La CAN est passée et nous avons tous jubilé aux rythmes des exploits de nos lions. Vous avez tous constaté que je suis un vrai passionné de foot et nous nous sommes lâché pendant la compétition. Nous étions tellement contents que j’ai suggéré à mes amis comme Bangmo Narcis Ulrric et Clou Armand Dibankeu ou Mathieu Youbi de laisser d’abord les Camerounais “jubiler” un peu avant de débuter des analyses. Seul Boris Bertolt pourtant si tranchant dans ses analyses du système de gouvernance en place semble respecter pour l’instant cette période de jubilation du peuple camerounais. Comme la fête est terminée, nous pouvons reprendre nos combats. A cet effet, je vous livre selon ma vision la recette de ce succès: C’est le CHANGEMENT. Le “changement” est une notion qui a été étudiée et théorisée par d’imminents scientifiques.
Pour comprendre la théorie du changement, il faut relire les enseignements de l’école de PALO ALTO.
C’est à Gregory Bateson, figure de proue de l’Ecole de Palo Alto, que revient le mérite d’avoir apporté des éléments déterminants pour la compréhension du “processus de changement”. Bateson distingue deux types de changement dans les systèmes humains: le changement qui intervient à l’intérieur d’un système, qu’il nomme le changement de TYPE 1, et le changement qui affecte et modifie le système lui-même, qu’il appelle le changement de TYPE 2.
LE CHANGEMENT DE TYPE 1 : l’HOMEOSTASIE.
Le changement de type 1 est celui qui permet au système de maintenir son homéostasie c’est à dire son équilibre : la modification s’opère simplement au niveau des éléments du système. L’homéostasie d’un système réside dans son aptitude a exercer des phénomènes auto-correcteurs sur les éléments internes ou externes qui menaceraient son équilibre. La boutade, ” plus ça change et plus c’est la même chose “, que l’on entend fréquemment dans les cafés et les cantines au sujet des mesures prises par la direction d’une entreprise ou d’un gouvernement, traduit parfaitement combien les changements opérés n’aboutissent qu’à des solutions de niveau 1: solutions qui, précisément, contribuent à enclencher des mécanismes régulateurs, dits homéostatiques car ils maintiennent le système en son état. Ainsi nous-même tentons-nous le plus souvent, sans le savoir, de changer les choses en aboutissant ” toujours à la même chose “. Cependant ce changement de type 1 par rétroaction est insuffisant dans certains cas. En effet, lorsqu’un système humain ne parvient plus à réguler ses échanges par ses mesures habituelles d’autocorrection et d’ajustement et lorsque les ” solutions de bon sens ” créent un peu plus de permanence, il entre alors en crise cela signifie qu’au sein du système, des changements d’un autre niveau, le niveau 2, s’imposent et que, s’ils ne sont pas introduits, le système tombe malade.
LE CHANGEMENT DE TYPE 2: L’ÉVOLUTION ou la RÉVOLUTION.
Le changement de type 2 (appelé encore CHANGEMENT DE CHANGEMENT) se caractérise par le fait que c’est le système lui-même qui se modifie ou qui est modifié. Pour reprendre des métaphores empruntées à Paul Watzlawick, le changement de type 1 s’apparente à l’action de l’accélérateur de la voiture qui permet d’aller plus vite mais en conservant le même régime, alors que le changement de type 2 correspond à une intervention sur le levier de vitesse qui, modifiant alors le régime de la voiture, la fera passer à un niveau supérieur de puissance. Ainsi face à une côte très abrupte (changement de contexte), Si –le conducteur ne faisait qu’accélérer ” un peu plus “, il n’effectuerait qu’un changement de niveau 1, solution qui amplifierait le problème car sa voiture (imaginons une petite cylindrée), un peu plus à court de puissance, avancerait de plus en plus difficilement et finirait sans doute par caler. Dans cet exemple, la solution consistant à changer de vitesse pour modifier le régime du moteur correspond précisément à un changement de niveau 2. L’accès au changement de type 2 dans un système humain nécessite que les règles qui le régissent subissent des transformations. Et cette modification des règles d’un système humain relève, d’une reconstruction de la réalité ou d’un changement de paradigmes.
QUELLE APPLICATION CHEZ LES LIONS
Depuis de 15 ans que le football camerounais est en crise, les dirigeants ont essayé des changements de type 1 (bannissement des joueurs, supplication pour la réintégration des joueurs bannis, refus des joueurs de venir jouer pour leurs pays, supplication des joueurs non intéressés à revenir, faible motivation des joueurs sur le terrain, supplication ou dorlotement des joueurs peu motivés, etc…)
Puis vint l’entraineur Hugo Broos. Il étudie bien l’histoire des lions et décide d’opérer un changement de type 2. Il met en place un nouveau paradigme: Plus personne n’a de titre foncier dans son équipe. Seules la motivation à jouer pour son pays, le travail à l’entrainement et l’engagement dans les matches comptent. Il ose dès le début donner un rôle minime à Choupo-Moting, pourtant notre plus gros espoir technique. Il se passe dès le début des joueurs réputés fouteurs de désordre dans l’Equipe (Song, Eto’o, Mbia).Il met des vedettes et des joueurs expérimentés comme Nkoulou sur le banc et lance dans l’arène des joueurs qui ont faim comme TEIKEU et BASSOGOG. Au bout le succès est la et nous sommes champions d’Afrique!
QUELLE APPLICATION EN SOCIO-POLITIQUE
Primo: Le changement de type 2 n’est pas forcément un changement d’homme, mais plutôt de paradigme. La preuve depuis plus de 15 ans, le Cameroun a vu défiler une dizaine d’entraineurs (qui avaient plus ou moins la même méthode de travail) sans que rien ne change dans les résultats.
Secundo. Le changement de type 2 n’est pas forcement lié à l’âge de la personne qui opère ce changement. Depuis la victoire tout le monde attribue ce changement au RAJEUNISSEMENT de l’équipe. Mais on semble oublier que la personne qui a opéré ce rajeunissement était l’un des entraineurs (Hugo Broos ) les plus âgés de la compétition (68 ans) pendant que de jeunes entraineurs fringants (Ibenge, Cisse) ont souvent buté (peut être par manque d’expérience ) devant des difficultés technico-tactiques des adversaires.
Un homme politique camerounais avait lancé cette boutade pendant sa campagne électorale de 1992: “Vous voulez le changement ou l’homme par qui le changement est arrivé?” Cette question reste-elle d’actualité? Quel type de changement il apporter à notre pays? Comment?
Roger ETOA