Martial Kouamou Nkengne est le délégué général du Festival du film éducatif (Festival Komane) qui se tient à Dschang du 02 au 04 février 2017. En marge de la cérémonie d’ouverture jeudi 02 février, il s’est entretenu avec notre reporter.
Dites-nous, Monsieur le Délégué général, dans quel contexte s’ouvre aujourd’hui la 3ème édition du Festival du film éducatif de Dschang ?
Oui la 3ème édition du festival s’est ouverte dans les circonstances de la naissance du trophée du Komane. Parce qu’on dit que l’eau c’est la vie. La vie c’est un être humain. Le trophée du Komane c’est un bonhomme qui est vierge. Il n’a rien dans la tête. Il est comme un disque dur vierge. Maintenant c’est son entourage, c’est sa famille qui le formate pour en faire un homme. Et cet homme, s’il veut défendre des valeurs, s’il veut apporter une contribution à un développement, il se doit d’être un guerrier. Parce qu’à chaque fois qu’il se lève pour vouloir faire quelque chose, le diable se dresse sur son chemin. Et il est obligé de le combattre et non de le contourner en fait. Pour le combattre, il faut être un guerrier. Voilà pourquoi le trophée du Komane symbolise la vie. La vie qui, si elle est bien menée fait d’un homme le guerrier qui a vaincu le diable.
Et vous avez donc tenu à ce que le trophée de la 3ème édition vienne des eaux du Lac municipal de Dschang ?
Comme je l’ai dit dans l’entame, l’eau c’est la vie. Donc le trophée du Komane vient de la vie. Comme tu viens de la vie, tu es née. Maintenant il faut avoir de bonnes personnes pour t’éduquer. Et Cela entre dans l’éducation par le cinéma. Si vous regardez bien, vous remarquez que le bonhomme du Komane tient un clap. Ce n’est pas le clap de fin, c’est le clap de début.
Parlez-nous des grandes innovations de la 3ème édition.
Comme vous l’avez constaté, c’est déjà au niveau de la cérémonie d’ouverture avec le visuel de la symbolique pensée du trophée. Et nous allons continuer dans la même lancée avec la grande surprise de cette édition qui est Mamy Ton. On la connaît beaucoup plus sous le personnage de Mamy Ton. La troisième, c’est la campagne de sensibilisation et de prévention aux accidents vasculaires cérébraux (AVC) qui a lieu au Lycée Technique de Foréké-Dschang ce vendredi 3 février. Et vous avez vu la case traditionnelle de la cérémonie d’ouverture qui symbolise le retour aux sources. Retour aux sources ce n’est pas dans un musée. Retour aux sources c’est retour aux sources pour comprendre son paysage, pour le partager, pour communier avec lui. Et nous avons joint, pour partager cette vision, les ministères du tourisme, de la culture ; l’office de tourisme et la délégation régionale. La dernière symbolique, c’est ce tourisme-là. Nous avons un circuit touristique samedi à 8heures qui nous conduira de la chefferie supérieure Foto à la Falaise, en passant par la rue de l’artisanat.
Votre invité spécial de la deuxième édition, Oncle Otsama a animé un atelier. Est-ce que ce sera le même cas pour Mamy Ton cette année ?
Mamy Ton ne vient pas animer des ateliers. Parce que l’atelier qui va s’ouvrir s’achèvera dans six mois. On n’a pas voulu créer un autre atelier à côté. Le but n’est pas pour nous de faire des ateliers chaque fois qu’il y a festival. Mais qu’à la fin de l’atelier on ait des produits qui peuvent aider, qui peuvent participer, qui peuvent trouver du boulot par rapport aux compétences acquises. Nos ateliers durent huit mois de théorie et quatre à cinq mois de pratique.
Quelles sont les perspectives du Festival Komane ?
Déjà je vais dire qu’il y a trois perspectives : la première concerne le public de Dschang. Il n’y a pas d’éducation sans personnes qui veulent être éduquées. Il n’y a pas de développement sans la main d’œuvre. Il n’y a pas de divertissement sans des personnes. Si l’on met tout cela dans un ensemble, ça veut dire que nous souhaitons avoir plus de public pour les prochaines éditions. Parce que plus on a du public plus on innove, et plus on est convaincu que l’éducation qu’on veut passer à travers le cinéma prends corps. Les réalisateurs qui viennent au Festival Komane ne viennent pas simplement parce que leurs films compétissent, il y viennent pour également communier avec nous, avec la vision que nous avons des projections camerounaises.
Pour quoi un festival sur le film éducatif ?
