Le préfet de la Menoua a répondu aux questions de Sinotables s’agissant de la situation de la mobilisation contre le nouveau coronavirus dans le département dont il a la charge.
M. Mboke Godlive Ntua demande aux populations de cesser de croire que le COVID-19 est « la pandémie des Chinois ». Elle est une préoccupation planétaire et chaque citoyen, d’où qu’il se trouve et quelle que soit son activité doit participer à la guerre. Car il s’agit de sauver la vie humaine.
Monsieur le Préfet, le Cameroun est mobilisé dans une guerre totale contre le Covid-19. Comment le Département de la Menoua vit-il psychologiquement cette guerre d’un autre genre ?
Pour le moment les populations demeurent sereines. Il n’y a pas d’affolement. Et j’espère que cette crise ne va pas prendre une grande ampleur. Pour l’instant c’est la sérénité et la confiance en les mesures prises par le gouvernement.
Quels sont les éventuels obstacles que vous rencontrez dans leur implémentation ?
L’obstacle majeur que nous rencontrons c’est justement cette sérénité dont je viens de parler. Comme pour dire qu’on est trop serein ici. Et parce que l’on est trop serein, il n’y a pas encore une application rigoureuse des prescriptions de Monsieur le Premier Ministre. Je pense que si les gens prenaient cette histoire plus au sérieux, tout le monde rentrerait en plein dans l’exécution des mesures gouvernementales.
Le taux de pénétration en zone rurale de la télévision, de la radio et de l’internet n’est pas une garanti pour dire qu’on a mobilisé toute la population. Ailleurs, certaines municipalités ont opté pour la voiture sonorisée afin de toucher le maximum de personne possible. Qu’en n’est-il du département de la Menoua ?
Pour la Menoua nous avons fait des communiqués pour les radios communautaires présentes dans le département. Effectivement, elles ne sont pas partout. Par ailleurs, nous avons saisi les maires, les sous-préfets, et les chefs de groupement qui, chacun à son niveau est entrain de passer le message à travers les réunions, les associations, entre autres. Nous estimons qu’avec cette implication des autorités traditionnelles l’information a atteint où la radio ne peut pas parvenir. Mais ce que vous proposez parce que les autres l’ont fait, nous allons l’examiner avec les maires dans la mesure où si une campagne publicitaire motorisée peut être ajoutée à ce qui se fait déjà, ce ne serait qu’une bonne chose. Ceux qui ont pensé à cela n’ont pas eu tort.
Monsieur le préfet, la batterie de mesures gouvernementales impose le confinement et la distanciation sociale. J’ai constaté, en jetant un coup d’œil dans la salle de la réunion que vous venez de présider, que la distanciation a été respectée. Mais est-ce que vous veillez à ce que cela soit également dans les marchés ?
Les dispositions sont entrain d’être prises pour que les grands marchés soient interdits. Comme vous le savez ce sont des cadres où il y a de très grandes foules. On peut encore tolérer les petits marchés. Dans ce cas les maires devront s’assurer que la mesure gouvernementale en ce qui concerne les points visés est respectée. Nous allons y veiller. Pour l’instant nous préparons un arrêté préfectoral pour réglementer un certain nombre choses.
Vous parler de « grands marchés », de « petits marchés », à quoi faites-vous allusion ?
Cela veut dire que dans chaque arrondissement, dans chaque Commune on connait le jour du grand marché, et également le jour du petit marché. Le jour du grand marché c’est ce jour-là où c’est le plein d’œuf. On va suspendre les grands marchés pour un bon bout de temps.
Selon le Ministre de la Santé publique, le pic au Cameroun est estimé à plus de 3800 personnes touchées d’ici à quatre semaines. Quelles sont les contraintes spécifiques à la Menoua pour tirer notre épingle du jeu ?
C’est difficile à dire. Parce que comme vous les savez, cette maladie a été importée. C’est venu de l’extérieur. Et la Menoua a ses filles et fils qui sont venus de l’extérieur. Qui nous dira que l’un d’eux n’est pas descendu au village pour voir la famille. Ce que nous avons déjà fait et sur lequel nous allons insister davantage c’est la suspension des funérailles. Les veillées sont suspendues. Les enterrements sont limités à la stricte intimité familiale. Il faut éviter les enterrements ouverts au public. Cela doit se passer entre les proches du défunt. On ne veut plus que les gens partent de Douala, de Yaoundé, et même de l’étranger pour un enterrement. Jusqu’à ce que cette crise soit totalement gérée. Parce que ceux qui viennent peuvent être porteurs du virus. Voilà ce que nous faisons pour limiter au maximum ce qui peut être la menace pour la Menoua. Voilà ce que nous faisons pour éviter la propagation du coronavirus.
Nous parlons d’une pandémie importée. Mais nous sommes sans ignorer qu’à l’heure où nous parlons les gens se déplacent encore en toute sérénité de Douala à Dschang, et de Yaoundé à Dschang, et vice-versa. Quelles sont les mesures prises pour que les gens de la Menoua restent dans la Menoua, et que personne n’entre plus dans la Menoua ?
