Par Augustin Roger MOMOKANA
Ce grand reportage représente les temps forts des obsèques d’un dignitaire dans le département de la Menoua. Ce fut un événement grandiose et mémorable malgré son caractère triste. Cette présentation est un arrêt de Sinotables sur les moments exceptionnels parmi les ceux qui ont couronné la cérémonie du 7 au 9 mars de cette année.
Le village Loung I, à Ndziih, dans le groupement Bafou, arrondissement de Nkong-Ni, a connu une grande effervescence samedi 9 mars 2024, à l’occasion des obsèques du patriarche Fo’o Meghang-ha MBOSSO Jean plus connu par certains sous l’appellation « Maire MBOSSO ».
Né vers 1938 à Bafou, de Mooh Tegni NdjioH TEMGOUA et de Mefo DONGMETO, MBOSSO Jean, dit Fo’o Meghang, est décédé le 4 décembre 2023 à l’Hôpital Régional Annexe de Dschang des suites de longue maladie. Il était âgé de 86 ans. L’organisation de ses obsèques était coordonnée par le Professeur AKANA Léonard.
Dès les premières heures du jour, plusieurs milliers de personnes ont pris d’assaut la cour principale de la concession du défunt pour assister à ce rendez-vous à la fois douloureux, émouvant et mémorable. Des chapiteaux et des chaises suffisants avaient été installés pour les accueillir.
Au centre de la cour, un chapiteau a été dressé dans lequel sont disposés les reliques du défunt : photos, vêtements, gerbes de fleurs, objets du pouvoir, etc. Tout ce qui renseigne sur la dimension administrative, politique et traditionnelle de cette personnalité qui aura marqué son époque.
Sous la conduite de Sa Majesté Fodong KANA III Victor, chef supérieur Bafou une demi-douzaine de chefs supérieurs sont venus s’incliner sur la dépouille de ce grand homme. Ce sont Fondjomenkwet, Fossong Ellelem, Fongo-Tongo, Fotsognang de Baleveng et Fô Bamendou. Chacun était à la tête d’une délégation composée de reines et de notables.
« Lorsque je venais ici, c’était pour voir mon papa et lui à son tour il me prodiguait de sages conseils pour mieux remplir ma fonction de chef du groupement Bafou. Je voudrais vous dire que lorsqu’on appelle quelque « patriarche », ce n’est pas au hasard. Cela est la conséquence de l’observation faite sur sa façon de vivre, ses qualités exceptionnelles et son ouverture. Je demande aux orphelins et aux veuves de s’unir comme nous les chefs supérieurs que vous voyez ici. Chacun a abandonné son peuple pour venir me soutenir en cette circonstance difficile. Soyez des pacifistes comme votre père. Je serai avec la personne que votre père a choisie pour lui succéder. Comme vous le savez très bien, il n’y a qu’un seul successeur », Sa Majesté KANA III Victor.
Les chefs de villages quant à eux, sont près d’une vingtaine. Ils viennent de Bafou, des groupements voisins et même d’autres contrées de la région de l’Ouest. Ils se sont joints au chef du village Loung I. Parmi eux S.M. MOMO Anatole, chef du village de Zifeng et son homologue TSOBNY Calvin de Jonhy Baleng.
De nombreux universitaires et personnalités étaient également présents. Ce sont des fils, des admirateurs, des amis et surtout des fils de Bafou venus dire au revoir à l’un des grands sages de leur communauté. Le professeur Bernard NGUIMDO DONGMO fait partie des personnes qui ont fini l’école. Il n’y a plus de classe ou d’enseignant qui prétende l’accueillir pour lui dicter les connaissances.
Le patriarche MBOSSO Jean a été successivement administrateur municipale de la Commune Mixte Rurale de Dschang, et maire de la Commune Rurale de Dschang qu’il a doté de l’imposant bâtiment en contrebas du palais de justice de Dschang, enfin Conseiller municipal de Nkong-Zem.
Par la suite, il est devenu un messager de Dieu. C’est dans le cadre de cette nouvelle fonction qu’il a pris le nom Fo’o Meghang-ha. A ce titre, il a soigné de nombreuses âmes en détresse et sauvé de nombreuses vies humaines. La dimension de sa concession tient de cette fonction. «Comment rendrons-nous à papa toute le bien qu’il a faits ? Je vais vous dire, en ce qui me concerne, que lorsque j’arrive ici j’étais un homme perdu. Quand j’arrive ici je ne sais pas quoi dire. Je n’attendais plus que la mort. Lorsque j’arrive ici, il m’indique la chambre où je dois faire mon lit. Dieu, à travers papa, a fait du miracle et je voudrais tout simplement lui dire merci. » Chouffo Nguefack Paul.
