
A la suite de David Abouem à Tchoyi qui a exploré l’héritage politique du Cameroun sous tutelles, Dr Roger Etoa, un médecin de santé publique quant à lui pose son stéthoscope sur les héritages sanitaires camerounais. Le système de santé dans les zones anglophones est-il meilleur qu’en zone francophone?
Dans l’esprit de tout le monde la crise actuelle au Cameroun a commencé avec les avocats anglophones qui réclamaient un système judiciaire hérité de la colonisation anglaise (“common law”) et les enseignants anglophones qui ne voulaient pas se faire aspirer par le système éducatif francophone.
Mais qu’en est-il des acteurs du système de santé de cette zone (Professionnels de santé, malades, etc…)? L’ancien colon anglais n’avait-il pas laissé un système de santé différent de la zone francophone? Bien sûr que oui. Mais qu’en est-il aujourd’hui? Pour répondre à ces questions remontons un peu l’histoire…
Le système de santé britannique s’appelle le “NATIONAL HEALTH SERVICE” (NHS). Il a été mis en place en 1948 par un économiste et homme politique britannique appelé Lord William Beveridge. Le travail qu’il avait abattu et présenté au vote du parlement porte le célèbre nom de “Social insurance and allied service”.
Il y décrit un système de santé dont les principes fondamentaux sont l’universalité, généralité, unicité, uniformité des prestations en espèces. Ce veut dire en bref que “TOUT LE MONDE PEUT SE FAIRE SOIGNER PARTOUT EN RECEVANT DES PRESTATIONS DE MÊME BONNE QUALITÉ”. Ce système est financé majoritairement par l’IMPOT et géré exclusivement par l’État! Dans ce système, le médecin généraliste est la pierre angulaire: Tout le monde entre pour la 1ere fois en contact avec le NHS par le médecin généraliste! Pas par l’infirmier ou le médecin spécialiste, mais par exclusivement le médecin généraliste! Les médecins généralistes sont payés en fonction du nombre de patients qu’ils consultent. En revanche, l’Etat accorde des avantages financiers et logistiques aux médecins qui s’installent dans des zones difficiles. La majorité de prestations y sont gratuites: consultations, vaccination, médicaments usuels, etc… Seuls échappent à la quasi gratuité, les lunettes, les prothèses oculaires, et d’autres traitement lourds.
Avant qu’il ne connaisse des réformes successives, notamment avec son début de “libéralisation” sous Magaret Tatcher (la dame de fer), ce système a été progressivement transféré aux colonies britanniques avant leur indépendance. Même après avoir acquis leur autonomie complète, beaucoup d’ex-colonies britanniques ont gardé et copié (pas toujours identiquement) le NHS britannique. C’est ainsi que les systèmes de santé et assurance maladie ghanéens et nigérians s’appellent respectivement jusqu’aujourd’hui NHIS et NESHI.
AU CAMEROUN OCCIDENTAL ALORS?
L’ex-colon anglais avait effectivement débuté l’implémentation d’un système de santé, calqué sur le modèle NHIS dans le Cameroun occidental qui était sous tutelle tel que défini par l’ONU. Mais il a été stoppé net par l’indépendance survenue quelques années plus tard. Apres l’indépendance l’État (occidental, oriental, puis unitaire) a essayé tant bien que mal de remplir ses obligations régaliennes en matière de santé. Le modèle de système de santé en vigueur à cette époque était très calqué sur le fonctionnement et la structuration de l’Etat. Les plus anciens se rappellent de noms de certains hôpitaux appelés “Hôpital Départemental”(aujourd’hui Hôpital de District), “Hôpital Régional”. Ils se souviennent aussi de campagnes de distribution forcées de la chloroquine ou de la nivaquine pour traiter le paludisme. Puis est survenu la conférence d’Alma Ata en Union soviétique où on a mis en place le concept de “SOINS DE SANTE PRIMAIRE” et plus tard de l’initiative de BAMAKO. La réunion de Bamako a été tenue en raison du fait que les Etats africains (en pleine crise économique) n’arrivaient plus à remplir leurs engagements, surtout en matière de financement de soins. 2 mesures fortes sortiront de cette réunion qui devaient réorienter les liens entre l’Etat et les communautés (populations) bénéficiaires de soins de santé:
– Le CO-FINANCEMENT DES SOINS avec l’introduction du “billet de cession” payé par un membre de la communauté malade pour se faire consulter ou pour bénéficier d’un examen.
-LA CO-GESTION DES STRUCTURES DE SOINS.
C’est ainsi que sont nées des structures de dialogue entre les communautés et l’Etat qu’on appelle aujourd’hui: COSA (Comité de Santé), COSADI (Comité de Santé de District), COGE (Comité de Gestion), COGEDI (Comité de Gestion du District).
QU’EN EST-IL DANS LES FAITS?
Toutes ces structures de dialogue sont moribondes et inopérantes dans la zone francophone, pourtant plus actives en zone anglophones. Tandis qu’en zone francophone, un responsable d’une formation sanitaire gère la pharmacie comme son épicerie, en Zone anglophone, ce sont les communautés elles-mêmes qui s’occupent du bon fonctionnement de cette structure capitale de l’hôpital. Il en est de même de l’utilisation des recettes de l’Hôpital.
CONCLUSION
Le modèle de système de santé britannique (NHS) n’est plus en vigueur dans les régions anglophones du pays, mais sa ligne directrice calquée sur l’équité, l’efficience et la bonne gouvernance est restée. Tout ceci en raison de l’implication et de la participation EFFECTIVE de citoyens de cette zone du pays dans la gestion de leurs structures de santé. Les francophones gagneraient à copier ce modèle!!!
Dr Roger ETOA
Médecin de santé publique