« Aujourd’hui nous ne fêtons pas seulement l’anniversaire, mais nous fêtons l’Amour. L’Amour dans notre famille. Parce que dans cette grande famille on ne nous entend jamais. Tous nos problèmes se règlent en famille. Je voudrais profiter de cette occasion pour me réconcilier avec tous ceux que j’ai eu, à tort ou à raison, des frottements. Qu’ils me pardonnent pour le mal que je leur ai fait. »
Comment envisagez-vous entrer dans votre soixantenaire ? Chacun y va selon ses goûts et penchants. Pour les uns c’est une soirée arrosée des stars et saveurs gustatives servies par le dernier gastronome « de la planète », pour d’autres c’est un gigantesque gâteau servi en montagne ou en bordure de mer. Une autre catégorie ne connait point d’anniversaire parce que n’étant pas de cette tribu.
A Bamendou, dans l’arrondissement de Penka-Michel, région de l’Ouest-Cameroun, NOUBOUSSI Pierre, ingénieur des travaux publics, a souhaité renforcer sa proximité avec Dieu, en sollicitant un culte d’action de grâce. NOUBOUSSI (en langue Yemba parlée dans la majeure partie du département de la Menoua) veut dire que « Tout à Dieu ».
« Enfants ! Obéissez à vos parents car cela est juste. Honore ton père et ta mère. Afin que tu sois heureux et que tu vives longtemps sur la terre. Et vous pères, n’irritez pas vos enfants, mais élevez les en les corrigeant et en les instruisant selon le Seigneur», dit le clergé célébrant.
Rien d’étranger car Ingénieur –de son petit nom- est né et élevé dans une famille de croyants et fidèles chrétiens de l’église évangélique du Cameroun (EEC). La concession familiale est illuminée par la paroisse EEC de Djoua qui trône à son entrée est. Une présence qui fait « ma joie », d’après un membre de cette famille.
D’ailleurs, c’est dans cette concession familiale que la messe d’action de grâce a été organisée samedi 16 décembre 2023. Messe célébrée par un collège de pasteurs de l’EEC du district de Penka-Michel dont le révérend Pierre TAYO aujourd’hui à la retraite. Le révérant Pierre TAYO a servi à Dschang-ville et à Mokolo à Yaoundé.
Dans son prêche, le clergé a loué et vanté la bonté et la miséricorde du Créateur. Car Dieu sait répondre aux sollicitations de tout fils qui respecte ses commandements, il sait bénir toute famille qui se plie à sa volonté. NOUBOUSSI Pierre en est un exemple à suivre et à copier par ses amis et ses proches.
« En comptant sur toi Seigneur, tu augmenteras nos jours. Daigne augmenter nos jours à cette occasion où nous voulons célébrer avec papa Pierre et toute sa famille cet anniversaire », prie le clergé.
Ainsi, la famille de papa NOUBOUSSI doit être copiée dans le village Bamendou comme étant un exemple de dévotion au Seigneur. Parce qu’elle récolte les fruits de la bonté de Dieu. Le parcours de NOUBOUSSI Pierre est un exemple de cette bonté du Seigneur.
Ingénieur NOUBOUSSI Pierre est un fils respectueux, un frère aimable, un époux jovial et juste, un père attentionné et rigoureux, un ami fidèle et respectueux, un citoyen entreprenant et soucieux du développement de la communauté. Et lorsqu’il vient de demander au Très Haut, il élève sa voix :
« Il y a deux choses que je vais demander à Dieu : je voulais demander à Dieu de continuer à me donner la force et les moyens de le servir. Je demande aussi à Dieu de susciter un pasteur parmi nos enfants, parmi les enfants de Moho Teikeu… C’est ça qui nous manque. Il nous a tout donnés. Il nous a donnés une église en haut de chez nous, il nous faut un berger qui doit être avec nous, prier pour nous lors de nos réunions familiales ».
NOUBISSI Pierre a perdu son père alors qu’il était à peine âgé de 10 ans. Sa mère devenue veuve et cultivatrice, a pu toute seule élever son fils jusqu’à ce qu’il devienne ingénieur des travaux publics. Statut qu’il a su doubler par ses activités d’entrepreneur prospère dans plusieurs domaines dont l’éducation, l’élevage et l’agriculture.