Un festival sur le film éducatif parce que nous sommes un pays en développement. Nous sommes un pays en quête de son émergence. Nous sommes un pays pauvre, mais pas très endetté. Et dans ces conditions nous n’a pas le droit aux divertissements. On n’a pas le droit au repos. Parce qu’on doit se construire. Le président de la République l’avait dit, le Cameroun c’est un vaste chantier. Et on ne saurait dormir lorsqu’on est en chantier. Si on est en chantier, cela signifie qu’on travaille. Et on ne peut pas travailler si on n’a pas de personnes formées.
Mais d’aucuns vous répondront que le cinéma est un divertissement !
C’est normal et c’est la culture qu’on a reçu du cinéma camerounais. De tous les films américains que vous regardez, quel est celui qui vous diverti ? De tous les films français que vous regardez, quel est celui qui vous diverti ? De tous les films chinois que vous regardez, quel est celui qui vous diverti ? De tous les films nigérians que vous regardez, quel est celui qui vous diverti ? Ce sont des films éducatifs et ils vous éduquent de la culture de leurs réalisateurs. Les films chinois ne parlent que de la culture chinoise. Donc l’important vous vous divertissez comment ? A nous de mettre notre culture en valeur ; pour que nos populations s’en imprègnent pour évoluer. Ce sans quoi nous perdons nos repères et devenons une feuille morte qui tombe.
Vous interpellez à cet effet la population de Dschang ?
Je leur demande de venir au festival. Parce que le festival veut passer des messages. Et pour cela il a besoin d’un grand public. Quand je parlais des grandes innovations de cette édition, j’ai oublié de mentionner le Prix du public. Les émotions que le public aura pendant la projection des films sera pris en compte par un autre jury. A la fin on primera un film. Donc le public a, cette année, la possibilité d’attribuer un prix à un film.
Pour quoi le festival est-il réduit à quatre jours cette année ?
Le festival a été conçu pour se tenir en cinq jours. Mais comme les moyens nous font défaut, on l’a remmené à trois jours. Parce que pour le moment il est financé sur fonds propre et avec le soutien de quelques partenaires. N’eut été cette participation de quelques partenaires, il ne pourrait même pas tenir sur les trois jours.
Quelle est la contribution de la mairie de Dschang ?
La commune de Dschang est un partenaire du festival Komane ; depuis son lancement. Mais on a des soucis : son appui institutionnel ne se ressent pas. Je ne vais pas parler de l’appui financier. Parce que, apparemment, c’est fort partout. Mais si pendant ce festival on trouvait ne serait-ce qu’un représentant de la mairie, cela booterait le moral des organisateurs. Jusqu’à maintenant, on n’a pas cette présence-là, et du coup on se pose beaucoup de questions.
Est-ce pour cela que vous envisageriez de délocaliser le festival ?
Comme je l’ai déjà dit, le festival a pour but d’éduquer. Tout cela est fait gratuitement. On le fait sur fonds propre et le seul retour que l’on attendait c’est le soutien de la municipalité et du public. Le public constitue une arme pour pousser certaines personnes à réagir. Le maire et le sous-préfet sont des acquis, mais le public doit les pousser à agir. Voilà pourquoi nous attendons que le public adhère massivement du festival.
Le président de la République a lancé la campagne pour le bilinguisme et le multiculturalisme. Comment le promoteur du Komane que vous êtes entend-t-il implémenter, par exemple, le multiculturalisme dans le festival ?
Je pense que le multiculturalisme a déjà été pris en compte depuis la première édition. A la première édition, la parade d’ouverture a réuni l’ensemble des dix régions. A la deuxième édition, c’était pareil. Aujourd’hui, à la troisième édition, nous l’avons axée sur le littoral. La quatrième édition sera axée sur une autre région. Et pour en qui concerne le bilinguisme, je puis vous assurer qu’il y a des films sous titrés en anglais.
Combien de films a-t-on à cette édition ?
Nous avons retenu un total de 13 films dont 9 films pour la compétition et le reste en hors compétition. Ce chiffre s’explique par le fait que de nombreux films nous ont été envoyés sans visa d’exploitation. Et nous les avons rejetés pour cela. En sommes, ce sont plus de 20 films dont trois du réalisateur Djimeli Lekpa qui ont été refusés. Si ces films nous avaient été envoyés à temps, nous aurions entrepris les démarches auprès du Ministère des arts et de la culture pour obtenir les visas nécessaires pour leur exploitation.
Propos recueillis par Augustin Roger MOMOKANA