Michelle Bureau, Ancienne déléguée des Francas des pays de la Loire, et responsable de Formations en Bretagne, a accordé un entretien à Sinotables. Celle qui est à l’avant-garde de la coopération de partenariat entre Agadir au Maroc et la Commune de Dschang sur le métier d’animateur socio-éducatif, le regard de l’occident sur l’Afrique, et l’enjeu d’un partenariat Agadir-Nantes-Dschang.
Qui est Michelle Bureau ?
Déléguée nationale des Francas, ayant travaillé dans 3 régions Poitou Charentes, Pays de la Loire, Bretagne. Professionnelle de l’animation socio-éducative mais surtout militante de l’éducation.
Siège au Conseil économique social, environnemental de la Région des pays de la Loire en tant que personne qualifiée (nommée par le Préfet de région) sur les entrées de la vie associative et de la jeunesse.
Madame Bureau, le samedi 9 mai dernier, vos collaborateurs ont organisé une cérémonie de votre départ en retraite. Comment avez-vous vécu ces derniers instants de votre vie professionnelle avec vos collègues que vous quittez?
C’est émouvant, bien sûr, de retrouver autant de personnes alors que l’on termine son parcours professionnel, des personnes avec qui on a travaillé, avec qui on a trouvé les moyens de dépasser les difficultés que tous parcours professionnels génèrent. C’est l’occasion de revoir des personnes qui ont jalonnées le parcours. Il y a ceux avec qui on a appris, ceux avec qui on a fait ceux à qui on essaye de passer le relais. Ce sont aussi de nombreux partenaires, rencontrés au fil des actions, locaux ou internationaux associatifs ou institutionnels et c’est le souvenir plaisant du travail effectué avec eux.
Quel sentiment vous amine au moment de ce départ en retraite ?
Celui d’une mission accomplie, mais pour laquelle il reste tant à faire. L’éducation c’est sans fin et c’est partout ; sur tous les continents, et pour toutes les générations. J’ai essayé de faire du mieux possible, j’ai essayé de laisser aux jeunes générations les moyens de poursuivre cette mission, par leur engagement. C’est le projet des Francas. Un projet qui vit depuis bientôt 80 ans.
Vous partez, mais on ne sait rien de comment vous êtes arrivé chez Les Francas. Dites-nous, comment cela s’est fait, et ainsi que les responsabilités que vous avez occupées ?
Issue d’une famille de petits agriculteurs, je ne souhaitais pas travailler à la ferme, je suis allée travailler dans un centre de loisirs, j’ai fait jouer les enfants et j’ai découvert l’importance de l’éducation. Ensuite j’ai fait un parcours de formation BAFA puis BAFD et enfin un parcours de formation professionnelle. Mais c’est sur le terrain, dans l’action avec des équipes engagées que j’ai appris le plus.
Vous avez été très impliquée dans les projets internationaux, notamment ceux centrés sur les questions d’encadrement des jeunes par les métiers animateurs socioéducatives au Cameroun, Guinée, et Maroc, pour ne citer que ceux-ci ? Quel bilan et comment voyez-vous la suite de ces initiatives ?
Depuis 15 ans (2007) j’ai conduit des projets avec la Guinée, le Maroc, plus récemment avec le Cameroun, tous les projets étaient à destination de la jeunesse et tous ont été co-construits avec les partenaires dans une relation que l’on a souhaité SUD-SUD-NORD, pour sortir de ces relations Nord-Sud qui ne sont pas favorables au développement. Il n’y a pas ceux qui savent et qui transmettent, ceux qui donnent et ceux qui reçoivent, c’est ensemble que nous construirons un avenir pour les jeunes générations. Nous sommes interdépendants, nous l’oublions trop souvent. Les actions conduites par les animateurs socio-éducatifs doivent permettre aux populations de comprendre cela.
Je reste toujours aussi indignée, par la façon dont l’Occident considère le continent africain. Les rapports entre les différentes parties du monde bougent, j’espère que cela sera au bénéfice de tous.
La découverte des différentes cultures, la compréhension des richesses dont chaque culture est porteuse fait également partie de ce qu’un projet international apporte à chacun de ses participants.
J’ai beaucoup appris dans toutes ces rencontres, j’ai conservé quelques grandes amitiés et j’espère qu’ils continueront de vivre et de permettre à de nombreux jeunes d’en bénéficier.
Comment définissez-vous un animateur socio-éducatif aujourd’hui ?
C’est une personne qui a le souci du collectif et de l’intérêt général. Il a réfléchit à ce que sont les biens communs et il essaye, par ses actions, par ce qu’il propose, par ce qu’il organise de mettre en vie ces principes. Ce qui suppose l’émancipation de chacun, le travail collectif, de partager, de chercher à comprendre les points de vue différents du sien. Il est lui-même curieux, enthousiaste, il a envie de participer aux changements, il a des convictions (et non des certitudes).
Comment envisagez-vous la vie après Les Francas ? Des idées, des projets déjà en attente ?
Du temps, pour ma famille, mes amis mais aussi pour moi : lire, écrire, dessiner, peindre, jardiner, voyager. Profiter de la mer et de la nature, réfléchir et un peu d’activités physiques pour me maintenir en forme. Je reste disponible aussi pour ceux qui veulent poursuivre cette belle aventure qu’est celle d’inventer le monde demain, un monde meilleur plus solidaire, plus respectueux de chacun… un monde de paix.
Vous avez activement milité pour le partenariat Agadir (Maroc) et Dschang. Le maire de Dschang et le directeur de l’Office de Tourisme de Dschang se s’étaient d’ailleurs rendus à Agadir, après qu’un représentant de cette ville marocaine ait été accueilli à Dschang. Quel étaient vos attentes et quel atout offrait un tel partenariat auprès de Nantes ?
A Nantes, les Francas agissent sur les questions de jeunesse, de citoyenneté, d’éducation, de culture, d’interculturalité. Lors des biennales de l’éducation que nous organisons, en lien avec la ville nous avons toujours invité nos partenaires du continent africain. Les collectivités locales, ont de mon point de vue tout intérêt à ce que leurs sociétés civiles soient elles aussi en relations ; les actions associatives renforcent les actions portées par les villes.
Notre planète subit, aujourd’hui de profonds changements ; le réchauffement climatique, la raréfaction de l’eau, mais également la propagation des virus sont autant de mutations qui nous impactent tous. Les intensités sont différentes suivant les pays, mais les conséquences sont là et les jeunes générations sont celles qui sont le plus impactées. Se connaitre, partager des expériences, réfléchir ensemble aux problèmes permet à chacun de trouver les solutions les plus adaptées. Ce que les villes et leurs citoyens ont appris peut être, ainsi, partagé.
Lors du déplacement des Francas de Nantes à Dschang, sur les questions de formation des jeunes, nous avions proposé à Monsieur EL Maintaguy (Agadir) de se joindre à nous. Les échanges, ont mis en évidence des intérêts de la ville de Dschang sur les questions touristiques ; un déplacement du maire de Dschang à Agadir, s’en est suivi.
Coopérer c’est créer des opportunités, ouvrir pour chacun des perspectives ; les relations sud-sud nord s’inscrivent dans ces logiques, elles conduisent les acteurs à s’interroger différemment et les nantais ne peuvent qu’être fiers de contribuer à faire bouger les approches.
Propos recueillis par Roger TOGUEM