Ces qualités qui se dégagent de l’être de NOUBOUSSI Pierre suscitent de la curiosité, des envies dans l’entourage et classent notre type parmi les modèles très suivis dans son village Bamendou. Cette réussite, il la doit à la crainte de Dieu, à l’amour du travail et au respect inconditionnel du prochain : « on ne peut rien sans les autres », a-t-il déclaré.
Ses rares amis sont des fidèles. Ils ont trouvé en lui une personne irremplaçable. Une personne pour qui l’amitié est sacrée au point où pour en apporter le témoignage on donne à l’enfant le nom entier d’un ami. Alhadji ISSA en est un témoin vivant de cette amitié sans limite.
« Dans la vie, pour que les relations soient soudées, vous devez avoir des similitudes. Si les comportements ne se ressemblent pas, il sera difficile que vous soyez en amitié. En ce moment-là je vivais à Bamenda. Pendant les vacances il envoyait ses enfants passer les congés avec moi parce qu’il voulait non seulement que les enfants soient avec moi, mais surtout pour que les enfants apprennent l’anglais. Et quand les enfants venaient je les inscrivais au cours de vacances. La plus part de ses enfants parlent anglais. Je suis ingénieur agronome lui est ingénieur des travaux publics. Chaque fois il me consultait : ”qu’est-ce qu’il faut faire pour avoir ceci en agriculture ? ” c’est à partir de cela qu’il s’est performé en agriculture. Il fait la pomme de terre, il cultive le melon, etc. » Alhadji ISSA et Ingénieur NOUBOUSSI Pierre se sont rencontrés en l’AN 2000, à en Master, à l’Université de Dschang. L’ami fidèle brosse le portrait de son ami fidèle en quelques mots: C’est une personne ouverte, disponible, très polie, très organisée, très attachée aux valeurs humaines, c’est un travailleur infatigable ouvert aux conseils et critiques pour s’améliorer.
« A soixante ans ont peut dire qu’on est mûr. A soixante ans on peut dire qu’on ne fait plus les choses au hasard. A soixante ans on peut dire « je t’ai dit non et je t’ai dit oui, qu’on ne se laisse pas influencer, qu’on ne se laisse pas dominer mais on compte sur Dieu. »
A soixante ans on compte sur Dieu, justement ! Et c’est sans doute la raison pour laquelle NOUBOUSSI Pierre a décidé de s’asseoir sur la chaise non pas selon les us et coutumes Bamendou, mais selon la volonté des pasteurs. On s’assoie déjà sur les chaises dans les églises ! L’EEC a trouvé des arguments pour convaincre ses fidèles à se plier à cette pratique. Cela vaut-il pourtant de rejeter ses traditions ancestrales, Ingénieur NOUBOUSSI Pierre ?
« Dans le temps, quand on accouchait un garçon dans une concession, il était appelé à ne jamais s’asseoir sur une chaise dans la maison paternelle. Tu avais la possibilité de t’asseoir sur un tronc de bananier ou sur un tronc d’arbre qu’on a coupé et déposé là. C’était pour les enfants qui n’ont pas encore fait quelque chose dans la concession. Ou bien on jetait la natte au sol pour que les garçons, quel que soit leur âge, puissent s’y asseoir. Cela jusqu’au jour où tu te sens homme et fais les meubles pour ton père ou construis la maison paternelle. Alors ton père a le droit de dire : « mon fils, désormais quand tu arrives, tu ne dois plus t’asseoir sur le tronc ou à même le sol, mais sur la chaise. »
Fort de cette légende, NOUBOUSSI Pierre a offert un salon Louis XIV à son père. Puis par la suite, sous la supervision du clergé, le père et l’ainé de la famille ont procédé au rituel de la chaise. A leur suite, le clergé a prié pour sa bénédiction et imploré le Seigneur de le protéger et de lui apporter plus d’abondance. Ce rituel, tout comme les autres aspects de la messe, s’est déroulée sous les yeux hagards des dignitaires traditionnels et coutumiers présents.
