La pandémie de coronavirus constitue indéniablement une crise qui va redéfinir les cartes sur le plan géostratégique global. Non seulement à cause de la défragmentation de la mondialisation attendue, mais à cause à des ajustements de leadership au plan mondial qui va en découler. La décision du Président des États-Unis de suspendre sa contribution à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est loin d’être anodine à cet égard. Elle explique largement ce glissement de leadership puisqu’elle constitue un aveu d’impuissance voire de faiblesse, face à la tournure actuelle des évènements. Elle montre également les difficultés qu’éprouvent désormais les USA à continuer d’agir comme leader du monde occidental. Enfin, elle est un coup de boutoir à la grande muraille de Chine, pays qui lui discute désormais le leadership mondial.
Il n’est dès lors ni absurde, ni hâtif, de se demander de façon prospective si la Chine ne pourrait pas sortir de la crise plus forte qu’avant. En effet, alors que la crise n’est pas encore terminée, on constate que la Chine remet en route sa machine économique, alors que le reste du monde s’enfonce de plus en plus dans la crise.
Des éléments factuels laissent penser qu’une fois la crise actuelle terminée, il y a de fortes chances que la Chine rebondisse comme jamais auparavant. Le pays représente 17 % du commerce mondial et possède un modèle économique qui lui permet de réagir rapidement à certains événements. Les autorités ont montré dernièrement toute l’étendue de leur aptitude à réagir dans la lutte contre le virus, et semblent en faire bon usage jusqu’à aujourd’hui. L’économie pourrait bien profiter de cette aptitude à contrôler le plus rapidement possible la situation de crise comme cela a été démontré. L’économie chinoise (et les Chinois par extension) sont passés maîtres dans l’art de se relever après un revers. Une fois que cette épidémie fera partie du passé, le pays pourrait être porté à nouveau par une vague d’enthousiasme, et l’argent pourrait ainsi à nouveau couler à flots.
À moyen terme, les perspectives économiques restent inchangées. La Chine peut donc d’ici là reprendre du poil de la bête. C’est pourquoi il est important pour tous les pays de continuer à faire des affaires avec la Chine en dépit de la crise du coronavirus, et ne pas céder à la panique.
L’équation à double paramètre que les autorités chinoises auront à résoudre est celle de la relance de la croissance après la crise d’une part et d’autre part, comment sortir politiquement plus fort de cette épreuve politique.
Tous les indicateurs montrent que Pékin s’emploie à relancer la machine économique chinoise, à la fois à l’exportation et pour la consommation intérieure.
Ce redémarrage, alors que le reste du monde continue au contraire de s’enfoncer dans l’épidémie et dans le coup de frein économique, risque de conforter la Chine dans son rôle central dans l’économie mondiale.
Ce double constat vient relativiser fortement tout le discours sur la « démondialisation » car la demande mondiale risque fort de se heurter aux besoins que seule la Chine sera en mesure d’assurer.
Et le pouvoir chinois, de part le caractère autoritaire de son régime et la quantité de ses réserves financières, a les moyens d’impulser une reprise accélérée, comme lors de la crise de 2008, dont la Chine était sortie renforcée.
D’ailleurs, sortir le premier de la crise du coronavirus présente une opportunité politique pour le pouvoir chinois: se présenter en sauveur de la Chine, et du monde.
En conclusion, Sur le plan géostratégique et commercial, il sera sage de se préparer à la nouvelle hégémonie chinoise.
Bertrand Roger JIOGUE