Vous le savez, le préfet est un agent d’exécution. Tant que le gouvernement n’a pas décidé de suspendre les voyages interurbains, le préfet ne peut pas à son niveau prendre une telle décision. Tant que le gouvernement n’a pas estimé que cela est nécessaire, les gens continueront à se déplacer d’une ville à l’autre, en se conformant aux mesures arrêtées par le ministre des transports. Mais déjà, si nous respectons les premières mesures qui ont été prescrites par le Premier ministre, il va sans dire que la situation sera contenue. Si par contre nous ne les respectons pas, on va arriver au stade où le confinement sera total.
Ce qui signifie que dans le cas d’un confinement total, c’est alors que l’on devra voir comment approvisionner les ménages ?
Chaque citoyen, chaque ménage devra commencer à prendre ses dispositions pendant que le marché est encore ouvert. Il faut commencer à mettre les prévisions de côté pour prévenir ce jour-là car, personne ne peut vous dire avec exactitude ce que demain nous réserve. Mais on espère que cela ne va pas arriver. Je dois insister : tout le monde doit déjà respecter ce confinement personnel. Je prends l’exemple des élèves et des étudiants qui, au lieu d’être à la maison, se montrent plutôt dans les stades de football, de tennis entrain de jouer. Les enfants qui devaient être confinés à la maison sont devenus des commerçants. Nous devons mettre un terme à cela. Il faut que les gens comprennent que nous sommes face à un danger réel et que les gens doivent rester confinés chez eux. Ils ne doivent sortir que lorsque c’est essentiel. Si vous êtes au nombre de dix à la maison et que la nourriture est finie, une seule personne peut sortir pour faire le marché. Si quelqu’un est malade il doit aller à l’hôpital. S’il y a obligation de voyager… Sinon le fait de sortir parce qu’on doit prendre une bière, parce qu’on doit voir des amis ou la famille… c’est le moment d’arrêter cela.
Le premier ministre a évoqué la possibilité de recourir au Code pénal pour sanctionner toute personne qui ne se soumettrait pas aux mesures pour la lutte contre le Covid-19. Nous observons depuis deux jours de suite le sous-préfet de Dschang sermonner les mêmes commerçants après 18h ; et le lendemain il se trouve à faire le même exercice. Devrais-je vous le dire, votre collègue de la Mefou et Afamba a sanctionné durement un commerçant. A fin que nulle n’en ignore. La Menoua tend-t-elle vers la sanction ?
Nous allons y arriver. J’en ai parlé lors de la dernière réunion de sécurité, l’état-major en a parlé. Au niveau du tribunal ils attendent seulement quelques éléments de l’administration. Vous savez, lorsqu’on va aller au tribunal, il faudra y aller avec un acte. L’acte interdisant tel ou telle action. On va prendre cette décision pour mettre les gens en garde. Lorsque vous vous retrouvez contre ce que le premier ministre a dit, contre ce que le Président de la République a instruit et qui est maintenant repris dans l’Arrêté du préfet, vous vous exposez à ces sanctions prévues par le Code pénal. Parce que vous vous serez illustré comme propagateur du coronavirus. Dans ce cas le Code pénal vous frappera et sans excuses.
Monsieur le préfet, une rumeur persistante dit qu’il y aurait des cas avérés de malades à l’hôpital Saint Vincent de Paul et à l’hôpital de District de Santé de Dschang. Qu’en est-il exactement ?
Les populations doivent le savoir. A l’heure actuelle nous avons des cas suspects. Ils ont été prélevés et seuls les résultats nous diront s’ils sont oui ou non infectés. Si par malheur ils s’avéraient malades, le ministre de la santé publique devra les inscrire sur la liste des cas déclarés. Pour le moment ce n’est pas encore cela.
Concrètement ?
Il s’agit d’un habitant de Dschang qui a eu le contact avec un membre de la famille venu d’Italie et qui est donc actuellement malade. On a effectué le prélèvement ce jour [mercredi 25 mars, ndlr]. Cela sera envoyé à Yaoundé dans les prochaines heures. Pour l’instant, nous demandons à tous ceux qui ont été en contact avec cette dame-là de se confiner et de suivre l’évolution de leur santé. Dès le moindre malaise, ils doivent le signaler.
Le second cas concerne quelqu’un qui a été à Dschang et qui est malade. Il a effectué un passage à Dschang, dans le cadre d’un enterrement avant que l’on ne suspende les grands rassemblements. Il y avait un enterrement et cette personne est venue à la veillée puis à l’enterrement. C’est après qu’elle est tombée malade et se trouve en ce moment hospitalisée à Bafoussam. Vous vous rendez compte ! Beaucoup de personnes croient encore que c’est encore très loin de nous. Pourtant chacun doit savoir que la menace est réelle. Il est préférable, s’il n’y a pas d’urgences, de rester confiné à la maison.
Quel message lancez-vous à vos administrés en cette circonstance exceptionnellement de notre histoire sanitaire ?
Des mesures ont été édictées par le Premier ministre et chacun de nous est au courant. Que cette information passe de bouche à oreilles. Qu’elle parcourt les coins et recoins de notre département. Que dans tous les ménages on garde les enfants à la maison. La vie ne va pas s’arrêter. Au-delà de cinquante personnes, je ne vous souhaite pas d’être présents. La distanciation d’un mètre, il faut la respecter. Les mesures d’hygiène à savoir le lavage des mains à la sortir et au retour à la maison ou dans les bureaux.
Monsieur le Préfet, nous vous remercions pour votre disponibilité à répondre aux questions de Sinotables.
Je vous en prie.
Propos recueillis par Augustin Roger MOMOKANA