Chef de famille, le patriarche MBOSSO Jean a embrassé la polygamie. Il a épousé six femmes dont il en perdra malheureusement deux et quatre enfants. D’ailleurs, ce sont ces malheurs successifs qui ont concouru à fragiliser son état de santé, l’exposant à la rage du diabète et de deux accidents vasculaires cérébraux. Pour lui, « un enfant qui ne réussissait pas à l’école, papa considérait qu’il n’avait pas droit aux présents. Ce qui a créé des frustrations chez certains de ses enfants qui n’avaient pas compris que son souci était voir ses enfants réussir », témoigne le professeur Mbosso Teinkela.
Il avait vu en la terre une mamelle nourricière qu’il exploitait avec sa famille. A un but à commercial et alimentaire. Aussi compte-t-il parmi les grands producteurs du café arabica dans le département de la Menoua. Il sera d’ailleurs administrateur de la coopérative agricole des planteurs de la Menoua (CAPLAME) pendant plusieurs décennies. Les représentants de cette société ont d’ailleurs saisi l’opportunité pour inviter les populations à ne pas totalement abandonner la caféiculture.
Au service de la communauté, Fo’o Meghang-ha jouit de la réputation de grand tradi-praticien de santé. Il soignait et traitait ses patients venus de tous les horizons, juste en leur faisant boire de l’eau du robinet. Plusieurs d’entre eux ont tenu à lui rendre hommage pour le bien qu’il leur a fait en les redonnant la « vie » alors que leur parcours terrestre étaient au rouge.
Au service de la nation, MBOSSO Jean fut successivement non seulement administrateur municipale de la Commune Mixte Rurale de Dschang, maire de la Commune Rurale de Dschang, mais aussi Trésorier de la section départementale de l’Union nationale camerounaise (UNC), du Rassemblement démocratique du peuple Camerounais (RDPC), membre fondateur de Rénovation FC de Dschang, Trésorier de l’Aigle royal de Dschang.
Malgré ses grandes qualités humaines et son aura, MBOSSO Jean ne s’est pas laissé emporter par le goût du pouvoir traditionnel. Comme c’est généralement le cas pour les personnalités de son rang. Il s’est donc interdit de participer à la division de son village dans l’optique de devenir chef traditionnel. Sa grandeur il la tient de Dieu et cela lui est largement suffisante: sa grande famille et son don de guérisseur font de lui un dignitaire parmi les plus respectés et les plus sollicités tant pour sa sagesse que pour son humanisme.
Les veuves saluent un mari exemplaire, un époux qui a su maintenir sa famille unie. Ainsi tout le monde mangeait la nourriture de tout le monde, dans la maison où la famille s’est retrouvée ce jour-là. Cela a contribué à consolider les liens de famille, à instaurer la complicité entre les uns et les autres.
Quant aux belles-filles, elles se considèrent non pas comme des enfants venues d’ailleurs mais comme des enfants de la maison. Parce que leur grand mari a fait d’elles ses amies, au même titre que ses propres enfants.
Les petits-fils saluent un grand-père qui a pour crédo le culte de l’effort, la paix et le sens élevé de la famille. Et ce vœu lui réussit très bien parce qu’il est grand-père de médecins, d’ingénieurs, etc. « nous avons eu cette chance de profiter de sa présence, évidemment au village où il avait instauré le congrès familial. C’était toujours une fierté de nous retrouver autour de grand-père. Chacun de nous recevait une poule de grand-père. Le nom Mbosso nous a ouvert des portes à plusieurs reprises. Personnellement je remarque des personnalités qui m’ont ouvert leur porte tout simplement parce que je porte le nom de grand-père », dit Docteur Mbosso Djoumessi, représentant des petits-fils du défunt.
Quel homme ! Alors que MBOSSO Jean devient maire de la commune rurale de Dschang, ses camarades d’enfance sont convaincus d’avoir perdu leur compagnon de tous les jours. C’est mal connaitre cet homme qui, chaque fois qu’il trouve du temps, ne manque pas de venir passer du temps avec eux. Son ami intime a envoyé le fils le saluer pour cette marque de fidélité. «L’écart entre le maire et un villageois comme moi n’a pas égratigné notre amitié. La plupart de ces belles photos devant vous sont soigneusement gardées dans les archives de mon père. En tant que fils de papa Alexandre je suis fier d’être le fils de l’ami du premier maire originaire de Ndziih. J’étais également fier d’entrer à la mairie sans avoir peur. En tant que mon père je confirme tout ce que vous avez dit. Parce que, que ce soit l’ouverture de la route après 1967, que ce soit l’arrivée de la lumière ici à Ndziih, c’est lui qui nous sort des ténèbres, de l’obscurantisme », a témoigné représentant de papa Lezenda.
