Le train de l’intelligence artificielle est en marche. Il n’y a rien d’autre à faire que d’y embarquer. Il suffira alors d’exploiter les nombreuses possibilités de cette technologie pour trouver des solutions aux besoins de l’Afrique. C’est l’idée-force qui ressort de la conférence interdisciplinaire tenue le 26 avril 2022 dans la salle des spectacles et des conférences de l’Université de Dschang. En présence du Recteur, Prof. Roger Tsafack Nanfosso, cette rencontre scientifique s’est tenue sous la modération du Prof. Marcellin Julius Nkenlifack, chef de département de Mathématiques et Informatique à la Faculté des Sciences. Ce dernier coordonne également l’Unité de Recherche en Informatique fondamentale, Ingénierie et applications au sein du centre de recherche logé dans ladite faculté.
Premier panéliste à prendre la parole, le Prof. Thomas Djotio. Ce spécialiste en développement logiciel, affilié à l’École nationale supérieure polytechnique de l’Université de Yaoundé 1, a défini l’intelligence artificielle. « Ce n’est que du code », a-t-il martelé. En fait, il s’agit de façon simple d’utiliser des techniques pour entrainer les machines pour qu’elles agissent comme des êtres dotés d’un cerveau humain. Certes, des dérives sont possibles. Mais les possibilités offertes par ce nouveau champ sont multiples. « Avec l’IA, on peut faire de l’assistance aux personnes handicapées, à l’agriculture. On peut l’utiliser pour faire de la surveillance de la faune, entre autres », a indiqué l’enseignant-chercheur.
Cas pratiques d’utilisation
Le Prof. Djotio a affirmé qu’à l’École nationale supérieure Polytechnique de l’Université de Yaoundé 1, ses étudiants et lui travaillent sur un projet de « plateforme d’assistance digitale. Cela s’appelle www.Yowob.com. C’est un outil qui va accompagner tous les acteurs de l’économie informelle. Ils pourront bénéficier des conseils, des suggestions de la part de ladite plateforme. Ils pourront ainsi maitriser tout ce qu’ils font. En entrant des données, un commerçant pourra par exemple recevoir des prédictions sur son chiffre d’affaires mensuel ou annuel », a-t-il souligné.
Le Dr Jean Louis Fendji, enseignant-chercheur à l’École de Génie chimique et des industries minérales de l’Université de N’Gaoundéré, a également pris part à ce débat. Entre autres aspects évoqués par cet ancien de l’Université de Brême en Allemagne, il a cité quelques-uns des projets d’intelligence artificielle sur lesquels il travaille ou a déjà travaillé. « Sur le terrain, nous travaillons en agriculture. Nous faisons de la surveillance des cultures à travers les drones. Nous sommes en train précisément de penser à des stratégies de compression des modèles d’apprentissage approfondi pour les embarquer dans des dispositifs véritablement légers. Car, en zone rurale, on a encore beaucoup de problèmes d’électricité », a-t-il souligné.
Questions de santé
Le Dr Thomas Hervé Mboa Nkoudou a également participé à cet échange. Enseignant-chercheur à l’Ecole supérieure des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication de l’Université de Yaoundé II, il est à la tête du MboaLab, un espace collaboratif dédié à l’innovation et basé à Yaoundé. L’orateur a exposé quelques-uns des travaux qui y ont cours en matière d’IA. « Au MboaLab, nous appliquons l’intelligence artificielle à la santé. Nous faisons des travaux poussés dans le domaine des diagnostics des maladies tropicales négligées. Pour améliorer les rendus de la microscopie, nous y associons l’IA. À ce jour, nous avons de très bons algorithmes pour le diagnostic de la typhoïde », a-t-il affirmé.
Pour sa part, le Prof. Ernest-Marie Mbonda, éthicien et vice-président de l’Université des Montagnes de Bangangté a longuement épilogué sur les risques de l’intelligence artificielle. « L’IA transforme l’humain selon ses fantasmes, selon sa démesure. Quand on parle de la cybrogisation des humains, de la connexion des cerveaux, on court fatalement vers la perte de l’humanité. Un être cyborg n’est plus un humain », a-t-il prévenu. Ce philosophe préconise un contrôle éthique, juridique et politique de l’intelligence artificielle. « C’est ce que certains pays essaient de faire. Par exemple, au niveau de l’Union européenne, il y a des législations et des comités d’éthique qui se mettent en place pour limiter orienter l’usage de l’intelligence artificielle », a-t-il précisé.
Ces dernières années, l’Université de Dschang multiplie des initiatives en matière d’intelligence artificielle. Au-delà de son rôle de modérateur, c’est le message qu’a tenu à passer le Prof. Marcellin Julius Nkenlifack. « Nous avons aujourd’hui un Master en Intelligence artificielle. Nous avons également le Master en Ingénierie des Systèmes et Services connectés qui met l’accent sur le développement des services intelligents. Au niveau de la recherche, nous avons le projet “Santé Numérique. C’est un système qui permet d’anticiper intelligemment sur l’état de santé d’une personne, de prévoir les risques d’épidémies, entre autres. Nous avons également le projet GMC-DRA. Financé par l’US Army Research Laboratory, il vise à utiliser les outils mathématiques pour faire face au problème de la cybercriminalité », a-t-il fait savoir.
L’Université de Dschang prend donc une posture de leader en Afrique centrale sur les questions d’intelligence artificielle.
Hindrich ASSONGO
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