
Mgr Albert NDONGMO, "l'Evêque du tonnerre"
L’évêque du diocèse de Nkongsamba, de vénérée mémoire, décédé le 29 mai 1992, en son temps, avait créé une société de production vestimentaire et agricole dénommée « Mungo Plastique » nécessaire. Pour sortir les populations de la pauvreté. A l’anniversaire de sa disparition le 29 mai 2018, des voix se sont fédérées pour faire de lui un modèle à imiter dans la création des richesses.
1-) Le religieux et le politique
L’ancien évêque du diocèse de Nkongsamba, feu Mgr Albert Ndongmo est décédé le 29 mai 1992 dans la ville de Québec au Canada où il poursuivait sa mission pastorale après sa sortie de prison à Tcholliré au Cameroun dans le cadre d’un procès intenté contre lui. Il était accusé d’intelligence avec la rébellion des « Upécistes » contre le régime d’Amadou Ahidjo. L’anniversaire de sa mort le 29 mai 2018 a réveillé les consciences dans sa région natale de l’Ouest. Beaucoup de réactions ont été recueillies dans les rangs de l’opinion. Pour d’aucuns, les célébrations eucharistiques du prélat étaient hors du commun et son audace pour les questions essentielles était remarquable. D’autres estiment que sa personnalité politique émerge beaucoup plus à l’évocation de ses relations avec un homme politique comme Ernest Ouandié qui était en rébellion contre le régime d’Amadou Ahidjo dans la région du Mungo. A ce sujet, le Dr Jean Claude Tchouankap, historien et chercheur en histoire politique, auteur d’une thèse de doctorat /P h. D. sur le prélat, intitulé : « Mgr Albert Ndongmo, le religieux et le politique (1926-1992),» soutenue à l’Université de Ngaoundéré le 31 octobre 2014, soutient qu’en 1961, le prélat rencontre Ernest Ouandié pour la 1ère fois pour lui suggérer le retour à la paix par le dépôt des armes. « Devenu évêque, il va se faire l’écho des mêmes préoccupations auprès du pouvoir de Yaoundé et propose à Amadou Ahidjo cette initiative. Qui a abouti malheureusement au procès et à la fusillade d’Ernest Ouandié le 15 janvier 1971. Ainsi, s’est achevé le combat mené par celui qu’on appelle tantôt terroriste quand on se retrouve du côté de l’administration coloniale, tantôt nationaliste si l’on est du côté de ceux qui combattent pour la vraie indépendance du Cameroun, » dit-il. D’autres évaluent que le serviteur de Dieu était un théologien de la libération avec la création de la société « Mungo plastique » devant affranchir le clergé indigène vis-à-vis des églises occidentales pourvoyeuses des dons. « Il a ainsi marqué son temps par une décision hardie qui était en avance par rapport à l’histoire de son peuple, alors que le pays venait d’accéder à l’indépendance et que les accointances entre l’administration coloniale et le clergé étaient encore de mise. Il a voulu ainsi promouvoir un diocèse riche, producteur lui-même des moyens de sa croissance,» soutient, le proviseur de Lycée, Fabien Tsafack. De sources, l’érudition du prélat l’a rendu populaire chez les siens mais malheureusement, et il faut le regretter, une menace pour les autres qui n’avaient jamais cessé de voir l’Eglise comme le prolongement de la colonisation et d’asservissement plutôt qu’un vecteur naturel de libération.
2-) Mgr Albert Ndongmo et des élus du peuple
Selon Jean Claude Tchouankap, la création par Mgr Albert Ndongmo de l’entreprise « Mungo plastique » qui sera torpillée par l’administration d’Amadou Ahidjo et la hiérarchie de l’Eglise catholique, démarre sous de meilleurs auspices dans la localité de Penja pour s’implanter à Douala, mérite quelque attention. L’évêque, né en 1926 à Bafou, bourgade limitrophe de la ville de Dschang dans le département de la Menoua, a côtoyé au quotidien la misère du monde agricole et l’exploitation coloniale et s’est donné pour mission d’inverser la tendance. Il le déclare en 1964 lors de son sacre au poste d’évêque de Nkongsamba en ces termes : « L’Eglise ne peut conduire les hommes au ciel comme si la terre n’existait pas. Mgr Albert Ndongmo, évêque du diocèse de Bafoussam, la vieille époque est terminée. » C’est dans ce sillage qu’émergera « l’unité de production » destinée à fabriquer et mettre sur le marché des bottes, machettes, manteaux, précédemment fabriquer en France pour libérer les hommes sans frontières de la pauvreté. Une initiative des Bamilékés vivant dans le Mungo, portée au nom de l‘Eglise et financée par l’Opus dei du Vatican. « L’on peut comprendre le programme économique du ministre de Dieu, car pour lui, et par rapport aux Saintes écritures, le paradis est d’abord terrestre, allusion faite au jardin d’Eden où se retrouvait Adam et Êve. Cette pensée féconde du prélat peut alimenter la conscience du politique qui entend travailler à l’amélioration des conditions des vies des populations, » dit-il.