Les bienfaits, notamment les routes créées, l’électrification du village, sont le meilleur héritage du maire Fo’o Meghang-Ha MBOSSO Jean à la génération future. Le Forum pour le Développement du Village Loung ne tarira jamais assez d’éloges en la mémoire de leur défunt Conseiller qui s’illustra à leurs yeux comme un bâtisseur sans frontière, une véritable légende, une boussole pour les générations présentes et futures. La bibliothèque a pris feu, dira son coordonnateur national.
L’un des derniers survivants du clan d’âge, medzong Mbeng Mewè s’en est allé. Le dernier des mohican doublé de quelques successeurs de membres parti quelques années plus tôt ont tenu à dire adieu à leur camarade.
Le ministre Jean Pierre FOGUI a, dans son témoignage, pris du plaisir à explorer les noms de l’illustre disparu. Globalement, l’on retient que MBOSSO signifie « la jalousie ou la haine gratuite » (langue yemba parlée dans la majeure partie du département de la Menoua). Ainsi tous ceux qui ont nourri de l’animosité contre MBOSSO ne l’ont pas empêché d’accomplir son destin. Fo’o Meghang-ha quant à lui signifie « le chef qui marche en faisant sonner des clochettes » pour dire qu’il ne marche pas sur la pointe des pieds. Les clochettes sont un instrument pour mobiliser les hommes afin de leur livrer un message. La bonne nouvelle dont était porteur cet homme c’était les soins qu’il administrait à ses patients.
Une personne qui n’a pas de défaut n’est pas un bon vivant. MBOSSO Jean a eu les siens, mais les témoignages ont laissé entendre que ses points positifs étaient largement au-dessus des points négatifs. Tant et si bien qu’ils ont tout simplement sollicité du Créateur qu’il pardonne à ce grand homme ses manquements afin que, comme les saints, il puisse se reposer paisiblement dans l’ombre de la vie éternelle.
Pour assurer l’encadrement de sa grande famille, Fo’o Meghang-ha MBOSSO Jean a désigné MBOSSO FOTSIA Arnaud parmi sa nombreuse progéniture. Il aura à ses côtés respectivement Ma’ah Messob DJOUMESSI MBOSSO Florence (sa fille ainée est dans l’ordre naturelle des chose le Conseiller spécial du nouveau chef de famille), le professeur MBOSSO TEINKELA Jean Emmanuel (Tuéte), MBOSSO KENKEM Martial (Sa’a), TSAGUE MBOSSO Mèffodong Berline (1ère Mèffo), MEFFOMEKIET MBOSSO Philomène Charlie (2è Mèffo), MBOSSO MEFOMEGHANG Juliette (3è Mèffo), MBOSSO VOUFFO Murielle Laura (4è Mèffo), MBOSSO Hortense (5è Mèffo), MBOSSO NOUMEDEM Véronique (6è Mèffo), LENKO MBOSSO Iris Merveille (7è Mèffo).
Au moment où le Maire FO’O MEGHANG-HA MBOSSO Jean sent ses forces l’abandonner, il a un seul vœu : l’unité et la paix dans sa famille. Un vœu repris en chœur aussi bien par le roi des Bafou que par les amis et les beaux-fils. « Je fais de son souhait le mien, à savoir que cette famille soit soudée, reste unie et que les lendemains de Fo’o Meghang-ha soient plus resplendissants que le fut son si brillant passage sur terre », formule Nwemba Sa’ngong.
« Madame, Monsieur,
Permettez-nous, au terme des obsèques de notre père le Maire Fo’o Meghang-ha MBOSSO Jean, de vous dire mille mercis pour la précieuse assistance que vous nous avez apportée pour ce grand et bel hommage.
Nos remerciements vont également au journal Sinotables.com pour le travail d’information accompli en cette circonstance particulièrement difficile pour notre famille.
(é) La famille »
Ce reportage a été réalisé avec l’aimable concours de Kenfack Zambou Roch, fils adoptif du patriarche MBOSSO Jean.
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Augustin Roger MOMOKANA