au Nord.
Au final, il s’agit d’un projet sur le changement climatique. Si on arrive à intégrer le compost, de la bonne façon, dans l’agriculture urbaine on va avoir un impact sur le climat. Même si celui-ci est à 1 degré.
Pourrait-on s’attendre à voir un autre impact de ce projet qui soit l’établissement d’une coopération entre les villes de Lausanne et Dschang ?
C’est un vœu et je vous en remercie. Le professeur responsable de ce projet avait dit que le souhait serait de créer un lien avec la ville de Dschang. Parce que l’Université de Lausanne et la ville de Lausanne sont déjà liées par un accord institutionnel. Nous espérons que ce projet permettra un rapprochement entre Dschang et Lausanne.
Merci Madame
Je vous en prie.
Propos recueillis par Augustin Roger MOMOKANA