Aussi paradoxalement que cela puisse paraitre, le clergé a appelé les membres de son église à adorer les crânes vivants et non les crânes morts. Or dans la Parole, les saints et les anges qu’ils adorent sont des morts dont l’église ne compte plus que sur leurs reliques pour évoquer leur existence sur la terre.
« Quand ton père est encore là, quand ta mère est vivante, sois reconnaissant pour les sacrifices qu’ils ont fait pour toi. Donne leur ce qu’ils peuvent manger et dire « mon fils, sois béni à jamais ! »
Maman MAJIOGUE Christine, la mère de NOUBOUSSI Pierre n’a pas caché sa joie de vivre l’événement qui marqué l’entrée de son fils dans la prestigieuse classe des sexagénaires.
« La plus part de mes amies sont déjà parties. Je remercie le Seigneur d’avoir permis qu’au moment où mon fils vienne voit son père je sois encore vivante. Si dans l’autre monde on se retrouve, je raconterai à tous les amies qui m’y ont précédées ce qui s’est passé après leur départ. Je leur dirais que la concession de Moise est devenue la demeure du blanc. Si quelqu’un construit une bonne fondation, sa concession connaitra la prospérité et le bonheur. La Famille de Moise grandit parce qu’il a posé la bonne fondation et je souhaite que cette grandeur rayonne. Les gens disent que la polygamie est une mauvaise chose. Je dois vous dire que nous étions huit femmes dans cette concession et personnes ne nous avait jamais entendues. Les autres sont parties au point que nous sommes encore seulement deux. Je prie le Seigneur de ne pas rompre que nos départ soient selon notre rang dans l’arrivée ici. Qu’il fasse en sorte que lorsque je vais m’en aller, ma coépouse ait deux ou cinq ans pour s’occuper aussi de nos enfants avant de nous rejoindre. Nous parlions la même langue avec notre mari et cela n’a pas changé malgré le temps. Je remercie le Seigneur de nous avoir permis de garder la concession propre comme au temps de notre mari. »
Généralement les grands parents sont un parapluie pour leurs enfants. D’ailleurs, ce sont les étrangers qui ont importé les termes grand-père, grand-mère, oncle, tante, etc. en Afrique, personne ne peut jurer d’être le seul à réussir à éduquer et à nourrir son enfant. L’individualisme occidental avec ses effets a malheureusement pris le dessus ici en Afrique. Au point où l’enfant ne se fait plus prier pour différencier sa mère porteuse de sa mère nourricière.
Le grand-père a demandé à son petit-fils savoir garder sa réussite sociale afin de ne pas susciter des mécontents. Ce n’est pas parce que tu t’es assis sur la chaise chez ton père que tu pourras t’asseoir sur n’importe quelle chaise. L’animal vit longtemps parce qu’il se cache dans la brousse.
Quant à lui, le père n’a pas eu des mots pour exprimer sa joie de recevoir un salon de son fils. Il a chanté une louange au Seigneur. Puis, à la demande du clergé il a procédé au rituel de la chaise tel que imaginé et voulu par lui. L’enfant a posé l’acte majeur et doit désormais s’asseoir sur une chaise et pas n’importe laquelle.
« Aimons-nous les uns les autres. Nous sommes ici pour célébrer l’enfant. Mon fils est venu me saluer et j’en suis juste ému. Je salue ses amis, le clergé, ses majestés. Je ne sais où je me retrouve. Parce que non seulement il m’a mis ce beau costume, mais il vient aussi de me donner ce que je vois souvent seulement à la télévision: un salon Louis XIV. Ce qui voudrait dire que demain, peut-être, mon fils pourra débarquer ici avec un avion. N’est-ce pas le profit d’avoir des enfants ? »
Au cours de cette célébration, une somme de près de 400 000 FCFA a été collectée. Elle va servir pour poursuivre les travaux de crépissage de la paroisse EEC de Djoua en cours de réhabilitation.
Pendant la célébration, les épouses de NOUBOUSSI Pierre ont tenu les rênes de l’orchestration. Comme quoi la grandeur d’un homme, c’est l’attention que lui accorde son épouse.
Augustin Roger MOMOKANA