« Où est même Baleveng-là que Paul ATANGA NJI et son ami charcutent ? » En fait, ce qui au départ était considéré comme une petite blague s’est finalement avéré fondé.
Un arrêté (la date de sa signature est illisible à l’œil nu, mais elle daterait de 2023 tandis que le visa de la Primature ne date que du 05 ou 08 février 2024, curieusement) du Ministre de l’administration territoriale, Paul ATANGA NJI, procède au « reclassement au 2e degré de la Chefferie de 3e degré de Balekouet ».
« On a d’abord cru à un fake news, mais enquête faite ce document s’est avéré authentique et vraie ». Puisque des chefs de villages aux abois nous ont confirmés son existence, sans qu’ils sachent comment cela a été possible.
« Je n’ai jamais été au courant ni consulté par qui que ce soit. C’est grâce à Sa Majesté le chef supérieur, roi des Baleveng, que je découvre la manœuvre qui, de surcroit, y a associe mon village », s’est indigné un chef de village victime de l’acte du Ministre de l’administration territoriale.
Le document devenu viral sur les réseaux sociaux a créé une onde de choc et suscite l’indignation aussi bien dans le département de la Menoua que dans la grande communauté des grassfields.
En effet, il est constant ici que nulle ne doit prétendre aux fonctions de chef traditionnel s’il n’est issu de la royauté. Certains ont commencé à réaliser le degré de leur perdition au point où dans certaines chefferies supérieures ou de village, vous n’allez plus assister à des ennoblissements sous les titres de Fô, Nkeum. C’est désormais Ndi Nwemba, Mbii, Mboho, Té, Moho, etc.
Selon nos premières informations, il va sans dire que la « chefferie Balekouet » qui bénéficie d’un arrêté de « reclassement » a été créée il y a près d’une dizaine d’années seulement, ce contre l’avis du roi des Baleveng. « En réalité, le Monsieur n’est même pas chef de quartier. Son père ne l’était non plus. Il a juste déployé ses entrées à Yaoundé pour diviser notre village. »
L’on se rend compte dans le cas de Baleveng, comme dans bien d’autres connus, que les Sous-préfets, les Préfets et le Ministre de l’administration territoriale sont de véritables dangers pour l’ordre public et la cohésion sociale. Eux qui clament à tue-voix être là pour consolider l’unité nationale, pour garantir la paix.
« Ce qui impressionne dans cette histoire, c’est la capacité et la vitesse avec laquelle nos chefs traditionnels se livrent au diable. D’abord ils se sont laissés acheter par l’administration néocoloniale qui leur verse une maigre allocation mensuelle, en suite ils sont prêts à vendre le titre de Fô au premier badaud qui se présente à eux avec une enveloppe remplie d’argent. C’est bien fait pour eux ! »
Admettons que le Ministre et ses collaborateurs, les autorités administratives, fondent leur action sur le Décret n° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des Chefferies Traditionnelles, il va sans dire que cela ne repose malheureusement pas sur le principe édicté par l’article 5.
« Nonobstant les dispositions de l’article 3 ci-dessus, l’autorité compétente peut classer une chefferie traditionnelle au 1er ou 2ème degré, en raison notamment de son importance démographique et économique », stipule ledit article.
Aussi, « Balekouet » ne remplit ni le critère démographique ni le critère économique. Même si ces deux critères sont vaguement mentionnés, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas explicités. Mieux encore, l’article 8 du même texte assomme le bénéficiaire de l’acte, car il n’est pas issu d’une ou « des familles appelées à exercer coutumièrement le commandement traditionnel. » Les Baleveng, « le peuple qui acceptent », acceptera-t-il l’imposture de l’un de ses fils viscéralement attiré par le pouvoir?
La situation que vit le groupement Baleveng vient s’ajouter au conflit opposant les groupements Foréké-Dschang et Sanzo sur notamment le village Nteingue situé au pied de la falaise de Dschang. Chacun des deux groupements revendique son autorité sur le village. Un conflit qui dure et perdure malgré les commissions préfectorales et ministérielles.
Relevons que selon le décret présidentiel portant organisation du gouvernement, le ministère de l’administration territoriale a, entre autres missions, « l’organisation et du suivi des chefferies traditionnelles ; » cela signifie-t-il pour autant qu’il devrait s’ingérer dans leur structuration ou dans la restructuration des chefferies traditionnelles ?
Baleveng est une chefferie supérieure de 2e degré située dans l’arrondissement de Nkong-Ni, département de la Menoua. Sa population avoisine 50 000 habitants. Il a à sa tête sa majesté Fô Tsoh Ngnang GUEMEGNI Gaston. Baleveng est composé de plusieurs chefferies de 3e degré dont Bandza, Mbou, Mekong, Minka, Nfeng, Suefeng, Lie-Yaguem, Tsombing, Zemto, Touoleveng et plus récemment Balekouet, homologuées par l’administration territoriale.
Augustin Roger MOMOKANA