
Patrick Taponfack est un sportif-né. Sa discipline, c’est l’athlétisme. A Dschang où il vit, il est connu d’une bonne franche de la population. Les gens l’admirent pour son amour du sport qu’il a choisi comme métier. Le 11 février 2017, notre reporter l’a surpris brandissant médailles et trophées. Il est fier sa profession et n’envie pas ceux qui gagnent plus d’argent que lui pour être médecins, magistrats, instituteurs, etc. il a choisi son métier et il le vit avec tout le bonheur qu’il lui procure.
Comment vous présentez-vous à ceux qui vous rencontrent aujourd’hui, avec ces médailles et ces trophées et qui vous demandent qui vous êtes ?
Je leur répondrais que je suis Patrick Taponfack. Un fils de la Menoua, et plus précisément de Foréké-Dschang qui a choisi comme métier l’athlétisme. Je suis marathonien. Et c’est en courant que j’ai remporté les médailles que j’arbore aujourd’hui.
Vous vous vantez avec ?
Non ! J’ai juste voulu les afficher en ce 11 février, jour de la Fête de la Jeunesse. C’est comme les fonctionnaires qui sont en costume avec les médailles. Moi je suis en survêtement de l’équipe nationale d’athlétisme.
Présentez-nous vos médailles et vos trophées, que représentent-ils pour vous ?
J’ai défilé avec ces médailles et ces trophées pour que les gens qui me voient souvent pendant les entrainements sachent que je remporte des victoires. Le préfet, le sous-préfet, le maire et toutes les personnalités dans les tribunes ont vu et salué. Ils ont applaudit notre passage.
Quelles sont les médailles que vous arborez-là ?
Je porte trois médailles : la médaille en or a été remportée au semi-marathon de Bafoussam en mai 2015 ; la médaille en argent a été remportée aux 46 kms de Limbé ; et la troisième en bronze a été remportée aux 5000 m qualificatifs pour les Jeux Africains mètres à Yaoundé.
Comment avez-vous trouvé la fête de la jeunesse ?
La fête de la Jeunesse s’est bien passée. Je rends grâce à Dieu qui a permis que le défilé se passe dans de très bonnes conditions. C’était mon souhait.
Comment devez-vous athlète ?
C’est une histoire de passion. Je n’ai jamais voulu faire autre chose que l’athlétisme. Courir pour se frotter aux autres athlètes, pour essayer d’engranger des victoires. Courir pour assouvir sa passion. Je pense que ce que je pouvais mieux faire dans la vie, c’est courir.
Quelles sont vos motivations ?
Lorsque je participe à une compétition, j’ai envie de la remporter pour moi-même et pour mon département. Mais je n’ai aucun soutien. Il m’est arrivé d’aller vers certaines élites pour obtenir de l’aide en vue de préparer les grandes compétitions à l’instar de la Course de l’Espoir, mais ces gens n’ont rien à cirer avec l’athlétisme. Quand vous leur parlez, ils vous regardent comme une peste. C’est décevant. Heureusement que je ne suis pas devenu athlète à la demande de quiconque. Je ne vais pas baisser les bras parce que les gens refusent de me soutenir.
Avez-vous déjà participé à la Course de l’Espoir, pour quel bilan ?
J’ai participé déjà quatre fois à cette compétition. Les deux première fois en individuel-ce qui m’a permis d’être classé parmi les 30 premiers pour la première participation et parmi les 25 premiers à la deuxième participation. Les deux autres fois c’est en relai. L’année dernière par exemple, notre équipe a occupé le 3ème rang ; cela parce que l’un de nos athlètes a trébuché et est tombé. Cette année nous y irons pour chercher la première place.
Pour quoi abandonnez-vous l’individuel pour le relai ?
C’est compte tenu de mes performances que l’entraineur régional qui nous encadre m’a demandé de compétir dans le relai. Nous travaillons dur parce que nous voulons absolument remporter la première place cette année. C’est d’ailleurs lui qui nous informe des compétitions en vue. Et il arrive que nous soyons convoqués à trois jours de la tenue de la compétition.
Etes-vous fier de votre métier ?
