
Personne ne l’avait imaginé ! Les obsèques de Docteur BEBVON TELONG Georges René, le fils de l’artiste musicien ASA TELONG, ont été une scène de dialogue entre deux familles : l’une anglophone et l’autre francophone. Les deux familles ont fait la paix afin que la paix revienne au Cameroun.
Cet article est rédigé par Augustin Roger MOMOKANA pour le compte du journal en ligne Sinotables. Date de la mise en ligne 18 mai 2021.

ASA TELONG est âgé de 21 ans lorsqu’il est chaleureusement accueilli à Bamenda chez l’honorable SAM MOFOR, un ancien membre de la Northern Cameroon et membre du conseil économique et social. Cette haute personnalité est impressionné par son talent de musicien ne l’appelle pas de son nom de famille, mais lui colle NDONGMO parce que son petit frère, Simon ACHIDI ACHU, était ministre de la Justice lorsque Mgr Albert NDONGMO est jugé. Grâce à cet homme politique il va côtoyer John NGU FONCHA, Salomon TANDENG MUNA, et même Ni John FRU NDI.
« C’est au salon de Sam MOFOR que j’ai rencontré le plus bel amour de ma vie. C’était AKENJI RENGUE Lisette. Sa nièce. Nous passions notre vie en cachette. C’était l’adolescence. Et la musique pour moi était quelque chose… il y avait quelque chose qui me disait qu’il faut pousser un peu plus loin. Je ne voulais pas décevoir, encore moins la mère qui en sa qualité de grande commerçante faisait la ligne du Gabon. Honorable Sam MOFOR était membre du Conseil économique et social. C’est chez lui que j’ai forgé ma culture anglo-saxonne. C’est dans cette famille que je remercie grandement aujourd’hui. A Kumba il y avait notre grand-frère KANA Jean René qui a formé Prince Nico MBARGA, Johny TEZANO, Lapiro de Mbanga, Jacob NGOUNI… c’était pour moi un rêve. Il fallait que je quitte Bamenda pour aller à Kumba pour me faire former et apprendre davantage. Mon père n’avait pas voulu que je fasse de la musique, mais je n’ai pas arrêté et j’ai été un gars correcte que ce soit au Ghana, en Uganda, au Kenya, au Togo, au Zaïre, à Cuba, etc. »
Kumba ouvre la route du Nigéria au jeune qui a grandi en compétences. Il s’éloigne définitivement de sa dulcinée et de leurs trois enfants dont l’ainé est BEBVON TELONG Georges René. Recruté dans l’orchestre de Sonni OKOSUN Il va parcourir l’Afrique et quelques pays du monde. Il a rencontré le président cubain Fidel CASTRO, dine avec Thomas SANKARA, entre autres. J’ai assisté à la cérémonie du transfert du nom de Haute Volta à celui de Burkina Faso. C’est quatorze plus tard que sa famille a de ses nouvelles : son passage aux antennes de Africa N°1 a été remarqué par des membres de la famille.
« C’est pour vous dire que Lisette AKENJI RENGUE m’a tout donné. Cette famille m’a tout donné. Cette famille m’a supporté de bout en bout. Imaginez ! Quelqu’un fait des enfants avec votre sœur et les abandonne et s’en va. C’est cette famille qui a élevé ces enfants-là. Je n’ai contribué aucun radis, aucun franc pour élever ces enfants. Mais imaginez leur degré de tolérance. Lorsque l’oncle direct à sa maman m’appelle pour me dire : « Doctor is no more ! » nous sommes allés au Nigéria malgré l’insécurité chronique entre Bamenda et Ekok. Je voudrais que vous donniez une salve d’applaudissement à cette famille de Bamenda. Lisette m’a donné trois enfants. Cette famille a pris sur elle de mettre une voiture à ma disposition. Un Suzuki diesel avec un chauffeur spécial et les frais d’hôtel étaient à la charge de cette famille. Ce que j’ai sorti de mes poches c’était pour soutenir la pauvre veuve et les pauvres orphelins. Ils devraient être ici ce jour avec nous, mais pour des raisons d’insécurité au Cameroun ils n’ont pas pu se déplacer. Je vais vous le dire très sincèrement. Je vis avec un clou dans le cœur. Ce clou parce que j’avais abandonné Lisette à la famille pour aller en aventure. »
Mais lorsque plus tard il revient au Cameroun il renonce à son premier amour et s’engage avec une autre femme. A leur première enfant il attribue le nom complet de son premier amour. C’est ainsi qu’à cette enfant il attribue le nom RENGUE Lisette. Elle est l’homonyme de la mère de Docta. Il dit l’avoir fait pour payer cette dette de reconnaissance. Avec cela il est persuadé que le nom de son épouse ne sera jamais oublié.

« A mon retour je n’ai plus pris Lisette. Elle est morte il y a de cela 17 ans. Et chaque jour je suis contrit. Je suis profondément contrit. Mais elle m’avait toujours soutenu pour que j’aille le plus loin possible dans ma carrière musicale. Elle m’a aimé parce que j’étais un bon musicien. Et elle a veillé à ce que notre fils soit un bon pianiste. Il était pianiste de jazz. Je voudrais vous supplier de demander à cette famille de m’excusez, de me pardonner pour cette lourde charge que je leur ai donnée. Je leur ai donné des responsabilités qui m’incombaient. Cette famille les a assumées. Je ne suis pas sûr qu’ils m’ont pardonné malgré tout le confort qu’ils m’accordent. Je voudrais vous supplier, supplier les dieux de ce pays de demander à cette famille de bien vouloir me pardonner. Nous avons perdu notre fils et cette famille est ici avec nous. C’est une marque de tolérance sans borne. Je prie qu’ils puissent me pardonner pour que à travers ce pardon que non seulement qu’il y ait la paix dans cette concession, mais que la paix puisse aussi régner dans tout notre Cameroun puisque ce sont leurs parents qui ont versé de leur sang pour réunir le Cameroun occidental au Cameroun oriental.»
A ce niveau, le chef de la famille MOUNGOUE NKAMTOH Roberts prend le micro pour laisser jaillir, tel un baume, deux phrases :
– « You are blessed. We are together. »
ASA TELONG a sa peine commuée. Il conseille à son auditoire une chose : ne jamais avoir honte d’accepter sa faute ou ses erreurs. Il invoque son père qui lui a confié sa succession, afin qu’au nom de docteur BEBVON TELONG Georges René, il fasse régner la paix parmi ses enfants. Il évoque la mémoire de Barbara, une de ses filles morte il y a de cela cinq ans pour implorer l’intervention des divinités de Bafou en particulier et du Cameroun en général.
Pour mémoire, Docteur BEBVON TELONG Georges René, fils de ASA TELONG (NAOUSSI Justin) et de AKENJI RENGUE Lisette est décédé le 21 mars 2021 à Uromi, Etat de Edo, au Sud-Ouest du Nigeria. Il était âgé de 43 ans et père de 4 enfants.
Augustin Roger MOMOKANA