LEUWE Élie est l’une des personnalités les plus représentatives dans la Menoua des années 1980, en matière d’éducation. Il fut d’abord le directeur du mythique Grand Collège de la Menoua, puis celui de Menoua Espoir Collège. Le Grand Collège de la Menoua a eu pour cadre d’abord l’immeuble en face de la Grande Pharmacie Lah du Dr TSOBGNY PANKA Paul. Avant de se loger en suite dans ses locaux au site qui abrite aujourd’hui l’Institut Supérieur des Sciences et Technologies NANFAH.
Sinotables a rencontré M. LEUWE Élie et partage avec vous l’entretien qu’ils ont eu. C’était en marge d’une cérémonie de don aux veuves et ouvriers apostoliques de l’Église Évangélique du Cameroun, région synodale de Dschang.
Dites-nous, Monsieur LEUWE Élie, pourquoi partez-vous de Dschang ?
Mon amour avec Dschang vous ne pouvez pas imaginer. Je suis parti de Dschang entre 1983 et 1985, si j’ai bonne mémoire.
Je suis parti parce que je n’avais plus d’emploi ici. Après des vacances passées au Nigéria, mon patron qui m’avait donné son accord avant le déplacement a prétexté que je n’avais pas préparé la rentrée scolaire et voilà pourquoi je pars de Menoua Espoir Collège pour être recruté au Centre universitaire de Dschang en tant que Attaché du Cabinet du Directeur général.
Et une fois parti de Dschang…
Je me suis retrouvé d’abord au ministère du Plan et de l’industrie où j’étais Chargé d’études au secrétariat général, et en même temps j’étais l’Attaché du cabinet du ministre du Plan. C’est lui qui m’avait fait partir d’ici, puisque j’étais au Centre universitaire de Dschang.
Après quelques mois je me suis retrouvé plutôt à l’extérieur. J’ai travaillé à l’ambassade du Cameroun aux États-Unis, où j’ai eu la chance de rencontrer quelques personnes qui m’ont beaucoup aidé dans ma vie professionnelle. Après trois ans et demi à Washington je suis rentré au Cameroun. Pour travailler cette fois-là au ministère du Commerce et de l’industrie (MINDIC). On m’a affecté comme délégué du Commerce dans le Moungo où j’ai passé sept années. Après je suis rentré à Yaoundé et c’est là où les choses ont quelque peu viré. Parce que là je n’ai plus continué avec la fonction publique.
Pourquoi ?
J’ai voulu faire comme tout le monde, c’est-à-dire changer d’air. Faire de petits métiers, de petites consultations dans le domaine du management. Tout ce qui est lié au leadership.
Et quelques temps après j’ai été sollicité par une organisation qui s’appelle MJS et dont le siège est à Lomé. Elle travaille avec le Conseil œcuménique des églises. Ils m’ont demandé de les aider dans le cadre de la formation des leaders communautaires dans toute l’Afrique. Et je l’ai fait pendant près de trois ans. J’ai parcouru pratiquement tous les pays. Sur les 52 j’en ai fait à peu près une quarantaine.
Et lorsque votre contrat avec le MJS vient à son terme ?
C’est là où un ami m’a appelé pour me dire que l’Église Évangélique du Cameroun a besoin de quelqu’un pour son évaluation. J’étais déjà pris au Bénin pour une évaluation. Mais ils ont insisté pour que je revienne au pays. Voilà comment j’ai démarré avec l’Église Évangélique du Cameroun. D’abord trois ans d’évaluation générale de l’église. On a fait le tour de toutes les régions pour savoir ce qui ne va pas à l’EEC et ce qu’on doit faire. Évidemment ce n’est pas que nous apportions les solutions, mais on écoutait les gens de terrain et à partir de ce qu’ils disaient on échangeait par rapport aux stratégies pour ressortir de cette situation.
Mais vous n’avez plus jamais quitté l’EEC ?
A la suite de cette évaluation les partenaires qui avaient soutenu et financé l’évaluation-ils sont cinq dans trois pays à savoir en Allemagne, au Pays Bas, en France- m’ont demandé de les aider à la mise en œuvre des recommandations de l’évaluation. Je leur ai répondu que je ne me voyais plus entrain de travailler pour le compte de quelqu’un d’autre que moi-même. Ils ont insisté et on a fait un deal. Je devais travailler pendant trois ans, le temps que l’église trouve quelqu’un d’autre pour l’accompagner. J’ai dit tant mieux ! Malheureusement les trois ans se sont transformés en dix ans. Voilà dix ans que je suis là, et je peux vous le dire sincèrement que depuis deux ans je cherche à confier ce travail à quelqu’un d’autre. Parce que j’ai envie de me retirer pour faire autre chose.
Quels souvenirs gardez-vous du Grand Collège de la Menoua ?
Ô Dschang ! Pas seulement du Grand Collège de la Menoua. Mais de Menoua Espoir aussi.
Commençons par le Grand Collège de la Menoua.
