« On dit que Docteur SANOU SOBZE Martin est mort du Corona ? J’étais à la morgue lors de la levée de corps. Ce sont ses étudiants qui l’ont transporté du corbillard au hangar et du hangar au corbillard, puis à la maison. Ils l’ont fait sans mesure de protection particulière, excepté le port du masque. Sa femme et ses enfants n’ont présenté aucun signe ou symptômes de la pandémie. Sa part de Covid-19 -là était comment ? »
Cet article a été rédigé par Augustin Roger MOMOKANA pour le compte du journal en ligne Sinotables. Date de la mise en ligne 19 août 2021.
Asah’a nou signifie soleil naissant ou lever de soleil. Il est riche en vitamines nécessaires au corps humain. Il dissipe les ténèbres de la nuit. C’est un soleil qui très rapidement se transforme en éclat brûlant. A partir de son nom, il est aisé de comprendre que, comme le soleil matinal, Dr SANOU SOBZE Martin a vécu et s’en est allé. Il n’avait pas besoin de toute une éternité pour graver son nom sur les marbres de la vie terrestre.
Ça n’a pas été le gros échec que l’on craignait. Les témoignages objectifs et poignants ont comblé le fossé créé par l’amateurisme de l’organisation. Tant et si bien que docteur SANOU SOBZE Martin peut désormais se reposer tranquillement auprès de ses parents et ancêtres.
Une fausse note tout de même. Cinq heures de témoignages, soit de 11heures à 14h50. N’était-ce pas fatigant et assommant pour les invités et les amis venus nombreux pour rendre un dernier hommage à leur défunt ami ? Heureusement c’était des propos sincères pour quiconque avait connu et côtoyé le défunt.
De grandes absences. Les amis et partenaires du docteur SANOU SOBZE Martin. Les amis de toujours, ceux-là par qui notre le PCA du PIPAD jurait n’ont pas effectué le déplacement. Aucun d’entre eux. Ni le professeur Vittorio Colizzi, ni Antonio Porri, ni Ana Morgia, ni Vincenzo Cristiano, ni Maffo Suzanna Sandoz, et encore moins le docteur Gianluca Russo.
Ces grandes absences traduisent-elles la fin de l’amitié avec le Projet intégré pour la promotion de l’auto-développement (PIPAD) ? La Menoua espère accueillir bientôt, comme prévu depuis mars dernier, Marie-Pierre NYATANYI, présidente de l’association de droit belge Djaili Mbock asbl. Elle est attendue dans le cadre de l’évaluation du projet Makeda-Menoua qui œuvre pour l’autonomisation financière des femmes défavorisées.
Docteur SANOU SOBZE Martin s’en est allé, mais il aura moulé et laissé des professionnels suffisamment affûtés pour assurer la continuité et la pérennité de son œuvre, que ce soit au niveau du PIPAD où Armand TIOTIA et les autres faisaient déjà le boulot quotidien, ou au niveau Radio Nkwalah où Stève Caron CHOUNFACK ne va pas se déroger de la philosophie de la maison.
Le conseil d’administration très attendu devra avoir à l’esprit que parmi ceux qui pleurent le deuil, il y en a qui convoitent des postes, sans avoir l’expérience ni la passion du métier. L’erreur serait de donner du gouvernail où il ne devrait pas aller. Les partenaires, tel le « radar de Bamougoum », attendent le prétexte pour justifier son retrait. Il ne faudrait pas leur donner cette opportunité mal venue.
Les témoignages
Tous étaient mémorables, mais trois d’entre eux ont été particulièrement édifiants sur la personnalité du défunt. Il s’agissait d’un homme dont le sens de l’altérité était débordant. Cela, il l’a hérité de sa défunte mère. Elle avait éduqué ses enfants à ne jamais se gaver sans s’être rassuré que les personnes autour d’eux ont déjà mangés. Docteur SANOU SOBZE Martin a élargi cette leçon, s’interdisant de voir de la souffrance autour de soi. C’est le combat qu’il a mené pendant toute sa vie terrestre. Une vie de 49 ans seulement, mais très bien remplie. Ce n’est pas anodin ce témoigne de docteur ASSADIO selon lequel « Martin a volé les médicaments !». En effet, il n’a pas supporté de voir des médicaments sortis du marché à six mois de leur péremption, et jeté dans un coin en attendant d’être incinérés. Il a obtenu de les envoyer au Cameroun parce qu’en deux mois ils vont aider à sauver des vies humaines. Comment ne pas lui savoir gré d’avoir été de tous les combats pour l’intégration des jeunes camerounais en Italie. Il accueillait chez lui les compatriotes partis du pays sans point de chute. Il a œuvré pour que les diplômes camerounais soient reconnus par l’Italie. Imaginez qu’arrivé en Italie le doctorant ASSADIO est obligé de reprendre son cursus depuis la première année. Ce problème ne se pose plus car l’équivalence des diplômes a été actée. Pour preuves des étudiants de Niveau 3 à l’Université de Dschang ont été directement été admis en Master dans les universités italiennes.