J’en suis très fier. Mes enfants eux aussi le sont, même si ce métier ne nourrit son homme. Je suis obligé de m’occuper à la vente du pain ou des beignets, pour nourrir ma petite famille. Un jour, mes quatre garçons sont venus me demander pourquoi j’ai choisi l’athlétisme comme métier. Je leur ai répondus que cela est ma passion, comme celle des autres est l’enseignement. Ils me disent qu’ils vont devenir athlètes. Mais je sais qu’il y en a un qui pourrait, les autres parlent. Mais je ne vais empêcher à personne de choisir son métier.
Avez-vous le sentiment que les athlètes ont la même considération au Cameroun que les footballeurs ?
Non ! C’est le jour et la nuit. On néglige trop les athlètes dans ce pays. Voyez une compétition comme la Course de l’Espoir où pour vous remettre la prime on vous fait chier. On vous a annoncé une prime, mais quand vous finissez, on vous donne quelque chose qui n’a rien à voir avec ce qui a été promis. Ce n’est pas normal. Pour cela beaucoup ont quitté le pays pour aller signer la nationalité étrangère afin de bénéficier d’un meilleur encadrement et d’un meilleur traitement. Ceux qui ne peuvent pas émigrer abandonnent. Parce que vous ne pouvez pas rester dans une discipline comme l’athlétisme qui nécessite des moyens pour se maintenir.
Quelles est votre ration après l’entrainement ?
Quand je rentre du sport je dois prendre des fruits à l’instar de la papaye ou des oranges. Après il faut boire de l’eau. Puis on me sert du riz ou des spaghettis. Puis je prends un dessert notamment la salade et la banane mûre. Il faut manger léger. Je ne consomme ni de l’huile rouge, ni du pilé ou du couscous de manioc.
A une occasion vous vous plaigniez de ne pas pouvoir avoir un entraineur à Dschang !
Ah oui à Dschang je travaille seul. Je n’ai pas d’entraineur sur place. Lorsqu’il y a une compétition nationale en vue, je bénéficie de l’encadrement de l’entraineur régional. Je dois pour cela aller travailler deux jours de la semaine avec l’entraineur régional qui prend en charge les frais de déplacement.
Combien êtes-vous dans l’équipe régionale de l’Ouest ?
Nous sommes trois pour le relai. Deux sont sur place à Bafoussam et moi à Dschang.
Quels sont vos rapports avec le CENAJES de Dschang ?
Je n’en ai aucun rapport avec le Cenajes. Au départ j’y suis allé pour savoir si je pouvais bénéficier de leur encadrement et très vite j’ai compris que cela n’était pas possible. Vous voyez le genre de situation où on vous répond qu’on est trop occupé et que si on a le temps on va vous appeler. Depuis j’ai oublié le Cenajes et travaille seul. Mais ils avaient quand même été gentils de me répondre que je ne peux pas travailler dans l’équipe du Cenajes. C’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à me rendre à la délégation régionale des sports et de l’éducation physique de l’Ouest à Bafoussam à partir d’où on m’a mis en contact avec l’entraineur régional d’athlétisme.
Quel est votre plus grand rêve d’athlète ?
Je n’ai pas eu la chance à mes débuts d’avoir un entraineur. Ce qui fait que je n’ai pas pu franchir un certain seuil. Aujourd’hui, je travaille avec un entraineur et ça va. Sauf qu’à 35 ans je rentre dans la catégorie des marathoniens. Mais j’ai besoin de remporter des victoires. J’en ai besoin. J’ai envie d’avoir une opportunité pour aller compétir pour les couleurs du Cameroun.
Vous comptez arrêter la compétition à quel âge ?
Si Dieu le permet, je pourrais courir jusqu’à l’âge de 50 ans. Pour faire un marathon il faut être mur.
On parle beaucoup de pratiques occultes dans les sports de compétition. Vous en savez quelque chose ?
Les gens en parlent, mais ils sont les seuls à pouvoir répondre à votre question. Pour ma part je sais que tout est dans le travail, la discipline et les objectifs que l’on s’est fixés. En tout cas personne ne peut aller à une compétition en comptant uniquement sur les écorces. Il faut beaucoup travailler si tu veux remporter une compétition. En ce qui me concerne, je travaille et confie le reste au Seigneur.
Propos recueillis par Augustin Roger MOMOKANA