
gestion des déchets
Emmanuel Ngnikam était à Dschang la semaine dernière, à l’occasion de la réunion d’évaluation du projet MaGeTV. Sinotables s’est entretenu avec celui qu’on appelle « Monsieur Déchets » au Cameroun.
En quelques mots, dites à nos lecteurs, qui est Emmanuel Ngnikam.
Je n’aime pas parler de moi, car je pense que ce sont mes œuvres qui doivent parler pour moi. Je suis un croyant engagé et je remercie Dieu tous les jours de me donner plus de forces et de santé afin que je puisse apporter ma petite pierre à la construction de ses œuvres sur la terre des Hommes.
Pour nos lecteurs. Emmanuel Ngnikam est le coordonnateur d’Era-Cameroun, acteur majeur de l’accompagnement des collectivités locales dans la gestion des déchets solides et biodégradable. Vous êtes Maître de Conférences. Mais vous avez axé en 2000, à l’ENSA de Lyon en France, votre thèse de doctorat sur « Évaluation environnementale et économique de systèmes de gestion des déchets solides municipaux : Analyse du cas de Yaoundé au Cameroun. » Mais disons que vous êtes depuis 2008 Expert pour le suivi de la ville de Dschang en matière de gestion des déchets.
En effet, et vous l’avez si bien dit.
Que doit-on retenir au sortir de la séance d’évaluation du projet MaGeTV que vous venez de conduire pendant 48h?
On peut retenir que le projet est sur la bonne voie malgré les difficultés qui sont inhérentes à la mise en œuvre de projet de cette envergure. Nous avons passé en revu les activités et les indicateurs de résultats. A huit mois de la fin de ce projet, 80% des résultats sont déjà atteints. Nous aurions souhaité être au moins à 90% à cette étape d’avancement, mais toute l’équipe du projet doit se mettre au travail afin d’atteindre tous les résultats à la clôture du projet en décembre 2019.
Quels sont les points forts et les points faibles du projet que vous auriez relevés au cours de cette séance de travail?
La principale force c’est que nous avons une équipe de projet soudée et dynamique. Bien que le projet soit mis en œuvre presque à part égale par la Commune de Dschang et ERA – Cameroun sur le terrain, vous allez constater qu’on a une seule voie qui est le coordonnateur de l’AMGED et chef de ce projet. Le projet a vu naitre de nouvelles activités qui n’étaient pas prévu au départ, c’est la pré-collecte payante qui est conduite sur le terrain actuellement pas trois OSC recrutés par la commune (AMGED). A ce jour, nous avons 1500 ménages de la ville de Dschang qui bénéficient de cette pré-collecte et qui paye régulièrement 500 FCFA par mois en moyenne pour bénéficier de ce service. Le succès de la pré-collecte nous permet de pallier à certains insuffisantes constater dans l’approvisionnement des plateformes de compostage par les camions de collecte.
Le deuxième point fort que je peux signaler c’est l’ancrage institutionnel. L’Agence Municipale de Gestion des Déchets qui est l’organe de pérennisation du projet est déjà actif depuis trois ans et étant son expertise au-delà de la commune de Dschang, dans tout le département de la Menoua. Bien qu’elle rencontre encore des difficultés pour l’équilibre de son fonctionnement, je pense qu’on est sur la bonne voie et cette agence devrait servir d’exemple à d’autres villes qui ne bénéficie pas de l’appui de l’Etat pour la collecte de leurs déchets.
Le troisième point fort c’est l’activité de valorisation des déchets à travers le compostage. Le compost produit à Dschang gagne en qualité et le pôle valorisation des déchets qui est coordonné par ERA – Cameroun maîtrise déjà toutes les techniques de production et de commercialisation du Compost. Le projet a bénéficié du projet carbone dans le PPD a été validé en fin de l’année dernière. C’est ici l’occasion de salué la contribution de GEVALOR, qui depuis le 1er avril 2019 a fusionné avec le GRET. Ce qui faut préciser c’est que l’enregistrement du projet au crédit carbone, permettra de générer les ressources supplémentaires de 6,5 millions de FCFA par an pendant les dix prochaines années. Ceci à condition que la commune de Dschang puisse collecter régulièrement les déchets et que la décharge de Siteu soit bien gérée.
Comme point faible, nous signalons la faiblesse de taux de collecte des déchets par la commune, qui malgré la mise en place de la pré-collecte payante, nous a obligé de revoir les objectifs du projet à la baisse. Au lieu de 10 000 tonnes de déchets traités par an qui était l’objectif de départ, nous sommes aujourd’hui à 3500 tonnes de déchets par an.
A quoi devrait-on s’attendre après cette évaluation? Des recommandations ont-elles été faites, si oui lesquelles et à qui?
La principale recommandation qui a été faite c’est de tout faire pour atteindre les objectifs du projet dont certains ont été revus à mi-parcours. Pour cela tous les partenaires du projet et principalement la commune de Dschang qui est le porteur doivent respecter leurs engagements.
Quel regard Era-Cameroun qui accompagne la Commune de Dschang dans ce projet pose-t-il sur l’AMGED pour la suite de la gestion des déchets?
Comme je l’ai dit plus haut, l’AMGED est sur la bonne voie. Mais je pense que cette Agence mérite encore un grand soutient politique de la part des élus pour avoir pleinement les moyens dont il a besoin pour conduire sa mission.
Est-il possible de rêver d’une ville camerounaise propre et verte, à quelles conditions?
Oui il est possible d’y parvenir et pas seulement de rêver. Pour cela, les trois acteurs qui font la ville, c’est-à-dire l’Etat, la CTD [collectivités territoriale décentralisée, ndlr] et les habitants doivent jouer chacun sa participation. Les déchets (solides et liquides) sont les principales causes d’insalubrité de nos villes. L’Etat doit accompagner sur le plan financier et technique les villes à pouvoir gérer leurs déchets et mettre en place des stratégies pour développer les espaces verts et les forêts urbaines. Beaucoup d’efforts sont déjà faites, notamment à travers le financement des contrats de propreté dans certaines villes. Mais nous pensons que cet appui doit couvrir les villes secondaires qui se battent par les moyens propres pour faire face à la gestion de leurs déchets. L’exemple de la ville de Dschang, un appui financier annuel de moins de 100 millions de francs CFA pour le fonctionnement de l’AMGED suffirait pour faire passer le taux de collecte actuel de 30% à 50%, avec un taux de valorisation de près de 50%. Le modèle de Dschang peut être durable à condition que l’Etat et la collectivité mettent les moyens nécessaires. La participation du citoyen est un autre facteur de succès. On a montré à travers l’exemple de la ville de Dschang, que les citoyens sont prêts à contribuer à la pré-collecte. Il faut ajouter que dans la stratégie de réduction des déchets à la source, plusieurs innovations sont en train d’être expérimentées, dont les compostières communautaires qui permettent à un groupe de ménage de gérer leur manière organique à la source et de créer ainsi à travers les déchets des espaces de dialogue social entre voisin. Si une telle expérience se généralise dans la ville de Dschang par exemple, cela permettrait de prendre en charge et de manière écologique à la source près de 50% des déchets produits dans la ville. Je dois signaler que ce dispositif demande un investissement de départ de 250 000 FCFA pour dix familles.
Je vous remercie.
Je vous en prie.
Propos recueillis par Augustin Roger MOMOKANA