
La moto taxi à Dschang. Photo d'illustration
Ma personne,
Je ne transporte pas les passagers qui ont leur téléphone portable en main.
Hier était jour de marché à D. Un dicton de chez nous dit qu’on ne pleure pas au marché, ou prenons cet autre qui dit que si ton problème te dérange trop, rends-toi au marché. Oui au marché parce que tu y rencontreras des personnes qui ont des problèmes plus préoccupants que le tien, des problèmes plus sérieux que tes regrets ou larmes.
Donfack est transporteur par moto. Tout le monde ici le connait. A cause de sa propreté. Il arbore toujours son chasuble jaune et son casque noir. Les gangs noirs aussi. Il est l’un des motomans les plus respectables chez nous.
Mais Donfack a un défaut. Sais-tu lequel ? Le gars ne transporte pas une personne avec le téléphone en main. C’est interdit et il dit avoir signé cela. On dirait qu’il est dans une secte où le téléphone n’est pas bien vu en plein jour. Lui-même, lorsqu’il travaille, n’a jamais son téléphone sur lui, ou quand alors il le met sous vibreur.
Le téléphone est une cause des accidents de la route. Il a pris la décision ne plus jamais transporter un passager ayant son téléphone portable en main car, selon lui, dès qu’il est assis derrière toi il ne se souci plus de rien, même pas de la mort. Tandis que tu es entrain de transpirer pour le conduire à destination, il est entrain de pianoter sur ton dos. Vous ne pouvez pas savoir combien de personnes ont trouvé la mort à la suite d’un télescopage de moto avec un autre engin, tout simplement parce qu’elles étaient au téléphone.
Donfack a raison. Nous ne pouvons pas compter le nombre de morts à cause du téléphone portable. Qu’ils soient conducteurs ou passagers.
Dès qu’ils se mettent à pianoter ou à répondre à un coup de fil, ils se fichent de tout ce qui peut survenir. Ils se comportent en propriétaire de la route. Lorsque le motoman freine, c’est à peine que son passager ne saute pas de la moto pour s’écraser sur la route.
Quand tu meurs, c’est toi qui perds. Mais tu ne dois pas entrainer quelqu’un d’autre avec toi. A chacun sa mort.
Si tu meurs écrasé, la mairie va chercher les prisonniers pour ramasser tes restes qu’elle ira enterrer dans la fosse commune. Ici il n’y a pas de cimetière. Ça n’est pas de notre tradition. Tu meurs on t’enterre chez toi si ta mort n’a pas été violente. Si au contraire tu meurs du genre de mort bizarre bizarre-là, on va sauf que t’enterrer au champ, à moins que tu aies de gros moyens. De gros moyens.
Mon frère, on est ensemble hein.
Momokana