
Rendez-vous avec "Les coucous" de Pulchérie Mefenza
Avec le concours de nombreuses ONG et de certains journalistes indépendants, la situation actuelle des prisons en Afrique sub-saharienne interpelle les observateurs extérieurs, un peu plus chaque jour d’avantage. Dans son article sur les prisons africaines du 15 février dernier, le journal « Le Monde » situait déjà le Cameroun, un peu au-dessus de la moyenne africaine des incarcérations ; ceci avec une proportion approximative de 112 détenus, pour 100 000 habitants.
Ce qui interpelle ici, ce n’est pas tant le fait d’une telle proportion, mais le nombre de détenus partageant la même cellule, et dont les profils assez variés font grise mine dans les familles de ces derniers. Ces profiles pouvant aller d’une personne ayant fait l’objet d’un soupçon de délit, d’un délit mineur, où ayant commis des crimes avérés, interrogent sur les possibilités de réinsérer ces détenus, une fois à l’extérieur.
Ce qui interpelle encore, est le fait que la perception populaire riveraine, face à des personnes ayant séjournées dans ces lieux, est bien souvent effroyable. En effet, la vision populaire au Cameroun les déshumanise d’office en les classant hors du genre humain, et par conséquent, comme des êtres n’ayant droit à aucune réhabilitation possible. De plus, la dangerosité de cet univers carcéral interroge dans la mesure où, les bâtiments n’ont connu aucune rénovation depuis leur construction, malgré le nombre en hausse continue de leurs occupants.
Pour ne citer que le cas de la prison centrale de Yaoundé qui a été construite en 1968, et qui avait à la base été pensée pour accueillir une moyenne de 1 000 détenus, elle fait aujourd’hui face, selon l’observateur de « France 24 », à une population d’environ 5 000 personnes. D’après cet observateur, les chiffres officiels les plus récents donnés par le ministre de la Justice camerounaise, remontent en 2015 ; et ces chiffres dénombraient déjà un total de 4 234 prisonniers. Qu’en est-il trois ans plus tard ?
Cette situation est d’autant plus inquiétante dans ces espaces que l’hygiène et de la salubrité, qui du reste laissent à désirer, ont une incidence directe sur l’état de santé de ces détenus. Limités dans leurs moyens financiers, et ne bénéficiant que des soins assez réduits, les questions de pandémies divers reviennent assez souvent. À l’intérieur de ces prisons, pour certains quartiers, les détenus doivent composer avec un total de trois sanitaires et une seule salle d’eau pour près de 1300 personnes…
L’une des conséquences directes de cette insalubrité, est la charge de l’air ambiant qui est presque irrespirable… ce qui génère une forme de marché noir entre les détenus et les gardiens de ces lieux… Il est important de souligner que ce marché ne bénéficie qu’aux plus « nantis » des détenus, comme en témoigne l’un d’eux « L’air est irrespirable, on suffoque. De temps en temps, je verse 100 francs CFA [environ 15 centimes d’euros] pour aller dans la grande cour. Parce qu’il faut payer pour aller prendre l’air ! »
On est ainsi donc en même de se demander pourquoi rien n’est mis en œuvre pour rendre plus humain le séjour de ces détenus dans ces espaces, ou alors, si le système les aurait tout bonnement, comme l’homme populaire, définitivement exclu du genre humain…
Pulchérie MEFENZA