« Je vais parler au nom de nous trois, c’est-à-dire mes deux petits-frères et moi-même. J’ai aimé mon père, et je l’aimerai toujours. Papa que ton âme repose en paix ! » Trois petite phrases ont suffit à Nelson pour traduire sa déception devant l’attitude incompréhensible de la famille des artistes face à la mort. Lorsque son père avait choisi la musique, l’enfant se disait qu’il s’est éloigné d’eux pour rejoindre une nouvelle famille : celle des musiciens.
Ce qu’il ignorait, en effet, c’est que de nombreux artistes traitaient son père d’ « épave sociale ». Ceci justifie leur absence à sa cérémonie d’obsèques. Cérémonie suivie de près par Désiré Mbongue le Délégué départemental des Arts et de la Culture pour la Menoua qui, de temps à autres, s’est senti obligé de retrousser les manches. Il est même venu à l’inhumation dans une tenue favorable pour toute manoeuvrage.
Pourtant lors de la veillée artistique ils étaient nombreux à se bousculer au pied du podium. Ils ont offert au public une soirée artistique riche en sons et témoignages. Non pas pour le défunt, mais pour se faire voir, pour conquérir davantage de fans. Oscar MAWO avait travaillé et gagné un bon salaire. Il a une épouse avec qui il a trois enfants dont l’ainé est en classe de Terminale dans un grand lycée de Douala. L’une de ses sœurs se souvient du jour où, à Douala où était mécanicien, il a pu remettre en marche un engin qui avait dépassé de grands ingénieurs. Il était doué d’une mémoire et d’une intelligence suffisamment extraordinaires.
Oscar MAWO, de son nom de famille GATCHI Martin Oscar né le 2 mars 1968 à Dschang avait été mécanicien de bateaux, avant d’être piqué par le virus de la musique. Face à la surprise et à l’indignation de la famille il a pris l’option de s’en éloigner, et plus tard de se retirer à Dschang pour mieux vivre cette passion. Selon la famille il a été terrassé par l’hépatite virale. « Il préférait la cigarette à ses médicaments ». Oscar MAWO repose depuis samedi à Lefatsa, à Foto.
« Oscar a mené pleinement sa vie. La douleur que nous ressentons résulte de ce que nous ne l’avions pas compris. Il était en quelque sorte un prophète. Ses œuvres artistiques que nous avons écoutées avec un grand bonheur sont un enseignement pour l’humanité. Lorsque vous écoutez la profondeur de la chanson « Geste de main » vous vous dites quel grand enseignement ! Oui parce que l’artiste y parle de la manière dont on donne quelque chose à autrui. Nous ne l’avons pas compris. Et malheureusement aussi chez nous il y a plus de musicards que de musiciens», le pasteur Rodrigue KAJE lors de la messe centrée sur l’Évangile de Luc, Chapitre 8, du Verset 16 à 21.
Au cours de sa prise de parole, le Délégué du MINAC a fusillé les artistes, de la Menoua. « Tout le monde a méprisé ce garçon, jusqu’à le réduire à l’infra-humanité. Des pseudos artistes ont pensé que Oscar était un imbécile, une ordure, un fou, un homme seul. Ils sont d’une ingratitude manifeste et criarde. Ils ont abandonné leur confrère. Ils ont refusé de constater que Oscar était doué d’une intelligence exceptionnelle. Mais je leur dit qu’il pleut sur tout le monde. »
Vendredi 7 décembre, à 15heures, lors de la levée du corps à la Morgue de l’Hôpital de district de Dschang, aucun artiste n’était présent, excepté AS’A TELONG et quelques membres de l’académie. Le DD MINAC, constatant que la famille n’avait pris aucune disposition pour transporter le corps de l’intérieur au corbillard a pris sur lieu de désigner des inconnus dans la foules pour se joindre à lui.
D’« Epave sociale» à icône de la musique
AS’A TELONG dit avoir fait la rencontre d’Oscar un matin au niveau du lieu dit Entrée Chefferie Foto. Il jouait la guitare et chantait en même temps. Le promoteur de ATMA (AS’A TELON MUSIC ACADEMY) s’arrête pour écouter cet artiste pendant quelques minutes, avant de reprendre sa route.
Plus tard, à la faveur de la Fête Nationale de l’Unité, le préfet du Département de la Menoua de l’époque instruit que les artistes puissent être mobilisés pour donner un cachet particulier à la célébration. Pendant qu’une liste d’artistes est entrain d’être dressée, AS’A TELONG se souvient avoir rencontré un artiste dans la rue. Aussitôt il propose que l’on inscrive cet artiste dans la liste. Une voix surgit dans la foule pour s’opposer à l’idée, non pas sans traiter l’artiste en question d’ « épave sociale ». Un qualificatif qui, curieusement, est reconnu par la majorité d’artistes présents.