C’était, je dois le dire d’abord, c’était mon premier travail. Je venais de Douala après ma licence. Un certain monsieur qu’on appelait ONANA ESSOMBA m’a fait venir à Dschang pour me demander si je pouvais prendre quelques cours. Si c’est l’anglais, si c’est le français, si c’est l’allemand je suis preneur. C’est comme ça que j’ai donc mis les pieds au sein du Grand Collège. J’ai travaillé deux ans avec Monsieur ONANA. C’était un jeune monsieur très brillant, très dynamique. Mais comme tout être humain il avait ses faiblesses. Malheureusement il a eu des problèmes avec nos patrons. Il est parti, et c’est là où on m’a dit : « est-ce que tu peux faire le travail ? » J’ai dis : « bon je vais essayer ». Et je peux vous assurer, de manière sincère, que c’est l’une des meilleures périodes de ma vie professionnelle.
Pourquoi ?
Pour quoi ? Parce que le Grand Collège m’a permis de rencontrer de jeunes élèves très brillants. On va dire que certains étaient têtus, mais qui n’est pas têtu en réalité ? Je peux vous le dire, c’est avec beaucoup de fierté que je m’amusais à encadrer non pas les grands de la Terminale dont on avait le même âge, mais surtout les Petits de Sixième. Quand je n’avais pas cours j’allais dans les classes de Sixième pour travailler avec les Petits. Souvent je les emmenais, on faisait le tour de tout Foto. On observait les champs et on discutait sur la nature et autre. Pour moi ça n’a pas de prix. La deuxième chose que je peux dire concernant le Grand Collège c’est que grâce à mon travail là-bas j’ai rencontré un monsieur. Un Nigérian nommé Monsieur Ali Mohamed. Je n’oublierai jamais son nom. C’est lui qui m’a fait connaitre le Nigeria pour la première fois dans les années 1980-1981. Puisque ses trois enfants étaient internes au Grand Collège il m’a dit « vous faites du bon travail. Viens chez-moi, tu vas faire un mois de congé. »
Après le Grand Collège, vous atterrissez à Menoua Espoir Collège.
Ah oui Menoua Espoir ! Laissez-moi vous dire que je suis parti à Menoua Espoir parce qu’au retour de mon voyage du Nigéria mon patron a dit que j’étais entrain de saboter le collège. Que j’ai abandonné le collège et on était à la veille de la rentrée je n’ai rien fait pour la préparer. Je n’ai pas apprécié et je lui ai répondu : « vous ne pouvez pas me dire ça ! Je suis venu à Bafoussam vous dire voici…voici… est-ce que vous me permettez de… vous avez dit que vous allez voir. Hors les délais étant très courts je vous ai fais une lettre deux semaines avant pour avoir votre ok entant que patron. Je ne l’ai pas reçu et je suis parti. Mais en ayant préparé la rentrée. Parce qu’il y avait un certain Monsieur André le surveillant général. Il avait une moto. Il était là. Et Monsieur TCHINDA FOMAT Alexis qui se trouve actuellement à Douala. Ils ont tout mis en place pour préparer la rentrée scolaire. Je suis revenu un mois avant la rentrée et tout s’est bien passé. Mais le patron a dit qu’il ne veut pas ce genre de chose. J’ai dit « Patron ! Si c’est ça, permettez-moi de me retirer. » Il croyait que je blaguais. J’ai fait ma lettre, je l’ai déposée et le lundi j’étais parti.
Il vous arrive de rencontrer certains de vos anciens élèves ?
J’ai commencé en début 1979. J’y suis resté jusqu’en 1981, je crois. Je n’ai pas toutes les précisions, mais c’est à peu près cela. J’en garde le meilleur souvenir parce que bien évidemment j’ai des amis parmi mes anciens élèves. J’ai, par exemple, mon jeune frère et ami Zébazé [Benjamin ZEBAZE]. C’est depuis simplement quelques mois qu’on ne se voit pas parce qu’étant très très occupé. Je peux vous assurer qu’on a gardé de très bons contacts. J’oublie beaucoup de noms. Mais je peux vous assurer que j’ai rencontré plein de jeunes du Grand Collège à Douala et à Yaoundé, et c’est toujours avec beaucoup de plaisir qu’on évoque le nom de cet établissement qui faisait la fierté de nous tous.
Est-ce que vous pouvez partager un message avec ces personnes que vous avez encadrées ?
De manière générale, à tous nos frères et sœurs que j’ai eu la chance et le plaisir de connaitre-certains étaient tout petits, d’autres étaient déjà grands-je garde d’eux tous un très très bon souvenir. Souvent j’en parle avec mon ami Zébazé. C’est des choses qu’on n’oublie pas. Ce n’est pas comme le monde professionnel où les gens sont là pour les intérêts. Là c’était naturel. Grâce à Sinotables je leur transmets mon bonjour, tout en leur disant qu’ils ont une part dans la petite marche professionnelle que j’ai pu accomplir.
Un mot sur Dschang ?
La ville de Dschang, ô Dschang ! C’est toi qui m’as permis de grandir. Professionnellement, d’un, et au plan de la famille, deuxièmement. Ma fille Carole [Carole LEUWE, ndlr] que vous connaissez est née ici. Et vous ne pouvez pas empêcher à Carole de faire un voyage sur Dschang. Voilà ce que je peux vous dire. Donc Dschang… c’est Dschang, c’est Dschang quoi.
Mais vous revenez très peux à Dschang.
Quand le père Panka [Dr Tsobgny Panka Paul, ndlr] est décédé j’étais en déplacement. Sinon je serais venu pour assister à son enterrement au village Bafou.
Propos recueillis par Augustin Roger MOMOKANA