Les experts de la lutte contre le changement climatique, de la protection de l’environnement ou des inégalités sociales ont tous le même discours : le Covid-19 n’est que la première crise de cette ampleur et elle nous permet de constater l’absence totale de résilience de l’économie à ce choc sanitaire.
Certains pensent même que la crise actuelle constitue une bonne nouvelle à long terme car elle va entrainer la résurrection du capitalisme. Qu’il s’agit du grand retour du risque. Le capitalisme repose en effet sur la création de valeur, mais aussi sur la capacité à détruire les modèles économiques non rentables. D’où la notion de destruction créatrice. Selon cette théorie, pour créer de la croissance à long terme, il faut accepter de détruire ce qui n’est plus efficace, détruire du capital périmé pour renouveler la croissance. Or depuis 2008, on refuse ce cycle de destruction créatrice. On maintient en activité le capital périmé grâce à des taux toujours plus bas. Ce faisant, depuis 2008, on a abandonné le capitalisme au profit d’une économie administrée. En refusant la destruction, on aurait renoncé à l’innovation. On aurait empêché aux nouveaux entrepreneurs d’améliorer le marché abandonné aux entreprises non rentables qui ne pouvaient poursuivre leur activité.
Les tenants de cette thèse pensent que depuis 2008, le pouvoir est entre les mains des financiers au détriment des entrepreneurs. Les entreprises « zombies » se seraient maintenues au détriment d’entreprises nouvelles au modèle économique renouvelés. La crise du coronavirus vient à point nommées révéler la vacuité de ces entreprises, la péremption de leur modèle économique et les limites de la finance. Par conséquent, déjà fragilisées par un modèle économique inadapté et surendettées, ces entreprises connaitront des faillites au lendemain de la crise à cause de l’arrêt de la demande.
Il en découlerait qu’à court terme, le capital sera détruit, des entreprises vont faire faillite, des actionnaires vont voir disparaître la valeur de leurs actions, des créanciers ne seront pas remboursés, mais qu’à long terme, de nouveaux actionnaires prendront la place de ces entreprises fragiles et vont innover, créer de la valeur nouvelle, proposer un modèle économique améliorer et créer encore plus de capital.
Sans aller jusque cette conclusion extrême, on peut déjà considérer cette pandémie comme un Stress-test planétaire dès lors qu’elle laisse entrevoir un de ces risques ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) annoncé dans de très nombreux travaux liés à la finance durable qui convergent sur la même idée : le coût de l’inaction est bien plus élevé que celui de l’action et de l’anticipation. Le Stress-test coronavirus est cruel pour les économies développées. Pour les sauver, les grands moyens sont mis sur la table pour limiter les faillites et être en capacité de faire repartir la machine plus tard.
Le Covid-19 met fin au mirage de l’économie consumériste et nous permet de rappeler l’addition environnementale et sociale que laisse ce modèle très consommateur de ressources naturelles et difficilement soutenable à long terme.
À ce niveau, voir ce virus comme une opportunité (revient concrètement à repenser le modèle et utiliser toutes les instances pour le faire afin que le jour d’après ne soit pas comme le jour d’avant. Le Covid-19 nous offre une chance de penser en dehors du cadre et de construire une nouvelle économie basée sur d’autres principes que celle qui domine à l’heure actuelle : circulaire, locale, digitale et exigeante en ressources humaines.
Si « nous sommes en guerre », il y aura donc une paix qu’il faudra bâtir. Il faudra trouver nos plans Marshall version 21ème siècle : des “Green Deal”, une transition juste… Les plans existent déjà, les études risques/opportunités aussi, les données scientifiques sont disponibles, les expérimentations en cours dans de nombreux pays du monde… Nous avons donc les moyens d’essayer. Si, en revanche, on fait le choix de reconstruire à l’identique un modèle planétaire si fragile, nous serons chaque fois plus affaibli par chaque crise plus grave que la précédente, qu’elles soient climatiques, environnementales, sociales…
Sur le plan strictement sanitaire, la pandémie du coronavirus est également à appréhender comme une opportunité pour nous préparer à des virus plus dangereux que le covid-19.
Aujourd’hui, le citoyen se pose la question de savoir si l’État fait ce qu’il faut pour empêcher d’être infecté par le Covid-19. La même question est posée à l’entreprise ou à l’employeur. Ainsi, la perte de la confiance semble être la première leçon de cette épidémie. Pourtant, ce drame est aussi une chance unique en son genre. Les épidémiologistes tirent la sonnette d’alarme depuis des années sur le risque d’un désastre causé par un virus nettement plus dangereux que le Covid-19. Il suffit de regarder le programme des sommets de Davos pour voir que ce danger d’épidémie est cité comme un danger principal depuis des années.
Si on veut voir le Covid 19 en termes d’opportunités à ce niveau, on soulignera 2 faits qui nous semble les plus saillants:
– Il nous montre nos lignes ou points de faiblesse, et il donne l’occasion aux autorités politiques et aux dirigeants d’entreprises de mieux se préparer à la prochaine crise sanitaire.
– Le coronavirus, pour ne citer qu’un seul exemple, a fait plus contre les aspects négatifs de la mondialisation que des millions de pétitions d’ONG. Les politiques européens ont ainsi découvert que les masques, qui protègent leur population, sont fabriqués en Chine et qu’ils doivent attendre 40 jours avant d’espérer en avoir. Les entreprises ont découvert qu’en pratiquant le stock zéro (une hérésie en ces temps de taux d’intérêt à 0%) et en ayant tous leurs fournisseurs en Chine, étaient devenues hyper fragiles.
En clair, ce que tout le monde redécouvre, c’est que l’efficacité économique ne peut pas se faire au détriment de notre sécurité (physique et économique), et cela c’est déjà une très belle leçon.
Bertrand Roger JIOGUE