
Des individus qui, ne pouvant rester à la maison pour garder leurs petits-enfants, ou aller au village cultiver la terre, envahissent le parlement et le conseil régional. Cette culture que le Cameroun promeut est à la fois patente et pathétique.
Certains pensent qu’ils ne sont rien s’ils ne sont pas élus député ou sénateur ou conseiller régional ou conseiller municipal. Ces personnes pour la plupart ont achevé leur parcours de fonctionnaire et le temps de jouir pleinement de leur retraite, ils envahissent le parlement, le conseil régional, le conseil municipal.
Elles ne sont pas seules. D’autres font des affaires, ils sont de grands investisseurs. On ne les avait jamais vus sur une scène politique. Pourtant un jour ils surgissent et ils sont bombardés au parlement ou aux conseils. Après tout « c’est Yaoundé qui décide ».
Ces personnes bombardées au parlement ou dans le conseil régional le sont à la grande déception des politiciens de carrière, des militants qui n’ont personne à Yaoundé pour appuyer leur candidature. Elles surgissent de nulle part et envahissent l’espace politique le temps de la campagne électorale et des élections, avant de fondre dans le sissongho.
Le parlement, les conseils régionaux, les conseils municipaux sont des refuges des vieux fonctionnaires qui refusent de mourir. Trois sur cinq parlementaires sont d’anciens fonctionnaires, les deux autres des hommes d’affaires. Quatre sur cinq conseillers régionaux sont d’anciens fonctionnaires. Idem pour les conseillers municipaux.
Au Cameroun, il semble que la retraite est un pensum. Ce pensum est d’autant plus insupportable que ce sont les populations qui paient les frais. Des élus dont le mandat sert pour faire « leurs propres affaires » en toute impunité et sans un devoir de rendre compte à quiconque.
Il est difficile de compter des Camerounais qui ont pu être députés, sénateurs, conseillers municipaux sans avoir pris leur retraite en tant que fonctionnaires. Pourquoi ne sollicitent-ils jamais de mandat pendant qu’ils sont encore agent de l’Etat ? Il s’avère qu’être sénateurs, députés, conseillers régionaux ou conseillers municipaux sont une passerelle idéale pour la mort.
Cette politique a compliqué les affaires du Cameroun. De sorte que le parlement, le conseil régional et le conseil municipal se présentent aux yeux du peuple comme un haut lieu du trafic d’influence, de la corruption, d’entrave à la démocratisation de la vie publique. Des outils anti-progrès.
Ces personnes, du temps qu’elles servaient les intérêts de l’Etat en qualité de fonctionnaires, s’étaient laissées prendre dans le piège des cadres politiques qui, parfois et pour les plus chanceux, avaient pu leur faire être promus à des fonctions de responsabilité. Aujourd’hui elles doivent leur retourner l’ascenseur et elles sont ainsi comme des moutons qui restent sur place tant que le berger ne leur a pas assenés un violent coup pour leur rappeler qu’ils doivent brouter les herbes en marchant.
L’un des plus grands défis que les africains devront relever, s’ils décident de se développer c’est de lutter aussi contre l’envahissement de l’espace politique par des personnes qui, en réalité, n’ont rien à lui apporter. Car ces envahisseurs sont tout sauf des ouvriers au service du développement. S’ils ne sont pas là pour jouir des privilèges rattachés à la fonction, ils y sont pour gagner de l’argent ou pour étouffer la justice susceptible de leurs casseroles.
Augustin Roger MOMOKANA