Un analyste politique pense que l’entreprise du prélat depuis sa conception jusqu’à sa matérialisation peut inspirer certains élus du peuple prévaricateurs à identifier et mettre ensemble des projets porteurs de développement nécessaires à l’amélioration des conditions de vies des populations et du mieux-être, les prioriser et les réaliser en fonction de l’enveloppe financière disponible. Le Pr Emile Temgoua, 1er adjoint au maire de Dschang et en charge des grands travaux, est d’avis quand il dit que la déclaration suivie des actes du prélat démontre à suffire que les 4 piliers du développement sont liés. « C’est dire que le développement de la personne en tant qu’enfant de Dieu s’accompagne de la création des richesses, de la protection de son cadre de vie et de la bonne gouvernance. De là à espérer une vie décente pour tous si nos richesses tant humaines qu’économiques sont valorisées et bien gérées, » précise-t-il. Des laïcs engagés estiment aussi que l’initiative du prélat, constructeur d’un avenir meilleur, doit inciter les différents clergés des diocèses du Cameroun à promouvoir eux-mêmes leurs moyens de croissance quand on sait qu’ils vivent de la main tendue aux fidèles et des subsides des Eglises extérieures. Mais sans négliger les ressources propres classiques qui proviennent des œuvres tels que l’éducation, la santé, les loyers des immeubles dont la gestion est souvent sujette à des critiques acerbes.
L’ex sénateur Sdf de la Menoua, Etienne Sonkin pense que si par la création de l’entreprise « Mungo Plastique, » Mgr Albert Ndongmo a voulu prêcher par l’exemple, surtout en donnant à celle-ci la vocation de financer notamment les missions d’évangélisation dans son diocèse et aider les nécessiteux, de nos jours, de telles initiatives engagées par les hommes d’Eglise le sont dans la plupart des cas pour l’enrichissement personnel des promoteurs, dévoyant ainsi la pensée de l’illustre prélat de vénérée mémoire. « S’il en est ainsi des disciples terrestres de l’Éternel, que peut-on attendre des élus des peuples des temps modernes (qui ne sont pas des enfants de cœur) et dont la plupart définissent le positionnement politique plutôt comme un artifice pour leur propre prospérité au détriment du peuple dont ils prétendent être l’émanation de la volonté »? S’interroge-t-il.
Filbert AZAP NDONGO
Impossible réhabilitation de la Fondation Albert Ndongmo ?
Dans la foulée des évènements qui ont suivi son décès, il y a eu la mise en place de la Fondation Albert Ndongmo. De sources, les promoteurs de cette structure naissante entre autres, les feus les Pr Tadadjeu et Fabien Kangue Ewane (président), Célestin Lingo (secrétaire général) ; Jean Baptiste Sipa, s’étaient donnés pour objectif de promouvoir des activités économiques, éducatives et culturelles. Malheureusement, « la structure n’a pas été érigée sur le socle idéologique et religieux qui a animé la pastorale du prélat ». Au congrès de Douala en 1994, le clientélisme a pris le dessus avec toutes les dérives qui ont pour noms : le tribalisme, les divergences politiques, les déchirements tendancielles, l’incohérence au sein de l’Eglise Catholique. Ainsi, le président Fabien Kangue Ewane a été remplacé par un Bamiléké. Le tollé général et la désapprobation de ceux qui stigmatisaient le tribalisme ont commencé à fragiliser cette jeune Fondation et décourager le zèle initial. Les nouveaux responsables n’ont pas eu le dévouement, la poigne et la volonté des premières heures, ce qui a favorisé le déclin de cette jeune Fondation. « Aujourd’hui, le découragement est à ce point avancé qu’il faudra absolument un homme très charismatique pour relancer le projet. Car qu’on l’aime ou pas, Mgr Albert Ndongmo aura été un homme d’exception, un visionnaire,» confie, Fabien Tsafack, membre de la défunte Fondation et congressiste. Un prêtre membre du conseil épiscopal du diocèse de Bafoussam enfonce: « Mgr Albert Ndongmo comme tous les révolutionnaires est sujet tout le temps à des opinions controversées. Quand bien les nouveaux prélats au sein de l’Eglise catholique au Cameroun épouseraient son idéologie, l’on est enferré par un ensemble des règles de fonctionnement de l’Eglise d’aujourd’hui. » Et de s’interroger : « Les préoccupations des carrières des uns et des au sein de l’épiscopat amènent à s’interroger si l’on a le droit de suivre des idéologies révolutionnaires comme celle de Mgr Albert Ndongmo » ?
Filbert AZAP NDONGO