Le 2e comité de pilotage du projet d’insertion des déplacés internes de la crise dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest, autrement appelée crise anglophone, s’est tenue jeudi 7 décembre 2023 à TOCKEM, dans l’arrondissement de Nkong-Ni.
Toutes les parties prenantes ont pris part à cet important exercice qui a pour finalité d’évaluer le chemin parcouru, de recueillir les avis et recommandations en vue de la bonne poursuite du projet qui est à sa phase 2, après la phase 1 qui a concerné les PDI des communes de Dschang et Santchou.
La phase 2 concerne la commune de Santchou et la commune de Fongo-Tongo., avec un objectif d’impact sur un peu plus de 5000 bénéficiaires directs et indirects, notamment les PDI et les populations hôtes.
Quel est l’objectif visé par le PIDICA 2 ?
Le projet d’insertion des déplacés internes de la crise anglophone dans le département de la Menoua vise à développer les compétences, les standards de vie, de réduire la vulnérabilité des PIDIC qui ont fui leurs villages pour venir s’installer dans le département de la Menoua. Ce faisant, il est apparu que venir en aide à ces personnes en tenant à l’écart les populations hôtes est une erreur car cela pourrait créer une autre crise étant donné que l’arrivée a eu une incidence sur le coût de vie des populations d’accueil.
Pour atteindre ces objectifs, deux sites ont été construits dont l’un à Santchou et l’autre à Fongo-Tongo. Cette logistique a été conçue de manière à être déplaçable. C’est ainsi qu’après la phase I, le site de Dschang a été transporté et installé à Fongo-Tongo qui est un nouveau bénéficiaire du projet. Il s’agit de faire en sorte que « les déplacés internes ne se sentent pas abandonnées ». Pour cela « TOCKEM est venu soutenir les mairies, TOCKEM est venu soutenir l’administration dans leurs responsabilités régaliennes d’apporter sécurité et paix à ces gens », explique Dr Pierre Marie METANGMO.
En quoi consiste le PIDICA 2 ?
Le projet d’insertion des personnes déplacées de la crise anglophones dans le département de la Menoua est structuré sur quatre grands axes : le premier axe concerne la santé. Les malades sont consultés, puis soigné sur place par le partenaire soit référé dans un hôpital plus qualifié pour le cas. Tous les frais sont à la charge du partenaire de TOCKEM. Le partenaire santé de la phase 2 est Alliance for International Medical Action (ALIMA). Le volet éducation concerne le rescolarisation des enfants des écoles, collèges et même des adultes qui souhaitent poursuivre leurs études à l’université. Le bilan à mi-parcours de la deuxième face révèle que les prévisions qui sont de 1800 enfants pour les deux sites ont déjà été explosées. Ce qui démontre l’engouement de cet axe du projet. Le troisième axe concerne l’entrepreneuriat agricole. 250 personnes dont 150 à Santchou et 100 à Fongo-Tongo bénéficient d’une formation en agriculture et en élevage. A l’issue de cette formation, ces personnes vont recevoir des lopins de terres où ils vont pratiquer l’agriculture et l’élevage selon. Les terres sont mises à disposition par le préfet du département de la Menoua pour ce qui concerne Santchou, et sa majesté le chef supérieur du groupement Fongo-Tongo pour ce qui est de l’arrondissement de Fongo-Tongo. Cette formation est assurée par Cameroon Debate Association (CDA). Le troisième volet est formation en couture et en coiffure. L’objectif du projet est de 60 personnes dont 30 à Fongo-Tongo et 30 à Santchou, selon le quota 30% d’hommes et 70% de femmes. A la fin de la formation, les apprenants vont recevoir des kits de démarrage de leurs activités. Elle est assurée par le Centre de formation professionnelle des enfants de l’Espoir de Mbouda (CFPEEM). Le dernier cas est l’accompagnement psychologique. Il est assuré par des assistantes sociales.
Quel est l’impact du projet sur les bénéficiaires ?
L’impact du projet est indéniable. Les PDI reçoivent des formations qui leur permettent d’acquérir des compétences pour travailler comme agriculteurs ou entrepreneur commercial. Ceux qui ont été formés en agriculture dans la phase 1 du projet ont créé une coopérative agricole qui leur permet de transformer le manioc en farine de substitution dans la fabrication du pain et des beignets. Les coiffeurs sont déjà installés et exercent leurs activités paisiblement. L’on voit ainsi que le projet a permis aux bénéficiaires de « se sédentariser ». Les soins de santé sont accessibles et les malades se font soigner sans débourser de l’argent, ce qui leur inculque l’habitude de se diriger vers une formation sanitaire en cas de problème de santé.