AS’A TELONG prend la résolution d’aborder l’artiste afin de le découvrir et de le connaître. Ce qui sera fait malgré les réticences de l’artiste à ne pas s’ouvrir à l’étranger. Ce qui ne sera pas facile à cause de la réticence de Oscar MAWO à n’accepter personne. AS’A TELONG est u globe trotter et il a rencontré artistes et artistes. En plus il a choisi d’enseigner la musique. Il va persévérer pour enfin de compte faire fléchir Oscar. Lorsque ce dernier sympathise, il lui propose d’accepter une nouvelle guitare qu’il lui offre, en remplacement de la sienne qui n’a plus que deux cordes. Oscar accepte et lui donne le temps de jouer afin qu’il puisse mieux appréhender ses chansons. Oscar a un potentiel qu’on doit canaliser afin d’en tirer quelque chose.
Mais avant de se lancer dans cette aventure, il serait important de rencontrer la famille de l’artiste. Malheureusement il dit vivre seul. Alors des correspondances sont faites au Délégués des Affaires sociales, à Sa Majesté le chef supérieur du Groupement Foto qui, à l’audition de des premières enregistrements accepte de parrainer cette activités et pose avec le futur artiste ; au préfet du département de la Menoua. Il s’agit de leur présenter un cas social et la démarche qu’envisage l’ATMA pour le produire. Les réponses sont toutes favorables.
Des efforts sont faits par AS’A TELONG pour à la fois discipliner et enregistrer l’artiste. Ainsi aux termes de cinq années d’efforts, il entre au studio en en sort avec un album de deux titres : « Geste main », « Mawo ». Comment présenter l’album au public ? Une soirée est annoncée à l’Hôtel Mbouoh Star Palace. Le jour J, dans la journée, une caravane est organisée dans la ville. Le monde constate, découvrant Oscar debout à l’arrière de la Toyota 4X4 de l’Alliance Franco-camerounaise de Dschang sa guitare en bandoulière, que derrière le « gitan » se cachait quelqu’un capable de lui faire danser et changer de perception du monde. A la tombée de la nuit, plus de 250 personnes ont envahit la salle. L’entrée sur scène de l’artiste est tout un événement, comme c’est souvent le cas pour les stars. Après une brillante interprétation en live de ses deux chansons, oscar se retire porté par les youyous du public. Oscar MAWO a fait son baptême de feu et le public est content.
Le maître des cérémonies annonce la vente aux enchères du tout premier CD sortit du lot à mettre en circulation ce soir-là. Il fixe la mise à prix à 5000 FCFA. Très vite les enchères s’envolent, et au bout d’une vingtaine de minute le CD est adjugé à 132 500 FCFA. Le dernier enchérisseur décide de l’offrir au Ministre des Arts et de la Culture, dans le « but de lui faire découvrir cette perle de la musique camerounaise ». Le CD dédicacé par le DD MINAC, AS’A TELONG et Oscar MAWO lui-même est donc remis au DD MINAC pour acheminement. Ce fût une soirée mémorable ! Le record attend encore d’être battu.
Lorsqu’il a été invité à donner son témoignage, AS’A TELONG est venu sur la scène avec sa propre guitare. Ses premiers mots ont été l’hymne nationale du Cameroun. Puis il a récrit l’histoire d’une rencontre, non pas sans dénoncer l’attitude de certains parents qui refusent d’écouter leurs enfants. J’ai quitté moi-même l’école parce que mon père refusait de payer ma scolarité, à cause de ma passion pour la musique. J’ai travaillé et la musique m’a permis de parcourir le monde. Aujourd’hui j’enseigne même la musique dans les universités, en plus de l’académie que j’ai créée pour apprendre aux jeunes toutes les connaissances accumulées pendant ma carrière de musicien. professionnel. Lorsque des artistes ont dit qu’un artiste est une Oscar est une « épave sociale », je me suis dit que je suis un créateur du possible. Je me suis engagé à transformer l’impossible en possible.
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Quand le pasteur à demander aux artistes de rendre, en lieu et place de la chorale, hommage à leur confrère, AS’A TELONG et son élève ont joué « Chanson pour l’Auvergnat » de Georges Brassens.
A titre d’information, la disparition de Oscar MAWO est susceptible d’avoir deux grands impacts sur le département de la Menoua : d’abord le délégué départemental des Arts et de la culture a exprimé sa disponibilité à accompagner les artistes, toutes les sensibilités confondues, à la mise sur pied d’une mutuelle ; en suite i se propose d’introduire un dossier auprès du Ministre des Arts et de la culture en vue de la création d’un Prix Oscar MAWO en hommage à ces nombreux artistes de génie incompris et rejetés par leur société. S’agissant de sa vielle guitare et du tableau, ils seront déposés au Musée royal Foto.
Augustin Roger MOMOKANA