Docteur SANOU SOBZE Martin avait un amour démesuré pour sa famille, pour son village Toula Ndizong, pour son groupement Foto, pour la Menoua, pour la région de l’Ouest, pour le Cameroun, pour l’Italie qui a accueilli et adopté sans réserve, et pour le monde entier. Le professeur sénateur Anaclet FOMETHE a relaté les circonstances de son retour au Cameroun et son immense apport à la densification de la coopération Italo-Camerounaise dont les fameuses visites d’Etat effectués au Cameroun du 17 au 20 mars 2016 par S.E. Sergio MATTARELA, et en Italie du 20 au 22 mars 2017 par S.E. Paul BIYA. Ces deux visites d’Etat ont eu pour conséquence, entre autres, la création de la faculté de Médecine et des sciences pharmaceutiques de l’Université de Dschang. Mais personne n’a évoqué la Maison du Cameroun à Vasanello, ni la participation de Dschang à l’Exposition universelle 2015 à Milan.
Et que dire des témoignages du professeur NGOUNE, de sa Majesté TAGNANG 1er, ou de Sa Majesté MOMO SOFFACK 1er ? Le premier dans l’oraison funèbre retrace la parcours d’un étudiant devenu un ami, le confident. Il a fondu en larme. Tout un professeur d’université qui fond en larmes. N’est-ce pas le savoir qui s’évapore dans la nature comme ça ? Les deux autres pleurent le fils et l’élite dynamique, philanthrope et sans frontière. Sa Majesté MOMO SOFFACK 1er a été si touché par cette disparition soudaine et tragique qu’il a ouvert les portes de la forêt sacré, afin que les dieux de Foto puisse tonner si jamais des mains humaines sont à l’origine de cette grosse perte.
L’Université de Dschang, l’employeur, par la voix du doyen de la Faculté de Médecine et des sciences pharmaceutiques a perdu en docteur SANOU SOBZE Martin un enseignant exemplaire et exceptionnel. D’ailleurs, le professeur CHOUKEM ne l’a pas dit, depuis que la mort est survenue, les étudiants n’ont pas encore eu un nouvel enseignant de santé publique et maladies infectieuses. Ce n’est pas une spécialité que l’on compte comme les doigts de bananes.
Le genre de deuil-ci ne peut pas, malheureusement, se dérouler sans incident. C’est un gros incident qui s’est produit et dont beaucoup de personnes, dans la cours du deuil, ne s’en sont pas aperçu. Des personnalités ont été éconduites alors qu’elles voulaient tout simplement rendre leurs derniers hommages au défunt. Imaginez qui elles sont ! Le Vice-premier ministre, secrétaire général du Comité central du Rassemblement démocratique du peuple Camerounais (RDPC), Jean NKUETE a été contraint de rebrousser chemin. Parce qu’il avait dans sa suite une personnalité que personne dans le quartier ne veut voir. Les gens du quartier étaient prêts à tout pourvu que cette personnalité ne vienne pas au deuil de leur frères et fils. Pour quoi et pour qui l’ont-ils fait ? C’est la question que tout le monde se pose à Dschang.
Les obsèques du docteur SANOU SOBZE Martin viennent boucler un deuil déclenché le 23 mai dernier, lorsque le médecin, vice-doyen de la Faculté de médecine et des sciences pharmaceutiques de l’Université de Dschang, PCA du PIPAD et PCA de Radio Nkwalah a été emporté par le coronavirus qu’il a combattu de toutes ses forces, avec l’appui de quelques maires (Fongo-Tongo, Fokoué, Nkong-Zem) dans le cadre de la riposte au niveau du département de la Menoua. L’on se souviendra toujours de ces nombreuses séances publiques de fabrication à base du papier des masques de protection, des solutions hydroalcooliques, la vulgarisation des techniques de lavage des mains, etc. Il a fait sa part, appuyé par ses collaborateurs, ses étudiants, ses amis.
Triste sort, c’est la pandémie qu’il a empêché de faire son nid dans le département de la Menoua qui l’aurait emporté.
Augustin Roger MOMOKANA