En chiffres, le site de Santchou a distribué 60 kits scolaires aux élèves. Chaque kit comprenant un sac d’écolier, des livres au programme, des cahiers, des crayons et stylos, la boite académique. 518 enfants bénéficient des cours de remise à niveau. Une vingtaine d’enfants ont repris le chemin de l’école. Plusieurs enfants qui présentaient des troubles mentaux ont été accompagnés. « En termes d’éducation, nous sommes déjà entrain d’atteindre les indicateurs et la qualité tant souhaités par les objectifs du projet ». Sur le plan social, deux naissances sont venus au monde de deux jeunes filles que l’équipe du site de Santchou a suivies pendant plusieurs mois. Près de 150 personnes ont reçus des secours psychologiques. « Nous avons commencé les activités ludiques. Au départ nous nous sommes fixés un objectif de 100 élèves, nous en sommes à 200 autres enfants qui veulent participer à ces activités. A Fongo-Tongo les chiffres sont plutôt modeste, mais au-dessus des prévisions. Plus de 100 enfants bénéficient de l’accompagnement scolaire.
A la fin du projet ? Il est attendu que 2930 aient directement bénéficiés soit 678 femmes, 452 hommes et 1800 enfants pour ce qui concerne les déplacés internes ; et 2000 pour les populations hôtes.
Existent-ils des points faibles du projet ?
Le projet PIDICA 2 connait quelques problèmes dont les plus importants sont : la propension de certains habitants hôtes à esclavagiser les Personnes déplacées internes. Un cas critique a été rapporté par le Premier adjoint au Maire de Santchou, TATINOU Rigobert. Il s’agit du cas d’un couple de PDI qui a été recruté pour travailler dans une plantation contre une rémunération de 30 000 FCFA. Au moment de percevoir son salaire, le couple a été accusé par l’employeur qui lui a fait signer devant la gendarmerie une reconnaissance de dette de 50 000F. Une avance a même été versée pour éviter les ennuis. Lorsque la nouvelle a été portée à l’attention du maire, il l’a vérifiée et a saisi le sous-préfet. Ce dernier a convoqué et tenu une réunion avec les parties : le couple, l’employeur, le commandant de brigade et le maire. Réunion au cours de laquelle il s’est avéré que l’employeur a voulu profité de l’état d’indigence du couple pour l’esclavagiste. Non seulement il a restitué l’argent pris au couple, mais il s’est engagé à payer l’argent qu’il leur doit pour le travail accompli. Il y a également le nombre de demandeurs qui ne cesse de grimper. Le PIDICA 2 a créé des besoins et l’on devrait y apporter des solutions. Bien sûr en accordant une attention plus soutenue aux couches défavorables dans la population hôte. Ce qui laisse entrevoir que TOCKEM sollicitera une phase 3 du projet qui aura un objectif plus grand, s’étendra à la commune de Penka-Michel qui est l’une des plus denses en PDI.
Qui finance le projet ?
Le projet d’insertion des personnes déplacées de la crise anglophones a été initié par l’association TOCKEM qui l’a présenté à l’ambassade de France au Cameroun. Séduit par le projet, l’ambassade l’a soumis au guichet de la cellule des crises du ministère français de l’Europe et des affaires étrangères qui a décidé de le financer. Après la phase 1, il en est à la phase 2. TOCKEM qui fait son entrée dans l’humanitaire d’urgence voudrait monter un projet plus grand qui va lui permettre de cogner à la porte des bailleurs de fonds qui « font plus du développement, qui font dans la durée ». Parce qu’il s’agira d’un projet non plus sur l’immédiat, mais sur le moyen terme. Celui-là sera pour faciliter l’installation durable ou pour accompagner la réinstallation des PDI dans leurs villages des PDI. Les difficultés pour certains déplacés d’obtenir la carte nationale d’identité, à cause du défaut de l’acte de naissance. Car beaucoup sont partis de leur village en fuyant la guerre. Donc ayant tout perdu.
Augustin Roger MOMOKANA